Il y a maintenant plus d'un an, les restaurants ont dû baisser le rideau pour une durée indéterminée à cause de la crise sanitaire. Après une réouverture en début d'été 2020, les établissements ont de nouveau fermé le 30 octobre et les restaurateurs sont toujours dans l'attente d'une date précise de réouverture.
L'année a été particulièrement difficile pour le secteur, qui a dû s'adapter à la situation pour continuer d'exister. Click&Collect, vente à emporter, livraison, lancement de nouveaux concepts... Une chose est sûre, l'année 2020 aura demandé beaucoup de résilience aux professionnels de la restauration.
Mauro Colagreco, chef triplement étoilé du Mirazur, élu meilleur restaurant du monde en 2019, n'a pas échappé à la règle. À Menton, son jardin en permaculture n'alimente plus ses assiettes mais le cuisinier refuse de perdre le moral. Le chef italo-argentin dresse pour nous le bilan de cette année écoulée.
Si vous deviez faire un rapide bilan sur cette année écoulée, que retiendriez-vous ?
S’il y a un apprentissage à tirer de cette pandémie et plus précisément de cette période si fluctuante c’est qu’il faut rester très attentifs et développer notre conscience sur l’impact de nos actions pour notre santé, la santé des autres, la santé de nos communautés, de notre planète. Il faut élargir le champ de ce concept de santé aussi, ce n’est pas seulement une question de virus, il faut réfléchir aux liens et aux rapports qu’on tisse chacun de nous, dans toutes nos relations. Il s’agit d’un travail de dépassement continu dont nous sommes appelés à faire partout dans le monde.
Cette crise a-t-elle changé quelque chose dans votre façon de concevoir la cuisine ?
Je dirais que cette crise a fonctionné comme un catalyseur. Elle a accéléré des processus qui étaient déjà en route et puis surtout elle m’a permis de changer de rythme et de ce fait de renforcer mon lien avec la nature et le travail que nous faisons dans nos jardins. Pendant tout le confinement, jour après jour je travaillais dans mon potager. Ce contact direct avec les cycles des plantes et le rythme du calendrier lunaire, ont fait évoluer mon état d’esprit. La force régénératrice de la nature m’ont donné l’espoir nécessaire pour aller encore plus loin dans notre démarche pour sauvegarder la diversité de la vie dans notre planète.
Pendant cette période, avez-vous lancé un nouveau concept ? Qu'est-ce que cela vous a apporté ?
À la première réouverture, nous avons pris ce défi de lancer un nouveau concept avec le calendrier Lunaire pour le Mirazur tout en gardant notre philosophie et la qualité de ce que nous aimons offrir à nos clients. Dans le monde, nous sommes heureux d’avoir développé nos hamburgers bio CARNE à l’échelle internationale avec l’ouverture d’un local à Singapour à la fin du mois de février.
Comment avez-vous géré la production de votre jardin sans pouvoir l'écouler au restaurant ?
La continuité du travail dans nos jardins nous a permis de réfléchir à de nouvelles façons de conserver ses fruits. Nous avons beaucoup travaillé et continuons à le faire dans un processus de transformations, nous avons fait des conserves, des marmelades, des confitures…. Nous profitons de notre nouvel espace de R&D au sein du Mirazur pour aller plus loin et expérimenter d’autres façons d’utiliser les produits qui nous entourent. Nous avons aussi ouvert nos jardins à notre communauté avec la préparation de paniers qu’on offre aux voisins, ça nous a permis de créer de nouveaux liens et de renforcer ceux avec notre communauté.
Selon vous, les aides de l'Etat ont-elles été suffisantes et rapides ?
Nous traversons une crise planétaire, il est important de prendre conscience de l’ampleur de la situation. La crise est internationale et les aides ne sont pas toutes les mêmes pour l’ensemble des pays. C’est un grand défi que nous traversons tous. Des nouvelles façons d’agir et de réagir seront surement nécessaires de partout dans le monde.
Quels sont vos espoirs/attentes pour les semaines ou les mois à venir ? Comment envisagez- vous le futur ?
Nous sommes très motivés à travailler pour la réouverture de notre restaurant. Nous sommes pleinement conscients qu’il faut accompagner nos équipes, les mobiliser, les former et faire tout le nécessaire pour que ce passage se fasse dans les meilleures conditions pour tous. Toute cette période de crise a généré une grande angoisse pour les chefs d’entreprise mais aussi pour les équipes. Il faut réussir à les accompagner pour préparer au mieux la réouverture. En ce qui concerne le futur, nous avons une opportunité inouïe de faire appel à la réflexion sur notre mode de vie, notre empreinte sur la planète et nos engagements vis-à-vis de nos vies et celles de futures générations. Comme dit la chanson « le futur c’est maintenant ».