En début de semaine, le Collège Culinaire de France a publié une lettre ouverte adressée au gouvernement, réclamant la réouverture des restaurants à travers le pays. Yannick Alléno, chef triplement étoilé du Pavillon Ledoyen à Paris et membre de l'association, est l'un des signataires de cette lettre et se dit "très inquiet" pour le futur de la gastronomie et de la France en général.
"Il était important que le Collège Culinaire de France prenne le taureau par les cornes et fasse des propositions. La moindre des choses était au moins de réfléchir à des solutions", estime le chef, qui n'a pas de date précise en tête. "L'idée n'est pas de rouvrir le plus vite possible mais de rouvrir tout court. Avec certains représentants de l'association nous sommes en train d'écrire un livre blanc qui sera accessible à tous les restaurateurs désireux de l'avoir. Nous allons le présenter aux ministères concernés (Travail et Santé) pour essayer de trouver quelque chose de cohérent. Je pense qu'il est très important aujourd'hui de s'engager en tant que citoyen, être responsable les uns des autres et remettre la machine en route. Même si on sait qu'on ne pourra pas tout de suite rouvrir à 100%, il faut bien se dire qu'une pléiade de petits fournisseurs dépend de nous. J'ai tous les jours des producteurs qui m'appellent pour me dire qu'ils n'y arrivent plus", se désole Yannick Alléno. "Il y a aussi les vignerons, les céramistes, les travailleurs de la porcelaines... C'est toute une chaîne de plus d'un million de personnes qu'il faut sauver. Comme l'a rappelé Philippe Etchebest, plus de 30% des restaurants ne rouvriront jamais. À Paris le constat est d'autant plus dur que depuis 4 ans, les aléas s'enchaînent entre les manifestations, les attentats et maintenant cette crise sanitaire qui touche tout le pays."
Mais pas question de se laisser abattre : "Il faut remettre la vie en route ! À quelle vitesse ? Je ne sais pas mais il faut se poser les bonnes questions car ce que l'on voit est très affolant. Je suis très inquiet pour le pays. À travers cette lettre et ce livre blanc, nous souhaitons montrer au gouvernement que nous sommes des gens responsables et qu'on fera tout pour que les distanciations soient bien respectées. Je pense qu'il y a moins de risque d'aller au restaurant que de se retrouver dans un appartement à manger avec 15 personnes car au restaurant, nous ferons en sorte que les règles de distanciation soient respectées", estime Yannick Alléno.
Pour le Pavillon Ledoyen, le chef a par exemple commander des tapis pour la désinfection des chaussures et des plexi pour le comptoir. Mais "le Collège Culinaire de France réunit environ 1.800 restaurants donc il n'y a pas une manière de rouvrir, mais 1.800. Chacun doit trouver ce qui est le plus adapté", estime le chef, qui a l'avantage d'avoir une vision de ce qui peut marcher grâce à son restaurant coréen. "En Corée, le déconfinement a commencé il y a trois semaines. Le pays partait de moins loin car les gens avaient déjà l'habitude de porter des masques, mais je pense que le modèle est transposable à la France. On a coupé la clim qui est un nid à bactéries, le personnel porte des masques et des gants, les serveurs ont des gants blancs qui sont changés et lavés régulièrement et ça marche ! Aller au restaurant n'est pas pire que d'aller dans un supermarché et en plus, en mangeant dans les établissements français, les gens feront un geste citoyen !"
"On a hâte de retourner mettre des légumes dans les casseroles, de sentir les bonnes odeurs émanant de la cuisine et de refaire plaisir aux gens", conclut le chef sur une note plus positive.