Le 17 mars 2015, vingt grands chefs s’étaient mobilisés à San Sebastián en Espagne pour soutenir la campagne de l’ONG Oceana : « Save the Oceans : Feed the World ». En devenant ambassadeurs de la cause, ils se sont engagé à proposer des menus propices au développement durable et à la préservation des océans. Retour sur les impressions et commentaires de sept grands chefs qui espèrent de trouver des solutions alternatives pour la cuisine de demain.
Grant Achatz « Je pense que ce qui est le plus important pour améliorer nos restaurants est de se demander ce que l’on peut éliminer de nos menus plutôt que d'essayer d'y rajouter d'autres poissons plus petits. Par exemple, je ne savais pas que l’élevage de crevettes avait des conséquences graves pour les mangroves, les côtes et leur habitat naturel. On devrait avoir un guide pour mieux être informés sur l’élevage des saumons, des turbots, des soles ou des crevettes. »
Gaston Acurio « Le Pérou a le plus grand nombre de petits poissons au monde, et 97% d’entre eux sont utilisés dans l’industrie du poisson d’élevage. L’idée de cet événement est de rappeler que nous avons beaucoup de petits poissons dans les océans et qu’ils sont délicieux. S’ils sont correctement maintenus, les océans pourraient nourrir 1 milliard de personnes en leur fournissant un repas par jour. »
Rodolfo Guzman « Nous traversons une période capitale au Chili parce que nos pêcheurs commencent à se sentir à la fois fiers et particulièrement conscients de pouvoir faire quelque chose d’important. Notre côte présente beaucoup d’opportunités, principalement grâce à la sardine chilienne, que nous utilisons pour nourrir les saumons mais qui est aussi riche en oméga 3 et qui est un poisson délicieux même si on le mange très rarement. On pourrait en faire la nourriture du futur, comme beaucoup d’autres animaux qui ne sont jamais sortis de l’eau. Je me demande combien de poissons sont dans la mer que nous ne connaissons même pas au Chili ! »
Brett Graham « Je pense que je vais continuer à développer un poisson local en Angleterre, ce que j’avais déjà commencé à faire en développant le maquereau. En enlevant les filets du maquereau, on découvre de beaux morceaux de poisson qui peuvent servir pour une entrée à la carte ou pour des amuse-bouches une fois coupés en deux. Les petits morceaux sur les bouts du maquereau peuvent être séchés et utilisés pour assaisonner les légumes d'un plat d'un autre poisson. Nous fumons les arêtes sur de la tourbe et nous les séchons pour en faire une crème qui sera ensuite versée sur des carapaces de crustacés avec une vinaigrette d’orge perlé et de navets. »
Daniel Humm « Autrefois New York était le premier producteur d’huitres au monde, d’où le surnom de Oyster Island lorsque les élevages d’huîtres étaient encore importants. Après, l’eau est devenue polluée et les huîtres sont parties, mais au cours des dix dernières années plusieurs élevages sont revenus et ont remporté un grand succès ce qui montre que les eaux sont plus propres. Aussi, les huîtres, les palourdes et les moules aident à nettoyer les océans puisqu’ils se nourrissent d’algues. »
Joachim Wissler « Nous faisons trois choses. Première chose, nous proposons plus de poissons de notre pays, des poissons de rivières, comme par exemple la truite. Deuxièmement, j’aime beaucoup cuisiner des poissons plus petits comme le maquereau. Enfin, on essaye de cuisiner des poissons pêchés à la ligne et non dans les filets. Les anchois du Golfe de Gascogne ou le cabillaud norvégien sont deux exemples qui montrent comment la pêche peut rebondir en arrêtant la surpêche. »
Normand Laprise « Mon grand combat est la traçabilité de mes produits, dont les poissons. Nous avons beaucoup de bons produits de la mer, mais ils doivent être consommés en saison comme les légumes. Nous utilisons le homard pendant seulement un mois et demi. J’ai arrêté de proposer le thon il y a neuf ans , mais le problème est que tout le monde autour de moi continue à en produire et en vendre. Les clients commentent sur mon manque de variété de poissons et je leur explique. Ensuite j’ai appris qu’une organisation au Canada distribue 50 permis par an pour pêcher le thon, donc une fois par an, je sers du thon parce que je connais les pêcheurs qui ont un permis pour pêcher un thon l'an. »