Constituée de plus de 18 000 îles, dont environ 6 000 sont habitées, l'Indonésie est un pays d'une grande diversité et éclectisme. Dans le pays, il y a plus de 1 300 groupes ethniques et plus de 700 langues reconnues, ce qui en fait l'une des nations les plus diversifiées d’un point de vue géologique et culturel. Par conséquent, la cuisine locale met en valeur les richesses du terroir de chaque île, en utilisant les herbes et les épices spécifiques à chaque environnement.
La modernisation du pays de ces dernières années a conduit à une culture de la commodité en matière de nourriture. Résultat : les recettes élaborées et complexes de la tradition indonésienne sont en train de se perdre. Heureusement, le chef Wayan Sutariawan du Four Seasons Resort Bali à Sayan, s’engage pour faire revivre ces traditions culinaires perdues.
L’un des plats traditionnels que le chef a "sauvé de l’oubli" est l'ikan klengis, une recette ancienne et rare, réalisée à base de barramundi (un poisson de rivière) mariné dans de l'huile de coco. Sa saveur intense de de noix de coco, due au klengis (huile traditionnel de noix de coco balinais), est impossible à reproduire avec tout autre ingrédient.
"Aujourd'hui, il y a très peu de fournisseurs de klengis, car il s'agit d'un processus traditionnel qui nécessite sept heures de travail manuel pour obtenir seulement un litre et demi d'huile de coco", explique le chef Sutariawan. "Au Four Seasons Sayan, nous nous approvisionnons en huile de noix de coco auprès d'une micro-entreprise familiale locale qui produit du klengis à la main. La durée de conservation de ce produit est de trois semaines mais, s'il n’est pas réfrigéré, il ne dure que 24 heures. Cette recette a été oubliée en raison des tendances alimentaires modernes : les jeunes générations préfèrent des techniques de cuisson plus rapides et faciles ».
Le chef Sutariawan puise dans son expérience pour préparer ce plat : il se souvient l'avoir cuisiné avec sa mère dans son village, quand il avait 15 ans. Il a ensuite redécouvert le plat après son mariage.
"Je voulais que nos clients du Four Seasons Sayan expérimentent la joie et les saveurs de cette recette ancienne et rare", explique-t-il. "C'est pourquoi j'ai décidé de présenter ce plat à Sokasi, l'école de cuisine au bord de la rivière de notre complexe hôtelier, et de le servir dans le cadre de notre Chef's Table Dinner, une dégustation de sept plats qui célèbrent les techniques et les ingrédients de la cuisine balinaise authentique".
Une tradition culinaire renouvelée doit être partagée au-delà d'une table de chef ou d'une carte de restaurant, afin de faire partie du patrimoine culinaire des gens ordinaires. L'année dernière, le chef Sutariawan a publié son livre de recettes Cherished Memories from My Childhood, qui comprend également cette recette. Le livre raconte son héritage culinaire ancestral et partage la culture balinaise avec le monde.
La cuisine indonésienne est une forme d'art complexe, qui demande de l'engagement, du dévouement et beaucoup de temps. De nos jours, les gens manquent de temps et la cuisine en souffre, mais Wayan Sutariawan est déterminé à montrer à tous la valeur d'une approche plus lente et soignée de la préparation des aliments.
"La cuisine indonésienne traditionnelle n'est pas une cuisine à la carte", explique Sutariawan. "Tous les ingrédients doivent être minutieusement préparés et chaque plat doit être mijoté, frit ou cuit dans une feuille de bananier pour que tout puisse être servi en même temps lors d'un repas. Cela nécessite un équilibre d'ingrédients qui demande nombreuses heures de préparation et de cuisson".
"Nos techniques de cuisson sont longues et les jeunes générations n'ont ni le temps ni la patience de s'asseoir autour d'un feu ou de cuisiner des ingrédients dans des feuilles de bambou ou de bananier. Nous avons l'habitude d'acheter des ingrédients frais, de cuisiner tous les jours et de manger tout ce que nous avons cuisiné le long de la journée. Les Indonésiens ne mangent pas de restes, donc la plupart des jeunes générations préfèrent manger au restaurant ou acheter des pâtes ou du sambal prêts à l'emploi pour gagner du temps".
"A Bali, nous aimons les saveurs fortes, salées et épicées et nous préservons notre culture alimentaire balinaise à travers des cérémonies religieuses et des festivals", explique le chef. "Les familles et les communautés se réunissent pour rendre hommage aux dieux, aux hommes et à la nature. Lors de ces événements, nous utilisons encore des méthodes de cuisson traditionnelles ancestrales, comme la marinade à base de genep (pâte d'épices balinaise, ndlr) et la cuisson du babi guling (rôti de porc, ndlr), du poulet et du canard en bambou".
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