A l’heure où les guides gastronomiques se multiplient, la valeur du Guide Michelin ne fléchit pas. Si certains grands chefs n’hésitent pas à rendre leurs étoiles pour retirer la pression de leurs épaules, la majorité accueille avec bonheur et même soulagement l’arrivée d’un premier macaron, venant couronner des mois voire des années de travail acharné.
Lors d’une journée organisée ce lundi 13 juin par le Guide Michelin et S.Pellegrino, une partie des chefs ayant reçu leur première étoile en mars 2022 à Cognac se sont réunis au restaurant Marsan d’Hélène Darroze. La cheffe, marraine de cette promotion aux côtés de Mirko Benzo, directeur du restaurant Hélène Darroze at the Connaught à Londres, a pris le temps d’échanger avec une vingtaine de cuisiniers/restaurateurs venus de toute la France.
D’autres chefs, comme Alan Geaam et Raphael Rego étaient également présents pour partager leur expérience et préparer les jeunes chefs présents à l’impact de la première étoile sur la vie d’un restaurant mais aussi celle d’un/e chef/fe. Image, réservation, financement, pression… Fine Dining Lovers fait le point.
Quel est l’impact d’une 1ère étoile Michelin pour un restaurant ?
Une grande fierté
La première chose que ressentent généralement les chefs après l’obtention d’une première étoile au Guide Michelin est bien évidemment une immense fierté. “Pour quelqu’un comme moi, complètement autodidacte, arrivé en France en 1999 alors que je ne parlais pas un mot de français, c’était un bel accomplissement”, s’est exprimé Alan Geaam, premier chef d’origine libanaise récompensé d’une étoile Michelin en France. “C’était aussi une belle récompense pour les jeunes de mon équipe qui réalisent que tout est possible et qu’ils seront peut-être les prochains.” “Cette fierté est également partagée avec les producteurs avec qui l’on travaille. C’est vraiment une victoire collective”, ajoute Raphael Rego du restaurant OKA à Paris. Un sentiment partagé par Philippe Etchebest, qui a également décroché une première étoile pour son restaurant Maison Nouvelle à Bordeaux. “Mes équipes étaient limite plus heureuses que moi et ça, ça m’a vraiment touché. C’était d’une puissance incroyable !”
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Des réservations qui grimpent en flèche
La deuxième conséquence que les chefs constatent très rapidement est l’impact d’une étoile Michelin sur les réservations. “Dès le lendemain de la cérémonie, mon restaurant était complet sur deux mois. C’était tellement fou qu’on a dû bloquer les réservations pour ne pas se laisser submerger”, se souvient Alan Geaam. Son tout premier restaurant L’Auberge Nicolas Flamel a d’ailleurs également reçu une première étoile cette année et le chef a fait le même constat : “Les réservations ont augmenté de 20 à 30% depuis la cérémonie”, assure-t-il.
Notoriété et parfois angoisses
L’arrivée d’une première étoile Michelin attire également plus de médias et donc de notoriété. Si cette reconnaissance a souvent du bon et accroît fortement la fréquentation du restaurant, elle peut également générer des doutes et des angoisses. “Après avoir décroché ma première étoile j’étais vraiment très stressé”, reconnaît Raphael Rego. “Je n’ai pas dormi pendant un mois ! Je me demandais constamment comment rester à la hauteur des nouvelles attentes des clients.” Même son de cloche du côté d’Alan Geaam, qui assure se demander tous les jours s’il mérite vraiment son étoile. “C’est également une façon de garder les pieds sur terre”, reconnaît-il.
L’accueil de la critique
Victor Mercier, à la tête du restaurant étoilé FIEF à Paris et nommé jeune chef de l’année par le Guide Michelin, a également soulevé un point important qui va de pair avec la notoriété : la critique. “Comment faites-vous pour l’accueillir ? La prenez-vous toujours en compte ?”, se questionne Victor Mercier. “Personnellement, je ne remets pas toujours tout en question quand je reçois une critique. J’échange volontiers avec les clients mais si je doute à chaque réflexion je risque de me perdre. C’est très important de savoir qui on est”, estime Raphael Rego. “Aujourd’hui, chaque client est un critique culinaire potentiel et personne ne fait l’unanimité. L’important, c’est d’évaluer le ratio. Si, sur 30 clients, 29 te disent qu’ils ont mal mangé, bien sûr qu’il faut réfléchir. Mais si ce n’est qu’un client sur 100, il ne faut pas y accorder trop d'importance. Il est essentiel de ramener chaque chose à sa proportion”, insiste Philippe Etchebest.
L’autre problème, selon Alan Geaam, peut être la confusion de certains clients lorsque le chef détient plusieurs restaurants. “Comme j’ai un établissement étoilé, certains s’attendent à manger étoilé dans toutes mes adresses. Or, j’ai aussi des bistrots libanais et une adresse street food. Il est important de bien communiquer pour ne pas recevoir de critiques injustifiées", prévient-il. Si beaucoup de chefs passent par les réseaux sociaux, le rôle du service en salle est primordial pour passer le bon message. “Les chefs doivent partager plus avec les équipes de salle pour guider au mieux les clients. Le manque de compréhension d’un client peut aussi venir d’un manque de communication entre la cuisine et le service”, estime Mirko Benzo.
Se préparer à perdre une étoile
Si la joie de recevoir une première étoile au Guide Michelin est immense, sa perte peut provoquer une profonde tristesse, une incompréhension voire un épisode de dépression chez certains chefs. “D’une année sur l’autre, il faut se préparer à perdre une étoile et comprendre que l’on peut vite retomber dans l’oubli. L’important est de continuer à bien travailler, car c’est la première chose qu’attendent nos clients”, conclut Philippe Etchebest.