Le chef Mathis Debize et le chef pâtissier Alexandre Mornet travaillent côte à côte depuis un an aux Foudres, le restaurant gastronomique de l’Hôtel Chais Monnet et Spa, une étoile au guide rouge depuis 2021 et de deux toques au Gault & Millau. Situé à Cognac et ouvert depuis octobre 2018, cet hôtel cinq étoiles luxueux et contemporain est né à la place d’un ancien site datant de la première moitié du 19e siècle et classé au patrimoine industriel, niché dans parc verdoyant. Au cœur de l’établissement, ayant récemment obtenu deux Clefs Michelin, se trouve un ancien chais centenaire dit « Cathédrale » : c’est ici qui se situe sa table gastronomique, Les Foudres.
Les Foudres - Photo : Studiodeuxcentquatre
Au sein de cette adresse chargée d’histoire et de charme, les deux chefs œuvrent au quotidien pour amener à table leur savoir faire culinaire, leur passion et toute la richesse du terroir charentais. Rencontre.
Ensemble, c’est mieux
« Je suis arrivé aux Foudres il y a trois ans, juste après la pandémie, comme second de cuisine. L’année dernière, lors du départ du chef Paolo Boscaro, j'ai repris les cuisines en collaboration avec Alexandre. La direction nous a proposé ce défi : il y a des opportunités qu’il faut saisir ! », raconte Mathis Debize. A seulement 27 ans, le chef a fait son petit bonhomme de chemin avant de prendre les manettes des cuisines du restaurant en juillet 2023. Né à Lyon, après une formation en cuisine, il a enchaîné plusieurs expériences dans des maisons françaises de renom (La Belle Perdrix, Le Gabriel, Paul Bocuse, Château de la Messardiere, etc.) et une parenthèse indonésienne au Layana Warung de Bali, avant de poser ses valises à Cognac, où il a intégré la brigade du chef Marc Antoine Lepage en 2021.
Alexandre Mornet est arrivé ici en 2023, quand il a pris en charge la pâtisserie pour l’ensemble de l’hôtel, après avoir travaillé aux côtés du pâtissier Jonathan Wahid et du chef Christophe Hay. Quand le chef Boscaro a annoncé son départ des Foudres, il a décidé de rester, encouragé par la confiance que la direction de l’hôtel lui a accordé : « Je voyais bien Mathis prendre la suite. Etant passé par de nombreuses maisons étoilées, j'avais assez d’expérience et de recul pour qu'on s’aille tous les deux. Un premier poste n’est jamais évident, certes, mais la transition s’est faite très naturellement ». Tels que des véritables alliés, les deux chefs s’entendent bien et collaborent au quotidien pour créer l’offre gastronomique de la maison : « Pour nous, la cuisine est un échange. Une conversation pleine d’inspirations qui aident à s’améliorer un jour après l’autre », ajoute le chef pâtissier.
A table, cela se traduit dans une continuité entre les moments salé et sucré du repas : « Quand Mathis propose de nouveaux plats, je vais adapter le dessert pour qu'il y ait une cohérence. Parfois je travaille dans la continuité, d’autres dans les contrastes. Le but final, est que les gens à la fin du repas se disent ‘ah oui, j’ai passé un bon moment’ ». Et les clients sont contents, apparemment, puisqu’ils reviennent régulièrement.
Les deux chefs ont compris que les habitués des Foudres sont très attachés au terroir charentais et ravis de retrouver à table des produits qui viennent de la région. « Nous aimons faire référence aux fournisseurs locaux avec qui nous travaillons : le poisson vient de Royan, les fruits d’une productrice qui est à Angoulême », explique Mathis Debize, en soulignant comment leur cuisine met en avant le produit, tout en respectant la saisonnalité et l’environnement. « Nous utilisons le produit dans son entièreté, dans une démarche éco-responsable et anti-gaspillage ».
A table, aux Foudres
Les Foudres - Photo : Studiodeuxcentquatre
La proposition gastronomique de Mathis Debize est profondément française (voir "lyonnaise", précise-t-il), mais l'Indonésie est toujours présente dans l'assiette : il aime twister les recettes des grands classiques avec une touche inhabituelle. Chaque plat met ensemble la richesses du terroir local et des inspirations venues de loin.
Un exemple ? L’un des plats présents au menu en ce moment, la volaille AOP du Bourbonnais, cuite lentement et pochée au foin. Elle est accompagnée d’une déclinaison de céleri et d'un surprenant cromesquis croustillant et parfumé, qui ajoute une touche d’inspiration asiatique au plat. « Pour la volaille, j’ai voulu créer un jus végétal dans le même esprit d'un jus de viande, mais réalisé à base de parures du céleri. Assez technique à faire, il nécessite trois jours de cuisson et contient une infusion de céleri séché, un peu comme un thé qui permet de concentrer le goût. Cette recette a eu une genèse très longue : on part d'un légume et on a le même résultat qu'un jus de viande, je trouve cela génial ! ». Pour le chef Debize, les sauces sont l’élément qui peut transformer un plat en quelque chose d’exceptionnel, « C'est le plus dur et technique, mais également ce qui pousse les goûts, ce qui va changer une assiette ».
La carte des Foudres change au moins quatre fois par an, en suivant le fil des saisons et des arrivages, et s’articule autour de trois parcours de dégustation, en 3, 4 ou 6 temps. Alexandre Mornet se charge de la clôture du repas, orchestrée tout en douceur. Ses desserts sont adaptés à la longueur du menu choisi : « Je vais ajouster les portions et finir sur des quelque chose de cohérent, qui suit le même fil conducteur gustatif du reste du repas », explique-t-il. Après les amuse-bouche, les entrées et les plats, le moment sucré s’articule en trois temps, autour d’un pré-dessert, un dessert et des mignardises finales.
Les apports en sucre sont limités, nous sommes surpris par un dessert à l’arrière goût presque salé et très aromatique : une poire pochée dans un vinaigre de fleur de sureau. « Quand on lit sur la carte ‘poire à la vanille’, cela peut paraître simple, mais en réalité ce dessert ne l’est pas du tout. Un peu comme pour la volaille, on s'attend à quelque chose de classique. Mais en fait, non, c’est surprenant ».
Les Foudres - Photo : Studiodeuxcentquatre
La cuisine, un sport d’endurance
La brigade des Foudres se compose de cinq personnes en cuisine et deux en pâtisserie. « C'est stressant, mais il s’agit d’un stress positif. Il ne faut pas travailler dans la peur de perdre l’étoile, sinon on n’avance pas et on ne se renouvelle jamais. Il faut garder à l’esprit que c'est ‘que’ de la cuisine », voici l’approche de Mathis Debize, reconnaissant de pouvoir profiter de l’aide précieuse d’Alexandre en cette première expérience de grande responsabilité. Grâce au travail qu’ils font ensemble au quotidien et à leur complicité, ils ont réussi à garder l’étoile Michelin cette année.
« Nous faisons l'une des seules professions à être notée et critiquée. Nous avons bossé durement pour arriver là où nous sommes et nous travaillons beaucoup au quotidien. Il y a les jours sans repos, les heures sup, il y a les coups de fil, il y a le fait qu'on va être appelé le week-end par les fournisseurs. Beaucoup de gens ne s'en rendent pas compte, nous sommes à la merci des réseaux sociaux, où la bienveillance n’est pas toujours au rendez-vous », ajoute le chef pâtissier.
S’ils devaient donner un conseil à un jeune qui se lance dans le métier, les deux chefs affirment à l’unisson : travailler dur, poursuivre des objectifs et s’entourer de bons collaborateurs. La cuisine est comme le sport, c'est un travail d'endurance et d'équipe, il n'y a pas de secret.
Où ? Les Foudres
50 avenue Paul Firino Martell
16100 Cognac