Des fleurs de sureau aux tomates, des petits pois au myrte, la nature est au centre de la proposition gastronomique du Jardin de Berne, restaurant gastronomique du Château de Berne. Situé dans un domaine viticole, cet établissement luxueux et paisible offre une bulle de déconnexion au cœur de l'arrière-pays provençal et propose une offre gastronomique d’exception, sous la houlette du chef Louis Rameau. Il est à la tête du Jardin, table primée d’une étoile et d’une étoile verte au guide Michelin, mais également de L’Olivier, table estivale du midi, et du Bistrot de Berne, mené par la cheffe Aurélie Liautaud.
Le Château de Berne - Photo : Airlibre
Arrivé au Château de Berne 2016 après plusieurs expériences internationales, le chef Rameau a pris les manettes des cuisines du domaine en 2020. Ici, il collabore au quotidien avec le chef pâtissier Eric Raynal, lauréat du prix Passion Dessert au Guide Michelin en 2020. Ensemble, ils proposent une expérience gastronomique au plus près de la nature, leur réservoir inépuisable d’inspiration. Les plantes qui poussent dans le domaine sont mises à l'honneur dans leurs créations salées et sucrées, ayant en commun une grande lisibilité en termes de saveurs, qui cache pourtant une énorme complexité.
Nous les avons rencontrés lors d’une balade à la découverte du potager ensoleillé du Château de Berne. Ils nous ont parlé avec grande générosité de techniques et de saveurs, d’herbes et d’insectes. Rencontre.
La leçon de la nature
Depuis leur arrivée au Château de Berne, Louis Rameau et Eric Raynal ont construit une carte mentale des saveurs que la nature leur offre tout au long de l’année. Ils les utilisent avec grand respect dans leurs créations culinaires, qui changent d'une semaine à l'autre selon les ingrédients que la terre leur propose. Pour que cela soit possible, ils doivent ralentir, observer. « Depuis 8 ans, nous passions devant un buisson de myrte qui se trouve juste à côté du restaurant sans le voir. Et puis un jour voilà, nous l’avons remarqué. Nous en faisons un hydrolat à la saveur puissante et aromatique qui ouvre le repas en ce moment », explique le chef Rameau.
Cette découverte se fait également en collaboration avec les jardiniers maraîchers du domaine, qui leur donnent un aperçu de ce qui passe dans les potagers, des gelées aux floraisons. « Malheureusement, le potager ne suffit pas à être autonomes. Nous devons faire appel à des fournisseurs externes et producteurs locaux, pour les viandes, les poissons et les produits de niche ».
Quand il y a des pics de production de certaines herbes aromatiques, les chefs les travaillent en huile d'herbes ou en déshydratation, pour ne rien gaspiller. Vinaigres aromatisés à la fleur de sureau ou de cerisiers, hydrolats et huiles herbacées, poudres de feuilles : « avec ces ingrédients, nous préparons une bibliothèque de saveurs, une palette d'assaisonnements que nous avons à disposition pour nos créations à venir », précise Eric Raynal. Cette approche éco-responsable et respectueuse du produit a été primé en 2021 par l'arrivée de l'étoile verte, la récompense du guide rouge pour la gastronomie durable.
… et celle de la Table du Pass
La Table du Pass - Photo : Lea Gil
« Nous avons énormément appris grâce à la Table du Pass : elle nous permet d’échanger avec nos clients, d’avoir un aperçu de leurs réactions en direct, par le biais du langage non verbal ». Cet emplacement d’honneur, qui permet à deux personnes de vivre l’expérience d’un repas avec vue sur les cuisines, s’est avéré être une source précieuse d’apprentissage pour les chefs. « Parfois un plat ultra-complexe, qui nous a pris des heures de travail, ne marche pas du tout… alors que quelque chose de simple séduit immédiatement les clients », avoue Louis Rameau.
« Je pense qu'on peut autant s'éclater gustativement sur une tomate que sur un homard », ajoute-t-il. Sa recherche passe à travers le choix de cuissons novatrices, qui respectent et mettent en valeur l’identité gustative de chaque produit. Un exemple à la carte en ce moment : la tomate oubliée. Servie en entrée, elle met tout le monde d'accord avec les saveurs ensoleillées du sud. Au centre de l’assiette une San Marzano, qualité de tomates italiennes charnues et allongées, historiquement décriées et utilisées en Italie pour faire des conserves, que les jardiniers du domaine planté dans le potager sous conseil du chef. Elles sont épluchées, assaisonnées à huile d'olive, thym, sel et sucre et cuites dans un four à sol, pendant deux à trois jours. « Ça se ride et ça se concentre en sucre. C'est magique. Le jus concentré de tomate donne un côté caramélisé et le goût d'une tomate sauvage juste cueillie dans un champ baigné de soleil, encore chaude ». Malgré sa simplicité, ce plat a un impact gustatif énorme.
La Tomate oubliée - Photo : Léa Gil
Du salé au « pas trop » sucré
Fruit de la collaboration étroite entre le chef Rameau et le chef pâtissier Raynal, le ballet des saveurs est cohérent tout au long du parcours gastronomique proposé au Jardin de Berne, des mises en bouche aux desserts. « Cela fait huit ans que nous travaillons ensemble, nous avons grandi en même temps ici. Louis est arrivé second en 2016 et moi comme chef de partie en 2017. La construction de la carte s’est faite tout naturellement », explique Eric Raynal.
La transition entre plats salés et desserts se fait par une progression gustative douce. Le premier dessert est déroutant, presque salé : la cueillette d’herbes mélange fleurs et feuilles, cache un cœur crémeux à la verveine, complété par un sorbet aux herbes et yuzu. C’est une explosion de saveurs herbacées, qui évolue selon les arrivages. Le deuxième dessert, construit autour de la fraise du jardin, est une valeur sûre et permet de terminer le repas sur une note réconfortante et régressive.
L'huile d'olive de Xavier Alazard - Photo : Lea Gil
Passé par une formation en cuisine avant d'évoluer vers la pâtisserie, Eric Raynal avoue que son expérience de cuisinier a beaucoup élargi son approche du dessert : « Je suis moins attaché aux codes traditionnels de la pâtisserie, j’essaie de laisser plus de place à l’expérimentation et à la créativité ». Parmi ses missions, la réduction des sucres dans ses créations. « J’essaye d’être juste dans les quantités, de "désucrer" au maximum et de donner à mes desserts le niveau en sucre nécessaire, pas plus ».
Le futur au château
La vie au Château de Berne est agréable et les équipes du restaurant s’engagent ici sur le long terme, « les commis de l’époque où je suis arrivé au Jardin sont aujourd’hui mes bras droits. Ils ont monté comme une cordée d’alpinistes, un pas après l’autre », explique Louis Rameau. Passé par de nombreuses expériences à l’étranger avant de poser ses valises ici, il met le bienêtre de ses équipes en premier plan : « On a beaucoup à apprendre des pays nordiques sur la gestion des équipes cuisine. Le but est que tout le monde soit content de travailler. De retour, mes collaborateurs sont fidèles et loyaux ».
Quand on parle de futur, l’objectif de Louis Rameau et Eric Raynal est clair : toujours s’améliorer et progresser, attirer de nouveaux clients et continuer de surprendre ceux qui reviennent au Jardin de Berne. Concernant la deuxième étoile au guide rouge, le chef avoue : « On voudrait qu’elle arrive grâce à l’évolution de notre offre, pour qu’on puisse dire "cette année nous avons fait mieux que l’année dernière” ».
Où ? Le Jardin de Berne
Chemin des Imberts, 83780 Flayosc