L’une des premières choses que vous apercevrez en arrivant au Château de Fonscolombe sera les deux tours qui encadrent l’entrée principale de cette ancienne bâtisse du 18e siècle transformée en raffiné boutique-hôtel. Sur l’une d’elles, une horloge indique 11h11, une heure figée, immuable à tout moment de la journée, une invitation à profiter du moment présent. Ici, le temps est suspendu et les journées s'écoulent au rythme doux et paisible de la lumineuse campagne provençale. À l'image de ce temps arrêté, le chef Marc Fontanne aspire lui aussi à marquer une pause ici, du moins le temps de laisser une empreinte indélébile dans l'histoire du Château.
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Classé monument historique, le château se niche dans un domaine de 36 hectares au cœur de l’arrière-pays provençal, comprenant un merveilleux jardin à la française et un domaine viticole produisant des superbes vins à déguster sur place. Le long de sa longue histoire, des plantes et herbes provenant du monde entier sont arrivées ici et font aujourd’hui la richesse de ce lieu désormais préservé. Le Château de Fonscolombe est un véritable havre de paix et luxe discret où se ressourcer, dans la nature comme à table.
Arrivé ici en 2023, Marc Fontanne dirige les cuisines des deux tables de l’établissement, le restaurant bistronomique L’Orangerie et le restaurant gastronomique La Table de l’Orangerie, primé d'une étoile Michelin en 2024. Dans ce cadre privilégié, le chef exprime sa cuisine combinant tradition et audace, en lien profond avec le terroir provençal. Lors d'une interview exclusive, il a partagé sa philosophie culinaire, ses projets pour l'avenir et l'importance du travail d'équipe pour les concrétiser.
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La Provence, à La Table de l’Orangerie
Originaire de la campagne roannaise, Marc Fontanne a grandi dans une famille d’éleveurs où la cuisine avait une place centrale. Formé à la cuisine et à la pâtisserie, il a rapidement eu les idées claires : la haute gastronomie est sa vocation. C’est ainsi qu’il fait ses armes dans plusieurs cuisines de prestige (La Maison Pic, le Château des Avenières, etc.) avant se s’installer dans le sud de la France en 2008, pour travailler pendant une décennie aux côtés du chef Yannick Franques, qu’il considère son mentor (Château Saint-Martin de Vence, Réserve de Beaulieu). Il prend son envol en tant que chef exécutif du Prieuré de Beaumaniere en 2018, où il est obtient une étoile au guide rouge, avant de poser ses valises au Château de Fonscolombe en 2023.
Si les racines gastronomiques de Marc Fontanne viennent du cœur de la France, les saveurs du sud influencent profondément sa cuisine. A la Table de l’Orangerie, vous trouverez du beurre aromatisé au romarin à côté de la délicieuse huile d’olive locale. Fortement attaché au terroir provençal, pour lui la terre est un véritable réservoir d’inspiration et d’ingrédients : « C’est la nature qui nous inspire et nous guide. Suivre la saisonnalité des produits est essentiel pour préserver leur pureté. »
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Un projet particulièrement cher au chef est la création d'un potager du château. « J'imagine un beau jardin de 3 ou 4 hectares, avec des petites parcelles et des chemins où les clients pourront se promener et cueillir des fraises ou des tomates. Ce serait une expérience ludique et pédagogique, notamment pour les enfants qui visitent le château ». Il précise cependant que ce potager ne remplacerait pas les producteurs locaux : « Nous ne pourrons jamais être totalement autonomes, surtout avec le nombre de couverts que nous servons ici. De plus, rien qu’au restaurant gastronomique nous avons besoin d'une variété de produits que seul un potager ne pourrait offrir ».
Une cuisine sophistiquée et lisible
A la Table de l’Orangerie, la cuisine de Marc Fontanne se distingue par un équilibre subtil entre simplicité et sophistication : « Je veux qu’elle soit légère, fraîche, accessible, qu’elle me ressemble ». Toujours à la recherche de nouvelles associations, le chef n'hésite pas à sortir des sentiers battus, mêlant audacieusement des saveurs de la terre et de la mer, tout en préservant la pureté des ingrédients et la lisibilité de ses créations.
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Il illustre cette idée avec l'exemple du chevreuil d’été, que l’on retrouve dans l’un des plat à carte du restaurant gastronomique en ce moment, en association avec l’artichaut et le bar, le lard de Colonnata et les prunes : « Son goût varie selon les saisons, en fonction des herbes et des baies que l’animal consomme. Cela en fait un produit presque différent à chaque période, qui peut être associé aux ingrédients d'été, bien qu'il soit traditionnellement considéré comme une viande d'automne ou d'hiver, , un peu comme tout le gibier d'ailleurs ». Il nous explique que son objectif est d'inciter les clients à réfléchir à ce qu'ils mangent : « Je veux qu’ils se demandent : où veut m’emmener ce plat ? ». Résultat : chaque assiette est un voyage dans les saveurs provençales, à la découverte des inspirations qui ont amené à sa création.
Quand nous lui demandons quel plat, parmi ceux qu’il propose en ce moment, pourrait représenter l’essence de sa cuisine, il n’a pas de doutes : « Le boudin, un plat qui me rappelle énormément mon enfance et que j’ai retravaillé avec un mélange terre-mer. J'ai pris un risque, car il y a beaucoup de préjugés sur les abats. Je l’ai associé à un jus de couteaux et à une crème de basilic. Le résultat est un équilibre entre douceur, acidité et salinité ».
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Le futur au Château
Après une bonne année de travail ici et l’arrivée de l’étoile, qui a suscité la curiosité des locaux et les poussant à pousser enfin la porte de l'établissement, le chef a l’impression d’avoir posé de bonnes bases : « Je veux m’enraciner ici. L'objectif maintenant est de développer des plats signature qui resteront à la carte tout au long de l'année, même si j'aime souvent innover. Il faut trouver un équilibre entre l’envie de changement et l’importance de garder les créations qui ont bien marché, pour qu’une clientèle fidèle puisse les retrouver ».
Il souhaite également perfectionner l'art de la table et du service, pour que ses convives puissent vivre une expérience gastronomique exquise. « Seul, on ne peut rien faire. Moi, sans mon équipe, je ne peux rien. Il est fondamental d’avoir une bonne ambiance en cuisine comme en salle ». En cuisine, le chef est épaulé d’une brigade de 17 personnes, qui travaillent à la fois pour le bistronomique et le gastronomique. « Cela enrichit chacun et favorise l'apprentissage », explique le chef, qui met les valeurs humaines et le bien-être des employés en premier plan : « Nous allons bientôt construire une nouvelle maison pour les saisonniers, avec 60 chambres et 30 douches, car en été, notre personnel triple ».
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« Il est important se fixer un challenge, parce que cela aide à se raccroche dans les moments de difficulté. Le notre est un métier dur, il y a beaucoup de chutes. Au quotidien nous avons des rythmes soutenus, c'est important de savoir où on va. Notre travail est s'accrocher, être patient, être humble, rester solidaires ». Pour l’avenir, Marc Fontanne a les idées bien claires : « J'espère être encore ici. Le Château de Fonscolombe a un grand potentiel à développer. Je voudrais qu'on se souvienne de moi et de mon héritage gastronomique le jour où je prendrai ma retraite ». Alors, longue vie à sa cuisine dans ce lieu de temps suspendu, au milieu de la campagne provençale.
Où ? La Table de l'Orangerie - Château de Fonscolombe
Rte de Saint-Canadet, 13610 Le Puy-Sainte-Réparade