Voici presque deux ans, Romain Meder s’est quelque peu éloigné de Paris pour se mettre au vert. En 2022, l’ancien chef du Plaza Athénée a en effet migré à une heure de Paris, au Domaine de Primard à Guainville (Eure-et-Loire) pour imaginer la carte du restaurant Les Chemins, qui a depuis obtenu une première étoile au Guide Michelin.
Le parc du domaine, qui s’étend sur plus de 20 hectares, accueille deux restaurants (le second, Octave, n’est plus mené par Romain Meder), mais aussi une quarantaine de chambres réparties dans plusieurs bâtisses, un jardin potager de 600m2 et quelques animaux (moutons, ânes) qui gambadent au bord de l’Eure. Un véritable havre de paix dont le chef profite du jeudi au dimanche, le reste de sa semaine étant consacré au restaurant Sapid, ouvert avec Alain Ducasse à Paris.
Après avoir parcouru le domaine en long, en large et en travers avec nous, Romain Meder nous accorde un peu de son temps précieux pour nous en dire plus sur cette aventure fabuleuse.
Crédit : Benoit Linero
Quelle est l’identité culinaire du restaurant Les Chemins au Domaine de Primard ?
L’identité est la même que celle initiée au Plaza Athénée, avec cette Naturalité initiée auprès d’Alain Ducasse. La cuisine est très axée sur le végétale, avec quelques condiments de la mer (crustacés, poissons), mais le légume est vraiment au centre de l’assiette et nous ne proposons pas de viande. Je ne dis pas qu’il ne faut pas en manger, mais le Plaza Athénée était l'endroit idéal pour passer le message qu’il fallait en manger moins et qu’on pouvait faire de la haute gastronomie sans protéine carnée. Ça ne choque plus personne aujourd’hui, mais en 2014, c’était perturbant pour certains clients. Aussi, plus égoïstement, j’ai moins d'appétence à travailler la viande (Romain Meder a pourtant été boucher). Je m’amuse avec le végétal, le sauvage. Je suis en recherche permanente pour trouver de nouveaux goûts avec des produits que l’on connaît tous. Enfin, au Domaine de Primard, j’ai les “mains dans le moteur” avec toute cette nature environnante.
Au Plaza Athénée, vous aviez également l’art d'accommoder des aliments que l’on jette habituellement à la poubelle. Est-ce toujours le cas ?
Bien sûr ! Je ne dirais pas que j’ai une démarche zéro déchet, car mon premier critère, c’est le goût. Disons que je donne une seconde vie à des produits qu’on aurait mis de côté comme les épluchures, les écailles, la tête de poulpe, s’il y a un intérêt gustatif. Si ce n’est pas bon, je n’utilise pas.
Pour certains produits, c’est très facile. Avec une carotte par exemple, je vais utiliser les fanes pour faire un condiment, les épluchures en jus et la carotte au four. Les trois éléments ensemble vont avoir un goût plus intense… On obtient vraiment la quintessence du goût de la carotte !
Je fais aussi toujours des charcuteries de poissons, en revalorisant des morceaux que l’on n’a pas l’habitude de manger.
Crédit : Maki Manoukian
Vous disposez également de votre propre potager…
Le potager est quatre fois plus grand qu’à mon arrivée grâce à Gérard, notre jardinier. Je continue à travailler avec les producteurs avec lesquels je suis en contact depuis dix ans, mais ce potager est un vrai complément. Le jardin donne le rythme de notre changement de carte. Aussi, pour les clients, un légume n’aura pas la même saveur s’il a été cueilli dans le jardin ! Enfin, cela permet aux jeunes qui travaillent ici d’avoir les mains dans la terre. Au printemps et en été, tous les dimanches après-midi, les cuisiniers vont ramasser les légumes pour la semaine. Ça leur offre une certaine sensibilité mais surtout une responsabilité du produit.
Quelle saison vous inspire le plus en cuisine ?
J’adore le printemps et l’automne. Le printemps représente la sortie de l’hiver, le moral va mieux, on fait une cuisine plus légère en termes de sapidité et plus délicate, on arrive sur de belles couleurs vertes, des légumes qu’on doit à peine cuire, avec des jus très courts.
Pour l’automne, c’est l’inverse, on se prépare à entrer dans l’hiver. Je fais des cuissons et des jus plus marqués, avec plus de corps et de caractère… Une cuisine qui va nous protéger du froid avec des tons plus bruns. À cette période, on travaille souvent le légume comme une viande que l’on saisit.
La moitié de la semaine, vous vous consacrez toujours au restaurant Sapid, à Paris…
Tout à fait. C’est une adresse qui me tient beaucoup à cœur. On a lancé le brunch il y a environ un mois, toujours dans une démarche végétale. On y trouve de belles tartes aux légumes, aux fruits, un buffet assez complet et chaque client a en plus droit à un plat salé et un plat sucré. C’est une façon pour nous de sensibiliser les gens au bien-manger, mais de façon plus abordable.