Un parfum de bois ciré et de sauce tomate mijotée semble flotter dès l’entrée chez Bartolo, rue des Canettes. La lumière dorée se reflète sur les nappes impeccables, soulignant la patine du mobilier et la mosaïque fanée du sol. Ici, chaque objet évoque le Paris des années où l’authenticité n’était pas un argument marketing, mais une réalité quotidienne : tables rapprochées, miroirs piqués accusant le temps, étagères croulant doucement sous les flacons familiers. On redécouvre une atmosphère, presque feutrée, où la ville paraît lointaine derrière les vitres opaques.
La carte, fidèle à une tradition culinaire venant d’Italie, ne cède rien aux modes passagères. Les ravioles maison, finement ourlées, dévoilent un équilibre de textures ; le léger rebond de la pâte précède la douceur presque herbacée de la farce. S’y ajoute cette escalope milanaise à la panure dorée, exhalant un parfum inimitable de beurre mousseux et d’huile d’olive, servie sans emphase, agrémentée simplement de quartiers de citron. Les poissons, lorsqu’ils sont à la carte, affichent une cuisson franche, laqués d’une huile citronnée à la brillance discrète, laissant la chair s’exprimer sans détours.
La philosophie qui règne en cuisine se lit dans chaque assiette : à Bartolo, il s’agit moins de surprendre que de réconcilier le geste précis et la tradition vivante. Les sauces, nappées en finesse, évitent l’excès, tandis que les herbes fraîches ne sont jamais superflues. Rien de spectaculaire sur les plateaux : ici, la simplicité est élevée au rang d’élégance, redonnant leur place aux produits et à la mémoire gourmande de la ville. Chez Bartolo, le repas n’est autre qu’un retour à l’essentiel, où le souvenir de la tradition l’emporte sur le désir de nouveauté.