Il y a quelques jours, Aurélien Rivoire a été nommé Pâtissier de l'Année par le Gault & Millau. Cette récompense met en avant le travail du chef pâtissier du Pavillon Ledoyen auprès de Yannick Alléno, mais surtout une pâtisserie moderne, à contre-courant de ce qui se fait aujourd'hui à Paris.
"J'étais très très très content de recevoir ce prix, non seulement pour moi mais aussi pour toute l'équipe qui m'entoure", a réagi Aurélien Rivoire. "J'ai la chance de travailler avec beaucoup de passionnés qui m'aident à me surpasser au quotidien et ce titre met en valeur mon sens de la pâtisserie. Ca m'encourage à poursuivre dans une direction qui, je pense, n'est pas celle de tout le monde."
Mais justement, qu'est-ce qui différencie la pâtisserie d'Aurélien Rivoire de celle des autres ? Fine Dining Lovers vous en dit plus sur ce jeune pâtissier de 33 ans.
Aurélien Rivoire : une pâtisserie zéro sucre

Crédit : Nicolas Lobbestael/Pavyllon
L'une des particularités de la pâtisserie d'Aurélien Rivoire, c'est l'absence totale de saccharose depuis un an. "On ne fait pas ça pour être à la mode ou plaire à une certaine clientèle. Avec Yannick Alléno, nous avons décidé de retirer le sucre pour révéler le goût propre des produits bruts, sans exhausteur de goût. C'est la même base de réflexion que les sauces du chef. On fait beaucoup d'extraction et de cryoconcentration, qui nous permettent de concentrer le goût du produit sans l'abîmer. Grâce à ces procédés, je suis cohérent avec ce que je défends mais aussi avec la cuisine de Yannick Alléno", nous explique-t-il.
Aujourd'hui, Aurélien Rivoire propose une pâtisserie très identitaire, à travers de laquelle il crée en permanence pour les trois restaurants logés sous le même toit : Alléno Paris au Pavillon Ledoyen (***), L'Abysse (**) et Pavyllon (*). "Ca fait des journées bien remplies. Aucune ne ressemble à celle d'avant !", s'amuse le pâtissier qui, malgré l'offre différente des trois adresses, garde toujours la même ligne directrice : "Ce qui m'importe, c'est d'aller plus loin dans le goût, quel que soit le restaurant", martèle le jeune homme.
Reprendre les bases de la pâtisserie

Alléno Paris au Pavillon Ledoyen
Aurélien Rivoire, qui travaille sur ces nouvelles techniques depuis plus de 5 ans, assure ne rien inventer. "Je ne cherche pas à designer ou revisiter la pâtisserie. Plus jeune, j'ai passé mon CAP pâtissier, chocolatier, confiseur et glacier. Aujourd'hui, mon but est de reprendre ces quatre piliers et de les travailler avec les contraintes actuelles, de façon plus moderne, écologique et aussi bonne pour la santé. Ce sont des préoccupations indispensables en 2020, même si le goût prime toujours", résume-t-il. "C'est un travail que je ne fais jamais seul ! J'ai toute une équipe autour de moi avec qui on réfléchit beaucoup. J'apporte la plupart du temps mes idées et Yannick Alléno, grâce à sa vision, son expérience, son palais affûté, m'aide à aller encore plus loin dans l'excellence."
Pour la partie chocolaterie, Aurélien Rivoire s'est ainsi mis en tête de retravailler l'intérieur de ses chocolats en supprimant les ganache, crème et sucre. A la place, le chef pâtissier utilise des extractions et cryoconcentrations qu'il va assembler, "un peu comme un assemblage de Cognac", pour apporter beaucoup de minéralité, de puissance, d'acidité et de chaleur... "Bref, tout ce dont on a besoin dans un chocolat moderne", résume Aurélien Rivoire.

Cheesecake japonais/Abysse
Côté glacerie, le chef reste sur la même logique de goûts extraits par le froid avec toujours la même contrainte : celle de l'absence de sucre qui, habituellement, représente 30% de la composition d'une glace pour obtenir une bonne texture. A la place, Aurélien Rivoire réalise "une béchamel de manioc, une oxydation de tournesol ou encore une gélification de graines de lin pour arriver à une texture magnifique et onctueuse."
Toujours dans cette lignée, Aurélien Rivoire a mis au point une nouvelle technique de confiserie de fruits... sans sucre. "C'est un véritable concentré du fruit qui, au bout de six mois, a encore une fraîcheur extraordinaire ! On a essayé beaucoup de procédés différents pour arriver à ce résultat fantastique. Je pense que ce n'est que le début d'un travail qui va nous ouvrir énormément de portes", se réjouit le chef pâtissier, qui préfère pour le moment ne pas en dire plus sur cette technique qu'il a mis plus de trois ans à mettre au point.
Dernier pilier : la pâtisserie, sur laquelle Aurélien Rivoire travaille sans relâche, même durant la fermeture des restaurants. "C'est très dur pour tout le monde. Je pense à tous les restaurateurs qui ont peur et particulièrement à Yannick Alléno, qui est un chef-propriétaire. De mon côté, pas question de relâcher mes efforts. Je profite de cette période pour améliorer sans cesse ma pâtisserie moderne, que je cuisine généralement comme un plat plus qu'une pâtisserie. Mon but est désormais de m'attaquer aux pâtes pour savoir par exemple quel sera le feuilletage de demain... On en reparlera quand j'aurai trouvé la réponse !"