La chef Dominique Crenn est un voyage à elle seule. Son éducation forgée entre Paris et Versailles lui a donné le goût des bonnes choses, mais ses études en économies et commerce international l'ont préparée une carrière dans les hautes sphères des meilleurs restaurants.
La chef d'origine bretonne est arrivée à San Francisco en 1988 et a travaillé dans les restaurants les plus réputés, avant de partir pour Jakarta, où elle est devenue la première femme chef d'Indonésie.
Quelques années plus tard, Dominique Crenn est retournée à San Francisco, a décroché sa première étoilé Michelin pour sa cuisine artistique au restaurant Luce, avant d'ouvrir l'Atelier Crenn en 2011 et Petit Crenn il y a tout juste un an.
Aujourd'hui, Dominique Crenn est une source d'inspiration pour les femmes (et hommes!) chefs et participe régulièrement aux conférences internationales TED.
Récemment, la Française a été nommée Meilleure femme chef du monde au World's 50 Best Restaurants.
La chef est également le mentor du finaliste américain du S.Pellegrino Young Chef 2016 (un rôle occupé par Yannick Alléno en France).
Rencontre.
Quel effet ça fait d'être nommée meilleure femme chef du monde ? C'est un grand honneur de recevoir cette distinction de la part de mes pairs et des gens pour qui j'ai eu plaisir à cuisiner. J'ai été tellement inspirée par les précédentes vainqueurs de cet award alors c'est une immense joie de rejoindre leur rang. J'espère que moi aussi je motiverai des cuisiniers à travers le monde et les inciterai à travailler dur, à etre créatif et à poursuivre leurs rêves. Je suis fière de partager cette récompense avec mes équipes de l'Atelier Crenn et Petit Crenn, sans qui tout cela n'aurait pas été possible.

Qu'entendez-vous à travers le terme « poetic culinaria » ? La vie est un poème, cuisiner et nourrir les gens est un acte de vulnérabilité. Une part de nous même que nous partageons avec les autres.
Quelle est votre définition du succès ? Pour moi, le succès se résume s'investir dans la profession, et pour cela être capable de travailler avec mes collègues, partager mes connaissances avec la nouvelle génération et, le plus important, inspirer les autres quel que soit leur domaine de compétence.
Dans une profession dominée par les hommes, comment faire pour encourager plus de femmes à intégrer la cuisine ? Comme dans beaucoup de domaines, les femmes doivent souvent travailler plus dur pour y arriver. Je ne peux parler que de mon cas personnel mais j'ai dû travailler très très dur, avoir des buts précis, établir de fortes relations de mentorat avec d'autres femmes et passer outre la frustration et les inégalités.
Pourquoi est-ce important d'être entouré de femmes ? Nous représentons 51% de la population mondiale et nos voix doivent contre-balancer les discours des hommes. Et, tout comme différents ingrédients apportent une nouvelle saveur à un plat, les hommes et les femmes doivent tirer le meilleur les uns des autres. Nous avons besoin les uns des autres.
Qui sont les modèles de femmes chefs aujourd'hui dans le monde ? Et qui sont vos modèles ? Ma mère et ma grand-mère. Pour le reste, il y a tellement de modèles à suivre, et pas que des femmes !
Quelle place occupe l'expression artistique dans votre travail ? La question n'est pas de savoir à quel point elle est importante. Elle l'est. Mon travail est mon expression artistique.

Récemment, vous avez travaillé sur l'amélioration de la nourriture pour enfants et pour bébés. Pouvez-vous nous en dire plus ? La nourriture pour enfants aux Etats-Unis est vraiment de mauvaise qualité. Je ne comprends pas pourquoi nos trésors les plus précieux, les enfants, notre futur, sont nourris de la sorte. Ici, les enfants meurent de faim ou boivent des sodas et mangent des hot dogs à longueur de journée. Je ne veux pas mettre la pression sur les parents, mais les aider à avoir accès à de la nourriture de qualité. J'aimerais que les gens arrêtent de croire que la junk food est la seule nourriture facile à préparer. Nous devons faire attention à nos enfants, et ce à tous les niveaux.
Vous avez été en compétition face à d'autres chefs durant l'Iron Chef America. Que retenez-vous de cette expérience ? C'était très amusant et ça m'a beaucoup apporté. Je me suis découvert un esprit de compétition. J'ai appris que je pouvais rivaliser avec les autres sur scène et que la pression me motivait. J'ai également appris qu'en tant que chefs, nous ne devons pas nous laisser happer par le côté glamour de notre travail. Je suis avant-tout une cuisinière.