Après deux mois et demi de fermeture des restaurants, Guy Martin soulève quelques questions à la veille de la réouverture potentielle.
Le chef triplement étoilé débute son interrogation en comparant la situation de la France à celle de l'Italie: "Pourquoi n'avons-nous aucune visibilité sur la réouverture effective des restaurants quand on devine la logistique que cela implique de remettre en route toute une équipe et imposer une nouvelle organisation liée aux mesures de sécurité ? En communiquant à l’avance les dates de reprise, l’Italie a vu les carnets de réservations de ses restaurants se remplir en 48 heures. Une bouffée d’espoir pour tous les restaurateurs, et l’opportunité de s’organiser au mieux pour être opérationnel le Jour J !", estime le chef du Grand Véfour.
Guy Martin questionne également (et logiquement) sur la date de réouverture envisagée pour le 2 juin. Pourquoi cette date plutôt que le 30 mai par exemple, qui amorce le week-end de la Pentecôte. "Ce week-end prolongé serait justement l’opportunité de compenser ne serait-ce qu’une infime partie du manque à gagner de ces dernières semaines ? Le 30 mai ou le 2 juin, cela fait-il une grande différence sur le plan sanitaire ?", s'interroge le chef étoilé.
Comme beaucoup d'autres chefs, Guy Martin souhaiterait également que le gouvernement envisage une baisse des taux de TVA pendant une durée limitée, histoire de donner un coup de pouce aux restaurants. "De façon significative pendant les six premiers mois par exemple, puis la faire remonter progressivement dans l’année qui suit... Ne serait-ce que que passer d’une T.V.A de 10% à 3, 5 % sur les aliments et de 20 % à 10 % pour les alcools et spiritueux", propose-t-il, avant de réclamer un chômage partiel prolongé pour les établissements les plus fragilisés. "Une mesure qui pourrait être accordée au cas par cas en fonction du chiffre d’affaires, facile à contrôler. Les décisions qui tardent à venir et nous obligent à subir encore un « flou » - même à ce stade de la pandémie où les projections (positives) en terme sanitaire semblent, elles, se confirmer pour les semaines à venir - me semblent traduire un manque d’écoute et de connaissance du terrain."
Dans sa lettre envoyée à la presse, Guy Martin se veut néanmoins positif quant à l'avenir de la haute gastronomie: "Ma centaine de clients les plus fidèles avec qui je suis resté en contact pendant cette période de confinement, me l’a confirmé unanimement. Pousser la porte d’un restaurant gastronomique - une fois par semaine ou une fois par an, peu importe - demeure une démarche extra-ordinaire. On ne vient pas dans nos établissements seulement pour l’assiette mais pour s’offrir un moment exceptionnel ou fêter quelque chose... On vient chercher un service, un cadre, une expérience à part entière", estime-t-il. Et si beaucoup de chefs se sont mis à la vente à emporter, cela ne résoud pas tout selon Guy Martin, qui explique que "tout ne s'adapte pas" à ce format, comme les préparations minute ou les dressages les plus délicats.
Enfin, "ce confinement a fini de convaincre ceux qui ne l’étaient pas encore que le « bien manger » nous concerne tous, car il a des conséquences sur toute la chaine alimentaire. En cela par exemple, les tables gastronomiques jouent à leur niveau un rôle essen/=tiel depuis bien longtemps. A chercher le meilleur de chaque produit, à cultiver une transparence totale auprès de nos hôtes en valorisant nos fournisseurs, en respectant les saisons et les savoir-faire comme au Grand Véfour, on soutient des producteurs et des éleveurs, parfois isolés, qui ont à coeur de travailler avec passion et éthique, à l’inverse des logiques d’une culture intensive. Une réalité qui implique un coût d’achat certes, mais la survie de celui qui nous nourrit correctement."