Il n'y a pas que la tortilla, la sangria et les croquetas qui font la réputation gastronomique de l'Espagne. Il y aussi le jambon ibérique. Connu des aficionados sous le nom de jamon ibérico, ce mets d'exception est l'une des parties les plus nobles du cochon ibérique.
Fine Dining Lovers est parti en Espagne, plus précisément à Jerez de la Frontera et Jabugo, pour connaître les secrets de cette viande porcine si convoitée et pourtant encore méconnue des Français.
Un cochon nourri de glands
Tout commence dans les contrées andalouses d'Espagne. C'est là, au coeur de la sierra non loin de Séville, que grandit le cochon ibérique. "La première chose à savoir, c'est que les cochons ibériques parcourent chaque jour des reliefs très vallonnés dans nos fincas, ce qui les rend particulièrement musclés," nous explique Juan Ignacio, éleveur porcin dans la région de Jabugo. "Ensuite, nous devons suivre un cahier des charges très strict pour correspondre aux normes." Ainsi, la majorité des cochons naissent entre les mois de mars et avril pour grandir pendant 18 mois (de deux à trois fois plus longtemps que les cochons roses). Après avoir été sevré, le porcin parcourt et se nourrit des pâturages environnants - herbes, fleurs, épices selon la saison. Entre l'automne et l'hiver, le cochon traverse la "montanera", période durant laquelle il se nourrit majoritairement des glands tombés des chênes. En un jour, un cochon ibérique peut ingurgiter jusqu'à 11kg de glands "bellota" et 4kg d'herbe.
Après deux années de vie paisible dans la sierra andalusa, le cochon ibérique pèse environ 160kg avant d'être abattu entre janvier et février. "Les cochons sont abattus juste après l'hiver, période durant laquelle ils se sont essentiellement nourris de glands. Ils présentent alors un taux idéal d'acides oléiques, ce qui rend la viande plus grasse et plus tendre", nous explique Mickaël Piffard-Besnard, président de la marque Bellota Bellota, sélectionneur français de jambons ibériques. "Le gland donne un gras et une sudation permanente. Il n'y a que l'huile d'olive qui présente plus d'acides oléiques que le jambon bellota."
La confection du jambon ibérique
Après l'abattage, les différentes parties du cochon sont séparées dont le fameux jambon qui n'est autre que la patte arrière de l'animal. "Chaque cochon est différent et il faut respecter son anatomie", nous confie Bartolomé Piñero, employé de l'entreprise Montesierra - l'un des principaux partenaires espagnols de la Maison Bellota Bellota. "Il faut enlever un peu de gras sur la patte mais pas trop car le jambon va continuer à évoluer en séchant. Lors de sa première année en cave, un jambon peut perdre jusqu'à 30% de son poids", nous affirme l'expert.
Après le profilage de chaque pièce, les jambons sont installés sous une montagne de sel marin pour y rester entre 7 et 10 jours. "On compte un jour et demi par kilo", nous explique Mickaël Piffard-Besnard. Pendant ces quelques jours, la patte doit être conservée entre 1 et 2 degrés et le taux d'humidité de la pièce doit se situer entre 80 et 90% pour conserver l'hydratation de la peau. Le jambon est ensuite retiré du sel avant d'être nettoyé. "Il ne faut surtout pas laisser de cristaux de sel sinon ils pénètrent dans la chair post-salaison ce qui changera complètement le goût du jambon."
Les jambons sont ensuite maintenus en suspension dans une autre pièce pendant trois mois. Durant cette période, on augmente petit à petit la température tout en baissant progressivement le taux d'humidité pour sécher lentement la patte. Si la pièce est trop humide, la patte peut pourrir. Si on augmente la température trop vite, la viande sue et se dessèche d'un coup. "C'est une étape-clé. C'est là où se joue la maturation finale", nous assure le président de Bellota Bellota.
Le jambon va poursuivre sa maturation dans un lieu moins froid pour un séchage on ne peut plus naturel. Cette nouvelle pièce est en effet équipée de fenêtres donnant directement vers la montagne, pour favoriser l'arrivée du vent dans la salle avant de faire suer le jambon. Pour éviter qu'une bactérie ne pénètre dans le jambon, on le protège avec une cape de graisse de cochon ibérique fondue appliquée manuellement sur l'ensemble de la patte.
Après huit mois, les jambons finissent leur parcours dans la bodega (cave) où ils passent environ trois ans. "Les bodega sont toujours enterrées pour maintenir une température et une humidité constantes, sans besoin de contrôle électronique. Les caves présentent généralement un taux d'humidité de 70% et une température de 18 à 20 degrés, des conditions idéales pour une maturation lente."
Certains jambons peuvent même maturer jusqu'à cinq ans, selon leur poids, leur qualité mais aussi les goûts de chacun. "En somme, le jambon est comme le vin. Il n'y en a pas deux pareils", affirme le directeur de Bellota Bellota.
Comment déguster le jambon ibérique ?
Le jambon ibérique est un produit qui se suffit à lui-même. Pas besoin de faire compliqué : un simple morceau de pain, un peu de fromage et de tomate, et le tour est joué !
Le jambon ibérique peut également se déguster seul, coupé très finement à l'heure de l'apéritif.