Après avoir passé toute sa carrière à Paris, Julien Roucheteau a quitté la capitale en août 2019 pour relever un défi : celui de décrocher une 2e étoile pour La Table des Rois, le restaurant gastronomique de La Réserve de Beaulieu à Beaulieu-sur-Mer.
Mais avant d'en arriver là, le chef aujourd'hui âgé de 40 ans en a parcouru du chemin. Ce géant à lunettes, qui décrit sa cuisine comme "moderne, élégante et légèrement féminine", a officié pendant dix ans pour la famille Troisgros, notamment au Lancaster à Paris, où il avait obtenu deux étoiles en 2015. "Cette année là était un peu folle. Je m'étais inscrit au Meilleur Ouvrier de France et trois semaines avant de passer le concours, on a eu deux étoiles. Ca a été très perturbant et surtout chronophage car il y avait toujours un journaliste dans le restaurant pour venir me rencontrer. Je ne dis pas que c'est à cause de ça que je n'ai pas réussi le concours, mais je pense que ça a joué quand même", nous confie-t-il.
Mais Julien Roucheteau n'est pas du genre à baisser les bras. En 2018, alors qu'il est à la tête des cuisines de La Scène Thélème (1 étoile), le jeune chef a remis le pied à l'étrier. Un an et demi de bachotage, de citations, de lois et de gestion plus tard, le chef a finalement décroché son col bleu/blanc/rouge. "Maintenant il est là, bien accroché, à vie", se réjouit-il.
La Réserve de Beaulieu : un lieu qui se donne les moyens de ses objectifs
Et si selon lui cette récompense est assez personnelle, elle est le résultat d'un travail d'équipe qui lui a ouvert de nombreuses portes, dont celles de La Réserve de Beaulieu. "On m'a proposé plusieurs projets mais ce qui m'a plu ici, c'est que les propriétaires investissent à fond pour réveiller cette Belle au Bois Dormant ! Le restaurant, le bar, tout a été refait. Bientôt, on va entamer de grands travaux dans l'entrée, il y a eu un grand changement de décoration... C'est un lieu tout neuf dans un écrin classé."
Autre bon point : sa rencontre avec Guillaume Anglade, le directeur de la restauration de La Réserve de Beaulieu. "Il est en place depuis huit ans, on a le même âge, on est même nés à une semaine d'intervalle, on a le même caractère, la même passion... Je dis souvent que c'est presque un frangin car on est très proches. Ca fait un an qu'on se connait mais ça paraît tellement plus et c'est un gros avantage. S'entendre avec ses équipes, ça fait gagner beaucoup de temps", assure le MOF.
Aussi, après avoir sillonné la région avec sa moto pour rencontrer les meilleurs producteurs du coin, le chef étoilé a réussi à imposer son style dans cette institution où les clients avaient pourtant leurs habitudes. "Au début, la clientèle trouvait que ma cuisine était trop différente de celle de l'ancien chef. Mais aujourd'hui, les retours sont très positifs", nous explique Julien Roucheteau, qui avoue que travailler à Beaulieu-sur-Mer est très différent de ce qu'il a pu connaître à Paris tout au long de sa carrière. "Là-bas, on a tout très rapidement. Ici, il faut savoir être plus patient mais avec le temps on crée des liens, on fait un pas vers les producteurs qui font ensuite un pas vers nous, et surtout le bouche à oreille se fait et on connaît de plus en plus de monde et de beaux produits. On s'éclate !", se réjouit-il. Résultat : une cuisine raffinée, juste, portée sur les acides et les vinaigres. "Les chiens ne font pas des chats", s'amuse Julien Roucheteau, en référence à la cuisine de Michel Troisgros, avec qui il a travaillé pendant des années.
Autre particularité : la dénomination des plats. Les intitulés ne détaillent pas le contenu de l'assiette mais les sensations qu'il procure. "Quand vous allez au restaurant, si vous avez passé une mauvaise journée, vous aurez envie de quelque chose d'assez cocooning, si c'est l'été et que vous avez eu très chaud, vous voudrez quelque chose de frais. Du coup, mes plats s'appellent 'Soyeux ; Fraîcheur ; Gourmand ; etc'. Comme ça, on emmène le client vers ce dont il a besoin", explique le chef.
Désormais, l'objectif de ce compétiteur est d'aller chercher la deuxième étoile avec l'ensemble de son équipe pour que La Réserve de Beaulieu retrouve ses lettres de noblesse.
Rendez-vous en janvier prochain pour savoir si la cible a été atteinte.