Alors que les marques internationales cherchent de plus en plus de moyens créatifs pour communiquer leur identité, les designers culinaires ont trouvé une niche pour offrir des solutions alternatives. L’interaction et la convivialité sont en règle générale les ingrédients clés d’un événement culinaire. Mais avec l'artiste culinaire Delphine Huguet, il y a souvent aussi une perspective enfantine et onirique.
L’ironie de Delphine Huguet se mange sans faim : dans ses projets, la nourriture est traitée de la même manière que lorsqu’elle avait 8 ans et devait préparer sa première aventure gustative. De Cooklette ─ l’atelier de cuisine de Colette ─ à quelques-uns des plus grands noms de l’industrie, dont Lay’s et Tropicana, la qualité unique de Delphine parte à la conquête de la France.
En 2012, le Centre Pompidou l’a invitée à développer un projet sur le thème des mangas japonais. Au final, elle avait créé pour l’occasion un atelier pour enfants avec une mission : tout le monde était invité à manger les Makis Mutants à l’attaque de la gastronomie française. Les invités – même les japonais ─ étaient ravis de l’idée !
FineDiningLovers l’a rencontrée et s'est entretenuson parcours et ses projets.
Racontez-nous quelques-uns de vos projets ? J’ai travaillé sur un événement culinaire pour Honda et Habitat, sur le thème du point critique entre la maison et le nomadisme. J’ai aussi créé cinq objets comestibles pour le magazine Fricote inspirés par l’alimentation industrielle et l’importance de l’emballage. Il y a eu aussi l’atelier pour enfants au Centre Pompidou, où j’ai créé les Monstres Makis.
D’où vous est venue l’idée des Makis Mutants ? Le Centre Pompidou m’a demandée de développer un projet sur le thème des mangas. Depuis quelques années déjà, il y avait eu un phénomène de mode autour de la cuisine japonaise en France : un restaurant de sushi ouvrait à chaque coin de rue. En 2011 la gastronomie française a été ajoutée sur la liste représentative du « patrimoine culturel immatériel de l’humanité » de l’UNESCO, mais bizarrement la cuisine traditionnelle française disparait des rues. Dans ma fantaisie, j'ai imaginé que cette perte était due à cause de l’invasion japonaise sur le marché et c’est ainsi que le projet des Monstres Makis est né. Les monstres allaient attaquer l’héritage français, j'ai donc invité tout le monde à le sauver en mangeant les Monstres Makis. Evidemment c’était un projet ironique : j’adore le Japon !
Comment vous est venue votre curiosité sur la nourriture ? Je joue avec la nourriture depuis que j’ai 8 ans. Quand j’étais petite je passais mon temps dans le jardin à construire des cabanes et à faire des goûters pour mes amis. J’étais obsédée par les cabanes dans les arbres, et les ingrédients que j’utilisais venaient des forêts des alentours. Je me souviens que je faisais des expériences avec de l’huile et des fruits ou des herbes sauvages pour créer des infusions bizarres. Des années plus tard j’étais étudiante à l’École Supérieure d’Art et de Design à Reims où Marc Bretillot commençait tout juste à enseigner le design culinaire.
Qu’est-ce qui est spécifique à ce secteur ? On crée un moment, entre une personne et un repas, ou entre différentes personnes et ça peut être mémorable : ils peuvent s’en rappeler pour le reste de leur vie.
Comment vous est venue l’idée du Papier Comestible ? C’était juste une envie : je voulais manger du papier ! On peut faire pleins de projets en 3D avec du papier, on peut communiquer avec, on peut dessiner sur du papier, on peut imprimer sur du papier, on peut faire des meubles avec du papier. Donc lorsque j’ai commencé à travailler sur ce projet, je suis allée au Japon pour voir comment se fabriquait le papier, et j’ai essayé d’adapter ce processus avec la nourriture. C’était un projet qui a obtenu des récompenses, avec le soutien du programme Hors les Murs de l’Institut Français.
Est-ce toujours comme ça que vous procédez lorsque vous créez un nouveau projet ? Oui, je crée un concept, et après je parle avec un chef pour découvrir comment cuisiner ce que j’ai en tête. Le chef travaille sur le goût et la texture, et je fais le reste : l’histoire, la partie esthétique.
Comment sera la nourriture dans 20 ans ? Oh là là ! Dans 20 ans la nourriture la même, les légumes seront toujours des légumes. Par contre notre façon de cuisiner et de manger la nourriture pourrait être différente. Il y a 20 ans, par exemple, quand j’avais 10 ans, on mangeait de la même manière. La seule différence c’est que maintenant on se soucie plus pour l’environnement.