L'histoire de Matteo Casone commence à Bologne, où il est né, et passe à travers plusieurs étapes avant d’arriver à Paris, où il collabore aujourd'hui avec le célèbre Alain Ducasse à La Glace, en créant et perfectionnant les glaces pour lesquelles le chef est célèbre. Mais le chemin qui a amené l'italien là où il est aujourd'hui a été tortueux. La sienne est une histoire de succès, d'échecs et de fortune retrouvée.
Matteo Casone n'a pas fréquenté une école de cuisine. Sa passion pour la natation devient un métier, qui le pousse à déménager de Bologne à Rome pour poursuivre son rêve sportif. Comme cela arrive parfois, cependant, son rêve est brisé par une blessure - dans son cas à l'épaule - qui l’oblige à reconsidérer ses plans à l’âge de vingt ans.
C'est à ce moment que la cuisine croise son chemin, avec l'opportunité de travailler comme commis dans un restaurant étoilé. "J'ai réalisé que cela ne correspondait pas, alors je suis retourné à Bologne", dit-il. "Ma ville natale possède la plus ancienne université du monde, alors j'ai commencé à étudier la comptabilité. J'ai travaillé pour Deloitte pendant quelques années, mais je voulais m'occuper de mes vrais intérêts. Mon « partenaire d’affaires » et moi nous demandions quoi faire et, en 2010, nous avons réalisé que nous devions quitter l'Europe".
"Bologne étant la capitale de la glace, nous avons donc décidé de commencer à exporter ce produit. Mon amour pour la crème glacée est inné. J'ai donc commencé par un cours de base pour devenir glacier, tenu par des producteurs de matières premières. J'ai commencé à travailler pour un glacier à Bologne et j'ai beaucoup appris de lui". Alors, armés d'un peu de connaissances sur la fabrication de glaces, lui et son partenaire d’affaires sont partis à l'autre bout du monde. "Nous sommes allés en Australie et avons ouvert quatre glaceries. Cela a été assez difficile. D'abord parce que nous avions peu de moyens et nous étions à l'autre bout du monde : nos poches étaient pleines de rêves, mais les rêves ne font pas manger. C'est très difficile de négocier avec les Australiens, ils profitent de la barrière de la langue et de votre jeune âge."
"Au final, nous avons trouvé les bonnes personnes au bon moment et avons pu ouvrir la boutique. L'idée était de produire de la glace italienne, mais avec des ingrédients locaux. Il est presque impossible de faire les mêmes saveurs à des endroits différents".
Matteo Casone avait réussi son pari et son projet commençait à décoller, quand un imprévu s'est produit : son visa n'a pas été renouvelé. « Cela a été comme une trahison. Vous arrivez à un endroit, vous apportez votre argent, vous démarrez votre propre entreprise, vous avez 28 ans, vous avez des projets et puis vous réalisez qu'ils ne veulent pas de vous. Et il n'y a aucune raison logique. Vous avez peut-être fait de petites erreurs, mais tout ce que vous avez fait de bien ne compte pour rien. Oui, nous étions en difficulté."
La terre s'est effondrée sous ses pieds, et Matteo a encore dû recommencer à zéro. "Je suis rentré chez moi, j'ai commencé à travailler pour une entreprise qui produit des machines à glaces et j'ai parcouru le monde avec eux. J'ai littéralement voyagé partout sur la planète. Alors j'ai commencé à me demander ce que le monde de la glace avait vraiment à offrir". Parce que malgré les hauts et les bas de ces années, il était tombé amoureux de la glace. "J'étais consultant partout dans le monde et je commençais à m’ennuyer. J'utilisais toujours les mêmes recettes, je devenais paresseux. Je changeais de place tous les jours, mais le travail était toujours le même."
Puis arriva le Covid. En plein confinement, Matteo Casone s'est réinventé en livrant des pizzas à domicile à Bologne. C'était un moyen "d'échapper" aux restrictions, qui lui permettait de faire le tour de la ville sur son scooter. Du plaisir pendant un certain temps, bien sûr, mais pas un plan à long terme.
C’est alors qui arriva le fameux coup de fil auquel il ne s'attendait pas mais qui lui a changé la vie : l'occasion de rencontrer le meilleur chef du monde, Alain Ducasse. "Quelqu’un que je connaissais m'a appelé et m'a dit 'il y a quelqu'un qui veut te rencontrer'. Il était là, dans le magasin de glaces où je travaillais depuis longtemps. Je me suis présenté sur mon scooter, en shorts. Cela a été vraiment comme un nouveau départ », dit-il Casone. « Ducasse est quelqu’un de franc, mais nous avons une excellente relation."
" Pour apprendre à connaître une personne, il faut passer par plusieurs étapes. Quand je l'ai rencontré, bien sûr, j'avais lu ses livres, je savais qui il était, mais je ne connaissais pas la personne qu'il pouvait être", dit Casone. "Il y a deux Monsieur Ducasse : le Monsieur Ducasse public et bien connu, et le Monsieur Ducasse qui s’occupe de son produit. C'est sa rigueur qui rend le produit vraiment excellent, c'est un chef très précis. Il peut vous dire : ok, pour ce sorbet je veux 3% de vermouth en plus, ou 5% de sucre en moins. Et il faut savoir traduire ses demandes dans la recette. Parce qu'il sait toujours exactement ce qu'il veut."
La Glace est un glacier situé à Paris et dirigé par le célèbre chef français, mais Casone dit que l'essence de la crème glacée reste italienne. "L'âme italienne, dans la nourriture, est la capacité de vous rappeler le passé. Pour la crème glacée, cela vous vient à l'esprit la première fois que vous en avez mangé. Nous avons de nombreux clients qui viennent chez nous parce qu'ils veulent avoir un moment de plaisir rien que pour eux. C'est comme un câlin, à s'offrir quand on a passé une mauvaise journée et on a besoin d'une récompense. Mais c'est aussi du pur bonheur : quand les enfants en mangent ils sont contents, c'est tout. La glace que nous fabriquons peut vous chouchouter, vous rendre heureux, mais elle peut aussi vous faire penser, réfléchir. Elle peut vous faire goûter et expérimenter quelque chose de vraiment nouveau."