Ce début d'année a été marqué par la disparition de Paul Bocuse à l'âge de 91 ans. Si le pape de la gastronomie française nous a quittés, son héritage lui reste bien vivant, notamment à travers le concours international du Bocuse d'Or.
A quelques mois de la finale européenne, nous avons d'ailleurs eu la chance d'échanger avec Matthieu Otto, vainqueur du Bocuse d'Or France en septembre dernier. Le chef nous a livré ses impressions sur sa récente victoire et sur le long chemin qu'il lui reste à parcourir, notamment la prochaine étape du Bocuse d'or Europe à Turin au moins de juin.
Qu'avez-vous ressenti après avoir remporté le Bocuse d'Or France ? Les premières émotions ont forcément été la joie et la fierté de pouvoir représenter mon pays. Que l'on soit un sportif de haut niveau ou cuisinier, on rêve tous un jour de pouvoir représenter la France. Remporter le Bocuse d'Or France a aussi été une satisfaction personnelle après ces longues heures passées à m'entraîner. Je suis content que tout cela ait fini par payer !
Comment vous préparez-vous pour le Bocuse d'Or Europe ? Depuis ma victoire en septembre je suis entouré de la Team France, composée de grands chefs qui m'aident à créer comme Romuald Fassenet et Yohann Chapuis. Je monte à Paris une fois par semaine et nous sommes en train d'installer un box d'entraînement identique à celui du concours à l'école Ferrandi. Cela me permettra d'adapter correctement mes gestes et de gagner un maximum de temps.
Pour cette deuxième épreuve garderez-vous le même commis, Jordan Holzhammer ? Non. Pour le Bocuse d'Or Europe je travaillerai avec Louis de Vicari, qui est un élève de l'école Ferrandi à Bordeaux. François Adamski, président de la Team France, connaît bien cette école et nous avons cherché ensemble le meilleur commis possible. Dans le lot, on a repéré trois jeunes bien motivés et on les a testés les uns après les autres pendant quelques jours. Le choix s'est fait sur les compétences mais aussi par affinités. Une relation chef/commis, c'est beaucoup de partage, d'implication, de travail, donc il faut une bonne entente culinaire mais aussi en dehors. Il faut qu'on soit coordonnés et qu'on se comprenne.
En 16 éditions des Bocuse d'Or, les Français l'ont emporté sept fois. Comment expliquez-vous un tel succès ? La France reste un grand pays en terme de gastronomie. C'est vrai que depuis quelques années nous devons faire face à des géants comme les pays nordiques mais en France, nous avons une technique culinaire très poussée et une grande histoire. A nous de faire en sorte de remonter sur la plus haute marche du podium.
Selon vous, les concours sont importants dans la carrière d'un jeune chef ? Oui. Les concours permettent de se mesurer à d'autres établissements, voir ce qui se fait autour. C'est aussi l'occasion de faire de belles rencontres avec de grands chefs mais aussi avec d'autres candidats. J'ai souvent gardé contact avec mes concurrents. Parfois on se retrouve et on mange ensemble, il y a une bonne ambiance. Les concours sont de vrais moments de partage où l'on progresse rapidement.
Comment définiriez-vous votre cuisine ? Je dirais que c'est une cuisine de passion et de goût. Ce qui m'intéresse le plus c'est transmettre des émotions. Une simple odeur de pot-au-feu ou de choucroute peut permettre de voyager dans le passé, de nous rappeler de bons souvenirs. C'est ce qu'il y a de plus beau dans ce métier.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir chef ? C'est avant tout le plaisir de manger et de partager qui m'ont poussé à faire ce métier. Mais j'ai un peu de mal avec le terme "chef". Pour moi, on n'est jamais vraiment chef car on apprend toujours. Je dirais que je suis un cuisinier, un maillon de la chaîne pour guider les plus jeunes, leur apprendre notre savoir-faire, leur faire comprendre que pour avoir une grande cuisine de demain, il faut transmettre et partager.
Mise à part une victoire au Bocuse d'Or, que peut-on vous souhaiter pour le futur ? Que tout se passe bien dans ma carrière et que je continue à atteindre mes objectifs !