Mehdi Karamane n'est pas tombé dans la marmite quand il était petit. Le jeune homme, qui a décroché il y a près d'un an sa première place de chef au restaurant Les Fables de la Fontaine à Paris, n'était en effet pas destiné à une carrière dans la cuisine. "J'ai fait des études de philo pour me diriger vers l'enseignement", nous raconte Mehdi Karamane. Mais ne trouvant finalement pas son compte dans cette voie, le jeune homme se lance dans une "recherche identitaire" et part à l'étranger, où il décroche son premier poste de commis de cuisine un peu par hasard. "J'ai accepté tout de suite, y voyant une manière de découvrir de nouvelles choses", se souvient-il.
Après une année passée en cuisine, Mehdi Karamane rentre en France et décide de poursuivre dans le domaine. Il se forme notamment au sein du groupe Alain Ducasse, auprès des chefs Pascal Féraud et Eric Azoug au Jules Verne.
Fine Dining Lovers, qui a eu un véritable coup de coeur pour la cuisine du jeune chef, a souhaité en savoir plus sur ce grand de demain. Rencontre.
Vous avez décroché il y a un an votre première place de chef. Comment avez-vous vécu les premières semaines à ce poste ? Et aujourd'hui comment vous sentez-vous ? Ce n'est jamais facile de commencer un nouvel emploi, et surtout quand il s'agit d'un premier poste de chef. Les premières semaines (les premiers mois même) ont été très difficiles. Il a fallu reprendre en main une cuisine inconnue, s'adapter au lieu de travail, mais surtout à de nouvelles responsabilités. Aujourd'hui je prends tout de manière très personnelle, c'est surtout ça qui fait la grande différence entre un poste en cuisine quel qu'il soit et celui de chef. On se doit de porter le poids de toutes les erreurs pouvant être commises en cuisine, et le fait de m'en rendre compte à mon arrivée m'a beaucoup atteint. Un an après, les choses sont légèrement plus simple, même si elles ne le seront jamais totalement (sourire). Mais je me sens beaucoup plus à l'aise dans mon rôle, j'essaye de déléguer pour ne pas avoir à tout porter seul, je pense que faire confiance à ses collaborateurs est la clé pour ne pas finir dépressif .
Comment décririez-vous votre cuisine en quelques mots ? Ma cuisine est avant tout celle que j'aime. Elle est de tradition française, les techniques sont françaises, mais les goûts peuvent venir d'ailleurs. J'ai vécu en Angleterre, et quelques temps en Thailande et en Suède, le voyage fait partie intégrante de ma personne et je pense que cela se ressent dans ma cuisine. Les saveurs peuvent venir de n'importe où, dès lors qu'elles sont justes et appréhensives par nos convives. Elle est portée avant tout sur le produit, dans sa transformation certes mais pas dans sa déformation (je suppose que les années chez M. Ducasse y sont pour beaucoup !). J'essaye d'apporter à mes plats un peu de mon histoire, que ce soit au travers d'un voyage comme d'une simple rencontre.
Quels sont vos plats signatures ? Je n'ai pas encore vraiment de plat signature, certains plats restent plus ou moins longtemps, je les aime tous mais il s'agit aussi de faire plaisir aux autres avant tout. Si je devais néanmoins en choisir un ce serait ma salade de betteraves. Elles sont simplement cuites au four sur du gros sel, puis on les accompagne de pickles de radis au gingembre, d'une vinaigrette au soja et sésame, d'une mousse raifort et d'anguille fumée. Très simple à comprendre, elle représente tout ce que j'aime, de la gourmandise, de la vivacité et de la simplicité. C'est souvent une surprise pour les convives, sûrement les mauvais souvenirs de salade de betteraves à la cantine scolaire, et c'est ce qui m'en rend d'autant plus fier.
Quel serait votre rêve ultime ? Je n'ai pas vraiment de rêve ultime. Professionellement j'essaye de prendre les étapes et les challenges qui me sont proposés au fur et à mesure, cela me permet de rester concentré sur le présent. Si je devais parler d'un possible projet un jour, ce serait de pouvoir cuisiner de la manière la plus simple possible. Donner du plaisir aux autres comme je l'entends, loin de toute forme de jugement.
Si vous pouviez réaliser un 4 mains avec un chef, qui choisiriez-vous ? Je ne suis pas certains que cette réponse soit très acceptable mais mon rêve aurait été de cuisiner avec mon premier "mentor", qui nous a malheureusement quitté cette année. J'aurais tout fait pour le rendre fier. Autrement, ce serait n'importe qui, j'ai tant d'idoles, et il y a tellement de grands chefs auprès de qui j'aimerais apprendre ...
Où ? Les Fables de la Fontaine, 131 rue Saint-Dominique, 75007 Paris.