L'univers de la cuisine est impitoyable. Aussi à la télé. L'émission Hell's Kitchen nous l'a encore démontré. Mais cet univers est aussi l'occasion de faire de belles rencontres. La preuve : Nicolas Ablaoui, grand vainqueur de cette première édition française, a accepté de répondre à nos questions au Ricci, le restaurant de son ami Julien Durosini, lui aussi candidat de l'émission. Entre deux coups de fourchettes, le jeune chef de 35 ans, qui recevra très prochainement son titre de "Jeune Talent" par le Gault&Millau, nous parle de sa participation dans ce nouveau programme – qui cartonne Outre-Manche grâce au charismatique Gordon Ramsay – de ses expériences passées et de ses projets à venir. Le tout avec le sourire, s'il vous plaît !
Pourquoi avoir participé à Hell's Kitchen, qui vient tout juste de débarquer en France, et pas à d'autres concours comme Top Chef ? Parce que ça me ressemble plus. Hell's Kitchen est un programme où l'on a beaucoup de pression. On est dans le vif du sujet et les téléspectateurs voient vraiment l'envers du décor d'une cuisine, ce qui n'est pas vraiment le cas dans Top Chef par exemple. Les candidats sont très bons et c'est une belle émission mais on ne fait pas découvrir au public ce qu'il se passe derrière l'assiette. A mon goût, ce genre de programme vend un peu trop du rêve par rapport à la réalité.
Que vous a appris cette expérience sur vous-même ? Ca m'a beaucoup appris sur moi-même. Je venais de perdre mon père juste avant le début du tournage et j'avais besoin d'un bon coup de pied au cul pour repartir. Un ami m'a inscrit et avec le recul, ça m'a fait du bien car j'avais l'impression de faire du surplace dans mon métier, d'avoir perdu ma motivation. Là, je suis reparti à 200 à l'heure !
Aviez-vous déjà participé à d'autres concours avant Hell's Kitchen ? Oui, quand j'avais 16 ans ! C'était un concours pour apprenti autour de la truite en gelée (rires). Et sans vouloir me vanter, j'avais la plus belle assiette. J'avais vraiment travaillé mon sujet mais j'ai perdu car le jury a pensé que j'avais triché. Ils m'ont dit qu'un apprenti de 16 ans ne pouvait pas avoir autant de technique et réalisé une telle assiette. Mais je vous jure que c'est moi qui l'avais faite ! Mais vous savez, même Charlie Chaplin avait perdu le jour du concours de son meilleur sosie...
Participerez-vous au S.Pellegrino Young Chef 2016 ? Je l'aurais fait si j'avais eu moins de 30 ans. Et je le conseillerais à mes amis jeunes chefs car c'est une belle opportunité et une belle vitrine venant de S.Pellegrino.
Participer à des concours est-il important pour un jeune chef ? Je ne dirais pas que c'est important, mais plutôt que c'est bien de se remettre en question. Les concours sont une belle opportunité pour cela.
Vous avez, entre autres, travaillé pendant un an en tant que chef sur des tournages de cinéma. Quel a été le "caprice de star" le plus inattendu que vous ayez dû assouvir ? Mon plus beau souvenir, c'est d'avoir rencontré Clint Eastwood, car ce n'est pas donné à tout le monde de cuisiner pour lui. Mais un jour, il a voulu des petits gâteaux bien spéciaux, d'une marque bien particulière, qu'il fallait trouver à 5 heures du matin dans Paris. Ce n'était pas évident !
Il y avait aussi une star française dont je tairais le nom qui mangeait uniquement dans de la porcelaine chinoise ! S'il n'y en avait pas, elle ne mangeait pas. C'était un scandale !
Je garde également un très bon souvenir de Franck Dubosc, qui adorait manger des cornichons avec la charcuterie. C'est un malade du cornichon (rires) !
Que diriez-vous à un jeune qui souhaiterait se lancer dans la cuisine ? Je lui dirais de ne pas se faire d'illusions par rapport aux émissions de cuisine. Même si Hell's Kitchen est une belle preuve de notre métier, ça reste une émission quoi qu'il arrive. Trop de jeunes arrivent en apprentissage et déchantent car la réalité ne ressemble pas à ce qu'ils ont vu à la télé.
Je lui dirais aussi qu'il faut qu'il ait envie et qu'il soit passionné. S'il ne l'est pas, ça ne sert à rien. La cuisine n'est pas une voie de garage. On dit trop souvent aux jeunes qui ne sont pas bons à l'école qu'ils doivent faire cuisine ou maçonnerie. C'était d'ailleurs mon cas mais moi, j'aimais vraiment ça. Je n'ai pas eu une enfance facile, je ne mangeais pas forcément tous les jours et pour moi, la cuisine représentait un métier où j'aurais toujours mangé à ma faim.
Quels sont vos projets pour le futur ? Je vais participer au salon Gastronoma, à Cannes (8-11 avril). Je recevrais d'ailleurs à cette occasion mon prix "Jeune Talent" par le Gault&Millau. J'y ferais peut-être une démonstration avec Arnaud Tabarec (chef de l'émission Hell's Kitchen). Mais on verra car je ne me sens pas encore prêt pour faire de la scène. Je suis assez timide. Dans tous les cas, c'est une belle vitrine car c'est un événement important où tous les plus grands chefs de la Côte d'Azur seront présents.
Par la suite, j'aimerais participer à d'autres salons et faire des chroniques dans des magazines avant de me relancer. Au final, soit je reprendrai un poste en tant que chef, soit j'ouvrirai un nouveau restaurant. Mais toutes ces opportunités sont encore très fraîches et je dois prendre le temps de réfléchir pour faire les choses bien.