Yoni Saada, Denny Imbroisi... Tous les jeunes chefs formés par William Ledeuil gardent de lui un souvenir impérissable. « Humain », « passionné » et « profondément gentil » ils ne tarissent pas d'éloges sur celui qui les a pris sous son aile.
Si William Ledeuil séduit par sa personnalité, il conquit également par sa cuisine. Une « cuisine du voyage » qui emmène ses clients au bout du monde dès la première bouchée grâce à des produits finement travaillés et des bouillons justement assaisonnés. Une explosion de saveurs qui a forgé la réputation de Ze Kitchen Galerie, étoilé depuis 2008.
Et comme le partage est l'essence même de la cuisine, William Ledeuil a publié fin 2015 un livre entièrement dédié à ses fameux bouillons, dévoilant ses ingrédients fétiches et ses meilleures recettes. Ce 6 octobre, il réitérera l'expérience en publiant un deuxième ouvrage consacré à son autre amour : les pâtes. Un livre dont le chef a accepté de nous dévoiler les grandes lignes.
Pourriez-vous nous en dire plus sur votre livre « Pâtes autrement » à paraître le 6 octobre aux éditions La Martinière ?
Quand j'ai ouvert Ze Kitchen Galerie en 2001, on n'avait déjà pas de menu classique entrée/plat/dessert mais des rubriques « Bouillons » et « Pâtes ». J'ai toujours eu les pâtes à la carte et dans le menu dégustation. Le nombre de recettes que l'on peut faire avec est presque infini, quelle que soit la saison.
Alors, quand le photographe avec lequel j'ai travaillé sur le livre des bouillons est sorti de son rendez-vous avec La Martinière pour analyser la maquette, il m'a dit : « J'ai une bonne nouvelle ! Ils adorent tellement Bouillons que si tu veux, on peut lancer tout de suite le livre sur les pâtes ». Et comme l'idée c'était de faire une sorte de collection, on a foncé.

A droite : Likken sarrasin, crème gorgonzola, champignons, pak choï
Qu'est-ce qui vous a amené à avoir une telle passion pour les bouillons ?
Je viens de la campagne et tous les soirs pour le repas on avait du bouillon ou des légumes mixés. Ensuite, mes différents voyages en Asie m'ont permis de voir que le bouillon était présent dans toutes les cultures et considérés comme de vrais plats ! Du coup, l'idée de mélanger nos deux cultures est apparue comme une évidence.Pourtant, à l'ouverture du restaurant en 2001, vous n'aviez jamais mis les pieds en Asie ! Comment êtes-vous venu à cette cuisine sans jamais avoir visité les pays ?
Je crois qu'à force de revenir sur les mêmes produits tous les ans j'avais envie de tester d'autres choses. Je n'avais jamais été en Asie mais j'avais déjà goûté cette cuisine et je savais que j'aimais ces goûts et ces parfums. J'avais deux copines cambodgiennes qui cuisinaient très bien et j'avais fait une dégustation au restaurant Cambuse à Strasbourg. La chef est vietnamienne et j'ai été subjugué par ce qu'elle produisait : des plats assez liquides mais extrêmement parfumés !
Dans notre esprit, une soupe ou un bouillon n'est pas un plat s'il n'est pas un peu lié avec du beurre ou de la crème. Ce n'est pas du tout le cas dans la cuisine asiatique.
La cuisine asiatique est donc plus saine selon vous ?
Oui je pense. Au-delà du beurre et de la crème, je mettais aussi beaucoup de sel dans mes plats avant alors qu'aujourd'hui, je peux parfaitement m'en passer. Je ne dis pas que je l'ai totalement supprimé mais j'utilise davantage les herbes et les agrumes pour relever un plat.
D'ailleurs, diriez-vous que les agrumes sont les ingrédients que vous préférez travailler ?
C'est vrai qu'on en trouve souvent dans mes plats. Un peu moins en été car contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, les agrumes sont un produit d'hiver. Mais quand il fait froid, j'aime utiliser ce produit. Ca donne de la fraîcheur et du punch à un plat.
Cependant, je fais une cuisine qui bouge beaucoup donc je vais pouvoir vous donner un tas de produits que j'apprécie. A la fin de chaque saison, j'ai hâte de passer à la suivante pour travailler autre chose. C'est comme pour les vêments : à la fin de l'hiver, les gens en ont marre et veulent porter de la couleur, des matières légères mais en automne, c'est agréable de remettre une chemise sur ses épaules. En cuisine c'est pareil, j'aime changer de saison pour redécouvrir certains ingrédients.

A gauche : Fusili soubressade pecorino. A droite : Ramen au porc caramélisé
Y'a-t-il un voyage qui vous a plus marqué qu'un autre ?
Pour ma cuisine oui. Lors d'un voyage j'ai visité le Japon, la Thaïlande, le Vietnam... tout ça a eu beaucoup d'influence sur ce que je fais aujourd'hui. Mais tous les voyages sont bons à prendre ! J'aime le contact avec la nature et les autres cultures, c'est toujours enrichissant.
Y'a-t-il un pays que vous rêveriez de visiter ?
Oui, l'Inde! Pour moi, c'est un pays qui met du relief dans sa cuisine. J'ai vraiment une fascination pour la gastronomie asiatique, leur façon de préparer les herbes, de les intégrer à leur plats... La cuisine est beaucoup plus spontanée qu'en France où tout est très codifié.
Vous avez travaillé 10 ans avec Guy Savoy. Que retenez-vous de cette expérience ?
Tout d'abord, Guy Savoy m'a donné ma chance quand je suis arrivé à Paris. Sans lui, je pense que je n'aurais pas de restaurant ici aujourd'hui.
Ensuite, j'ai appris avec lui les bases de la cuisine française et c'était très important. Même si je suis tourné vers l'Asie, j'utilise encore ces bases pour les travailler à ma façon. Pour moi la cuisine, c'est comme la musique : il faut apprendre le solfège avant de pouvoir composer et en cuisine, il faut apprendre les bases avant de créer.
Enfin, Guy Savoy m'a appris à identifier la belle matière première, chose qui est essentielle pour faire une cuisine de qualité.
L'ouverture d'un restaurant exclusivement tourné autour des bouillons est toujours d'atualité ?
Ca va dévier un tout petit peu sur les pâtes mais oui, c'est toujours d'actualité ! Ca avance bien et j'espère ouvrir courant 2017.
Où ? Ze Kitchen Galerie, 4 rue des Grands Augustins, 6e arrondissement de Paris.Web
