La semaine dernière, nous vous présentions Alexis Muñoz, fournisseur en huile d'olive des plus grands chefs et réel passionné de gastronomie. Aujourd'hui, le producteur nous en dit un peu plus sur son or liquide si précieuse et livre au passage quelques conseils pour reconnaître une bonne huile d'olive. Rencontre.
Combien de variétés d'olive, et donc d'huile d'olive, existe-t-il ?
Il existe environ 1.200 variétés d'olives sur Terre et seulement 400 d'entre elles servent à la fabrication de l'huile d'olive. Il paraît un peu compliqué de déterminer le nombre exacte d'huiles d'olive différentes étant donné que 80% de la production est industrielle et que ces derniers font des assemblages très différents.
Le pays de fabrication d'une huile d'olive a-t-il de l'importance ?
Beaucoup de gens ont tendance à penser que l'origine d'une huile d'olive - Espagne, Italie, etc - fait sa qualité, mais c'est totalement faux. C'est comme si on disait qu'un vin était bon juste parce qu'il venait de France !
Et le prix ?
Une fois de plus, tout comme le vin, le prix d'une huile d'olive n'est pas forcément représentatif. J'ai déjà goûté des huiles vendues à 65 euros le litre qui n'avaient rien d'exceptionnel, et d'autres vendues 15 euros qui étaient tout simplement fantastiques.

A quels critères faut-il donc faire attention ?
Il faut faire attention à la méthode de production de l'huile, même si c'est parfois difficile de se renseigner quand on est simple consommateur.
Il faut également éviter les huiles conservées dans une bouteille en verre transparent car l'huile d'olive s'oxyde à la lumière et à la chaleur, ce qui altère la qualité du produit.
Enfin, sur des critères plus subjectifs, le consommateur doit forger son palais pour déterminer quelle variété d'olive et quelle maturité de fruit lui convient le mieux. Ces goûts peuvent d'ailleurs varier en fonction de l'humeur du jour ou du plat préparé. Une fois de plus, c'est comme le vin !
Tout ce que je peux dire c'est que selon moi, les meilleures huiles d'olive sont celles fabriquées en monocépage, avec une seule variété d'olive. Mais toutes les huiles vendues en supermarché sont des assemblages malheureusement...
Il n'existe donc aucune bonne huile d'olive en supermarché ?
Pour moi, non. D'ailleurs, aux Etats-Unis, 70% des huiles d'olive importées du bassin méditerranéen -donc les mêmes que celles vendues en France- sont désormais refusées car des chercheurs ont découvert que la majorité d'entre elles appelées "huiles d'olive" étaient coupées à l'huile de colza. En France nous n'avons pas encore ce système qui permettrait d'enrayer la machine pour forcer les grands groupes à produire une huile de meilleure qualité.
Vous n'avez jamais voulu vendre votre huile 18:1 en supermarché ?
Non, cette huile est destinée aux chefs et à la vente dans les épiceries fines. Cependant, je développe une nouvelle marque, Terroirs de l'olivier, destinée à la vente en supermarché. Sa fabrication est basée sur les mêmes critères que 18:1, à savoir une huile monovariétale, protégée de la lumière et vendue à un prix accessible. Elle est déjà en vente dans une centaine de supermarchés dans le Sud-Ouest mais j'espère la développer encore plus.

Comment préférez-vous déguster l'huile d'olive ?
L'un de mes plus grands plaisirs à Noël est de préparer des tartines de pain grillé avec quelques lamelles de truffes taillées à la mandoline, avant d'ajouter une huile d'olive fruité noir et de la fleur de sel... C'est un délice !
Aussi, la plupart des matins, je me prépare du pain grillé avec de la tomate triturée et une huile d'olive fruité vert, comme en Espagne. J'aime aussi de bonnes tartines avec du miel d'oranger et un filet d'huile d'olive, une salade de fraises, basilic avec un peu d'huile d'olive au citron ou encore préparer un bon ceviche.
Du coup, l'huile d'olive de qualité se déguste froide et non réchauffée ?
D'un point de vue français oui car l'huile d'olive de qualité est assez chère donc on ne veut pas la "gâcher" en la chauffant. Mais en Espagne par exemple, on ne se pose pas la question puisqu'on a accès a de la bonne huile à prix correct.
Selon vous, producteur d'huile d'olive est-il un métier d'avenir ?
D'un côté je dirais que oui car aujourd'hui la production d'huile d'olive ne répond pas à la forte demande. De l'autre, je dirais que c'est très compliqué à cause, entre autres, du réchauffement climatique.
Vous savez le réchauffement climatique ce n'est pas que la chaleur en été, c'est aussi le manque de froid brutal en hiver qui permet de tuer les bactéries. Cette année, la production mondiale d'huile d'olive a chuté de 30% à cause de cela. Il existe par exemple des mouches qui transmettent une bactérie capable de proliférer dans les plantations et de tuer les oliviers en seulement trois mois.
Il y a aussi la bêtise humaine comme ce producteur situé dans la région des Pouilles en Italie qui a ramené un arbre d'Amérique du Nord contenant une bactérie complètement hostile aux oliviers et qu'on ne sait pas traiter. A cause de cela, 30% des oliviers des Pouilles ont dû être arrachés. Quand on sait qu'il s'agit du troisième plus grand producteur d'huile d'olive au monde, un tel phénomène déséquilibre complètement le marché !
Pour résumer, je dirais qu'il y a un avenir dans l'huile d'olive mais que pour se lancer dans ce domaine, il ne faudra pas hésiter à mouiller la chemise si on veut faire du bon travail.