Simple, brute, locale et sans fioriture... Voilà comment Anthony Orjollet, chef du restaurant Elements à Bidart (à côté de Biarritz), définit sa cuisine. "J'ai vécu pendant douze ans à l'étranger, entre Bali, la Nouvelle-Zélande, l'Angleterre et la Norvège et partout où j'ai bossé, le côté 'locavore' était très présent", se souvient le jeune homme de 32 ans, casquette vissée sur la tête.
Mais après toutes ces années passées ailleurs, l'envie de rentrer à la maison est devenue de plus en plus forte. "Dans la plupart des pays où j'étais, il n'y avait que deux saisons et la variété de produits était assez limitée", explique le chef. Après avoir mûrement réfléchi, Anthony Orjollet est donc revenu en France, plus précisément au Pays Basque, pour installer Elements avec Yoann Bonniot, son ami d'enfance, et Benoît Berthail, avec qui il a travaillé pendant 4 ans en cuisine à Stavanger.
A peine cinq mois après l'ouverture, c'est déjà la consécration. Sans aucune autre pub qu'un simple panneau installé à une centaine de mètres de là, ce petit restaurant situé en bord de route a été élu Meilleure table par le Guide Fooding 2018.
FineDiningLovers a souhaité en savoir plus sur le chef à l'origine de cet engouement.
Qu'est-ce que la récompense du Fooding représente pour vous ?
On est bien sûr très contents d'avoir reçu ce prix même si pour nous, l'important n'est pas vraiment là. Au quotidien, on lutte surtout pour l'activisme local, notre relation avec les paysans qui bossent pour nous... Mon but, c'est surtout de pouvoir les payer à chaque fin de mois pour le super boulot qu'ils font. Sans eux, on n'a pas de produits, on n'est rien. Ce prix, c'est aussi pour eux.
Elements propose une cuisine sans lactose, sans gluten, sans sucre. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Que ce soit moi, Yoann ou Benoît, on est tous très branchés cuisine saine. Quand j'ai ouvert mon restaurant à Stavanger, il y avait un monopole sur le lait et le supprimer de ma carte c'était ma façon à moi de montrer que je n'étais pas d'accord avec ça. Dans les pays nordiques, il y a aussi très peu de produits avec du gluten et ôter le sucre permettait d'éliminer encore une source d'allergie fréquente. Les trois premiers mois ont été très compliqués car on a toujours envie de mettre un peu de beurre, de crème ou de farine partout mais ensuite, notre créativité a explosé et ça a cartonné ! En revenant en France, on a voulu garder ce concept pour continuer à développer notre créativité. Cela nous permet aujourd'hui de nous différencier sans forcément faire des trucs de fou. Même niveau matériel, on n'a pas grand chose à part un séchoir, un mixeur qu'on utilise très peu, du feu et une plaque en acier japonaise. Pour apporter du goût, on mise surtout sur des super produits, beaucoup de fermentation, des cuissons longues et complexes, et des assaisonnements. On dit souvent que c'est de la "Nouvelle cuisine" alors qu'en soit, il n'y a rien de nouveau.
Comment trouvez-vous l'inspiration pour changer la carte à chaque service ?
On travaille avec ce qui arrive. On voit les produits et on se lance. Ca demande pas mal de spontanéité mais c'est ce qui me plaît. Je pense que sinon je m'ennuierais. En fait, on se dit "tiens aujourd'hui, on mangerait bien ça avec ça" et on y va. On ne fait aucun essai avant, on écrit aucune recette... On a juste des produits et une imprimante cachée dans un coin du resto pour pouvoir imprimer le nouveau menu à chaque début de service.
Le locavorisme semble occuper une place très importante chez Elements. Comment choisissez-vous vos producteurs ?
Même quand j'habitais encore à l'étranger, j'avais beaucoup de contacts de vignerons et je connaissais quelques paysans. Quand je suis revenu, c'est vers eux que je me suis tourné en premier pour la qualité de leurs produits et surtout leurs méthodes d'agricultures. Label ou pas, ce qui m'importe c'est d'aller chez eux et voir comment ils bossent. Ensuite, j'ai trouvé les autres grâce au bouche à oreille et je me suis aussi pas mal baladé au hasard pour trouver des producteurs. Aujourd'hui, 99% des produits travaillés au resto proviennent des 90km à la ronde. On connaît chaque producteur et on s'adapte à eux. Ca nous fait plus de boulot mais ça a du sens.
Vous utilisez beaucoup la méthode de cuisson teppanyaki. De quoi s'agit-il exactement ?
Il s'agit d'une plancha japonaise. La cuisson se rapproche de celle d'une plancha classique. C'est propre, régulier et on peut couper les aliments dessus. On peut tout faire avec ; le poisson, la viande et les légumes... Ca permet aussi de conserver les aliments bruts, comme la peau des pommes de terre ou la peau du poisson. Et quand t'es seul en cuisine, ça évite d'avoir 50 poêles à nettoyer.
Selon vous, quelle est votre plus grande qualité en cuisine ? Et votre plus grand défaut ?
Je dirais que ma plus grande qualité, dans la vie comme en cuisine, c'est la spontanéité. Côté défaut, je dirais que ma passion dévorante pour ce que je fais peut me jouer des tours. Quand on est comme ça, on sacrifie souvent le côté privé et on se met parfois des oeillères.
Quel serait votre rêve professionnel ultime ?
Quand on sera plus vieux, j'aimerais que notre restaurant soit en complète autarcie. J'aimerais avoir un jardin adossé au resto, un gars qui élève quelques animaux et retourner chasser le poisson au harpon comme j'ai pu le faire quand je vivais à l'étranger. Avoir la conscience de ce que l'on tue et aller jusqu'au bout des choses, ça me plairait vraiment. Mais pas aujourd'hui, chaque chose en son temps.
Où ? Elements, 1247 avenue de Bayonne, Bidart.