"Quand je vois mon visage et l’affiche du film sur Netflix, je dois me pincer pour y croire", confie Tendaiishe Chitima, actrice principale de Cook Off, un long-métrage 100 % zimbabwéen, disponible sur la plateforme de diffusion en ligne.
Si le film promet déjà de faire pas mal de bruit, l'aventure n'était pas gagnée d'avance. Tournée en 2017 au Zimbabwe, en Afrique australe, le long-métrage disposait d'un tout petit budget de 8.000 dollars et l'équipe a dû faire face à de nombreux aléas.
"Ce n’était pas le genre de tournage où les acteurs ont leur caravane et du vin à gogo. Non, tout était minimaliste. Il fallait que la première prise ou la seconde soit la bonne", se rappelle la jeune femme dans une interview accordée à l'AFP.
Dans Cook Off, histoire d’amour pimentée d’humour, la jeune actrice zimbabwéenne joue Anesu, une mère de famille célibataire passionnée par la cuisine, mais emportée par le tourbillon du quotidien. À son insu, son fils et sa grand-mère l’inscrivent à une émission de téléréalité culinaire.
Pour rentrer dans son budget, l'équipedu film n'a évidemment pas investi dans des décors modernes mais emprunté ceux de la version locale de Top Chef. "On a utilisé les costumes, le décor, les ustensiles de cuisine de l’émission qui n’était pas reconduite faute de budget", se rappelle le scénariste et réalisateur du film, Tomas Brickhill, "sans ça, il n’y aurait pas eu de film".
Mais ce n'est pas tout. Avec un budget restreint, l'équipe a dû faire preuve d'imagination pour nourrir tout le monde sur le plateau. Compte tenu de la pénurie d’argent liquide au Zimbabwe, "on ne pouvait retirer que 20 dollars par jour. Il fallait trouver des agents à qui acheter du cash" au marché noir, c’est-à-dire payer 110 dollars pour en avoir 100 en poche," se souvient Tomas Brickhill. "Le genre de choses auxquelles on est habitué au Zimbabwe mais qui, pour des étrangers, semble fou", relève-t-il lors d’un entretien à l’AFP.
Autre problème ? L'absence d'eau courante. L'équipe du film devait se rendre régulièrement au robinet d'un jardin et faire bouillir l'eau avant de la consommer pour éviter toute maladie. Le tournage a également été perturbé par des coupures d'électricité à répétition et l'équipe a dû louer un générateur pour que tout se passe au mieux.
Le tournage a eu lieu en 2017, dans un contexte économique, mais aussi politique, tendu, quelques mois seulement avant la chute du président Robert Mugabe, au pouvoir depuis 1980. L’une des actrices s’est ainsi retrouvée piégée dans une manifestation réprimée par les forces de sécurité à coups de gaz lacrymogènes. "Elle a appelé pour dire qu’elle pouvait venir sur le tournage, mais que ses yeux coulaient sans cesse et qu’elle n’avait pas de scène de pleurs à tourner", se rappelle, en en souriant aujourd’hui, Tomas Brickhill.
Malgré les aléas, le film a vu le jour, se retrouve aujourd'hui sur l'une des plus grosses plateformes mondiales et envoie un message positif : "D’habitude, je jouais dans des séries télé des rôles de domestiques, de prostituées, de femmes victimes de trafic en tous genres", explique Tendaiishe Chitima, qui a décroché avec Cook Off son premier rôle dans un long-métrage. "Là, j’ai pu jouer une femme qui prend son destin en main et va au bout de son rêve. Le film montre l’autre facette de notre histoire (nous, les Zimbabwéens), nous sommes résilients, nous avons des rêves."
Tendaiishe Chitima attend aujourd'hui d'être payée pour ce tournage et espère désormais décrocher des rôles dans des films à plus gros budgets.