Lundi 19 septembre, 11 heures. Ce jour-là, Cyril Lignac présente à la presse ses deux nouvelles pépites, le Framboise-cassis et la Tarte orange-noisette, qui seront cet automne à la carte de ses pâtisseries parisiennes.
Mais le chef étoilé est toujours en action. Après avoir travaillé main dans la main avec Benoît Couvrand pour imaginer ces nouveaux desserts, le membre du jury du Meilleur Pâtissier s'attelle déjà à d'autres projets. S'il refuse encore d'en dévoiler plus sur son futur restaurant, il nous confie tout de même que ce nouveau repère se situera dans le 6e arrondissement de Paris et que les travaux sont en cours.
En attendant la mi-novembre, date à laquelle le papillon devrait sortir de sa chrysalide, Cyril Lignac a accepté de nous accorder un peu de son temps pour parler cuisine et glisser quelques conseils avisés à la prochaine génération de chefs.
Restaurants, pâtisseries, chocolaterie... Comment trouvez-vous l'inspiration pour alimenter tous ces projets ?
Disons que je me plais dans la diversification. Du coup, je prends autant de plaisir à réfléchir à la cuisine gastronomique du Quinzième que la cuisine du voyage du restaurant Aux Prés ou la cuisine traditionnelle du Chardenoux. Et je travaille toujours main dans la main avec mes bras droits, Aude Rambour et Benoît Couvrand. J'apporte mes idées et eux, c'est plus le côté technique. Cette harmonie est idéale pour créer !
La passion est donc toujours intacte ?
Oui tout à fait ! Je dirais même qu'elle grandit car j'ai plein de projets et c'est vraiment grisant ! Aujourd'hui, c'est aussi créer de nouveaux lieux, sélectionner les bons fournisseurs... J'adore !
Le Chardenoux
Quelle discipline a votre préférence, la cuisine ou la pâtisserie ?
J'ai envie de dire « les deux mon Général » ! J'ai commencé la cuisine à 16 ans mais comme j'étais vraiment gourmand et que j'adorais les desserts, je me suis dit que j'allais aussi apprendre la pâtisserie. En fait, je me suis toujours dit que le jour où j'allais devenir chef, je voulais imaginer ma carte de l'entrée au dessert. Souvent, quand on va au restaurant, on sent une vraie différence entre le travail du chef et celui du pâtissier. Ce n'est pas pour autant que ce n'est pas bon, au contraire, mais disons qu'on sent parfois une cassure. De mon côté, je voulais fournir un travail cohérent donc j'ai appris les deux métiers. Aujourd'hui, je ne fais pas de préférence. J'ai besoin des deux !
Vos origines aveyronnaises ont-elles une influence sur votre cuisine ?
Je ne pense pas que ma région natale ait une influence sur ma façon de cuisiner. En revanche, la façon dont j'ai été élevé joue clairement un rôle. J'ai la chance d'être né dans une région agricole, d'avoir toujours consommé de bons produits et d'avoir eu accès très jeune au locavorisme. J'essaye vraiment de mettre en avant les producteurs car sans eux, les chefs ne sont rien.
Aux Prés
Vous faites également partie de ces chefs qui passent régulièrement à la TV. Est-ce que toutes ces émissions ont, selon vous, permis de redorer le blason de la cuisine ?
Quand j'ai commencé la cuisine c'est vrai qu'on considérait ça comme une voie de garage. On te disait que tu n'avais pas le niveau intellectuel pour continuer dans un lycée général alors on te demandait d'apprendre vite un métier. Présenté comme ça, ce n'était pas très glorifiant, même si moi je m'en foutais complètement car ce que je faisais me plaisait !
Alors c'est sûr la télé, ce vecteur puissant qui vous permet de rentrer chez les gens, a permis de revaloriser la profession.
Donc pour vous, la cuisine était une réelle vocation ?
Pas vraiment. J'y suis arrivé un peu par hasard. Mais quand j'étais petit et que mes parents recevaient des amis à manger à la maison, je voyais que les gens portaient un regard bienveillant sur eux car ils régalaient leurs invités. Donc je me suis dit que « si tu fais bien la cuisine, les gens vont t'aimer et te donner de l'affection ». Et comme à l'école je n'étais pas bon, je me disais que si je faisais bien la cuisine on allait me le rendre.
Et si vous aviez un conseil à donner à un jeune qui souhaite se lancer dans la cuisine, quel serait-il ?
Aujourd'hui au restaurant de nombreux parents me confient que leur enfant veut devenir chef et c'est super ! Mais comme je le dis toujours, il faut être cuisinier avant de devenir chef !
Comme pour tout métier d'artisanat, il faut se donner le temps d'apprendre, de construire ses bases, ne pas brûler les étapes.
C'est un métier qui m'a tout donné, qui n'a pas de limite, pas de frontière et je le recommande parce qu'il ouvre des portes merveilleuses. La cuisine ça mène à tout, je l'ai toujours dit !
Quelle expérience gastronomique vous a le plus marqué dans votre vie ?
Il y a deux choses qui m'ont marqué. Mon passage dans l'Aveyron chez les sœurs Fagegaltier, au Vieux Pont. C'était mon premier restaurant étoilé, je sortais du lycée hôtelier où on t'apprend tous les classiques mais rien ne sort du cadre. Et là tu découvres des dressages différents, une cuisine inventive... Ca m'a fait rêver ! Ce repas, c'est ce qui a dicté ma carrière.
Le deuxième souvenir marquant c'est mon expérience à l'Arpège auprès d'Alain Passard. Là j'ai découvert un homme qui faisait de la poésie ! C'est à ce moment-là que j'ai compris que la cuisine pouvait m'amener très loin !
Quel est votre regard sur la gastronomie française en général ?
Je ne fais pas partie de ces gens qui critiquent la gastronomie française sous prétexte qu'il faille s'ouvrir aux autres cuisines. Certes il y a de très bonnes choses ailleurs, mais je pense qu'il faut être patriote. Moi je suis Français, j'aime la gastronomie française et on a un vivier d'agriculteurs, de vignerons et de chefs qui contribuent chaque jour à valoriser tout ce patrimoine.
La gastronomie française est en ébullition ! Et même si les circonstances sont dures en ce moment, il y a toujours des touristes qui viennent découvrir notre gastronomie et des gens du monde entier souhaitent apprendre la cuisine en France. Il ne faut pas non plus oublier que le plus beau concours de cuisine mondial, le Bocuse d'Or, est français, tout comme le grand Guide Michelin.
On aime bien s'auto-flageller en France mais pour moi, notre gastronomie rayonne dans le monde !
Y'a-t-il un projet un peu fou que vous rêveriez d'accomplir dans votre carrière ?
Oui et je m'apprête à le réaliser (sourire) ! Ca ne sera pas à Paris, ça ne sera pas un restaurant... Je ne peux pas tellement en dire plus pour le moment mais c'est un projet assez fou, dans un domaine que j'adore. Ca sera toujours lié à la gastronomie, mais complètement différent de ce que j'ai fait jusque-là ! On en parlera très bientôt !