David Toutain n'est pas du genre à s'éparpiller. Fin 2013, le jeune chef normand a ouvert son propre restaurant, sobrement baptisé David Toutain, dans le 7e arrondissement de Paris. Et depuis, on peut dire que le cuisinier ne vit que pour ça !
Une concentration qui a payé puisque l'ancien disciple d'Alain Passard et de Marc Veyrat a largement conquis le public et les professionnels, en décrochant une étoile au Guide Michelin et trois toques au Gault & Millau.
Aujourd'hui, David Toutain a accepté de faire une pause dans sa mise en place pour nous recevoir dans son établissement au design épuré et moderne.
Vous avez organisé du 1er au 13 août des "Dîners Signatures" dans votre restaurant David Toutain. Pourquoi avoir eu cette envie ? J'ai eu une petite fille fin juillet. Du coup, il était prévu que nous ouvrions le restaurant au mois d'août car nous savions déjà que nous resterions à Paris tout l'été. Comme on avait énormément de demandes de la part des clients, on s'est vite orienté vers un menu composé de mes principaux plats signatures. Ca nous a permis de présenter la carte à une nouvelle clientèle, aux touristes... Nous n'avons pas beaucoup vu nos habitués parisiens de l'été. Le but était vraiment de présenter l'esprit du restaurant lors de ces dîners et les retours ont été très positifs.
Il faut en moyenne s'y prendre deux mois à l'avance pour espérer avoir une table dans votre restaurant. Comment expliquez-vous un tel succès ? Je ne saurais pas vraiment l'expliquer. On ne fait qu'à manger, on essaye de le faire bien, avec notre touche et notre façon de faire... Notre cuisine est très personnelle, c'est sans doute ça qui plaît autant.
Pourquoi avoir eu envie d'ouvrir votre table d'hôte "Identi T" accolé à votre restaurant, juste un an après son ouverture ? Quand on a ouvert ici, on nous a directement proposé de reprendre le local voisin. Au départ, je souhaitais y proposer une cuisine totalement différente, style snacking et service rapide, et puis après avoir mûri le projet, on a préféré y mettre une grande table comme dans une salle à manger. Ca nous permet aujourd'hui de mettre un peu à l'écart les grands groupes qui font beaucoup de bruit, c'est mieux pour tout le monde. On leur sert pratiquement la même cuisine tout en leur proposant plus de plats à partager. Mais globalement, c'est la même identité.
En quoi vos différentes expériences aux Etats-Unis et en Espagne ont-elles influencé votre façon de cuisiner ? Je ne dirais pas qu'elles ont influencé ma cuisine, mais plutôt qui je suis. Ca a modifié ma façon de réfléchir, de m'organiser, de communiquer, de diriger mes équipes... Disons que ces expériences ont influencé indirectement mon parcours culinaire.
D'ailleurs, la majorité de vos cuisiniers sont d'origine étrangère (Canadien, Espagnol, Japonais). Pourquoi ? Depuis que j'ai le restaurant et ma famille, je voyage beaucoup moins. Du coup, c'était très important pour moi d'avoir cette diversité au sein de ma brigade. Culturellement et socialement parlant, c'est vraiment très important !
Vos origines normandes sont-elles toujours présentes dans votre cuisine ? Plus j'avance et plus je m'y retrouve. D'ailleurs, on travaille avec de plus en plus de producteurs normands au restaurant. La cuisine normande est une cuisine de goût ; minimaliste mais généreuse. Et bien sûr, pour moi, elle a un goût d'enfance ! Alors oui, sans forcément m'en rendre compte, j'y reviens.
Votre carte présente des accords inédits comme le chou-fleur et le chocolat blanc. Comment vous viennent de telles idées ? Ca peut venir n'importe quand ! Lors d'une discussion, d'un repas... Mon esprit s'arrête sur quelque chose et je me laisse inspirer. Pour le chou-fleur et le chocolat blanc, l'idée m'est venu un jour de Noël. On m'avait offert une boîte de chocolats blancs à la noix de coco et j'ai trouvé le mélange sucré mais pertinent. J'ai eu envie de travailler cette idée en y apportant ma touche personnelle, donc le légume. Le but était de rester dans cette thématique monochromatique et j'ai donc pensé au céleri, au topinambour, mais ces légumes étaient déjà présents sur ma carte. Finalement, j'ai fait un essai avec le chou-fleur et ça a tout de suite fonctionné !
Avez-vous des projets en cours ou à venir dont vous aimeriez nous parler ? Pour le moment non. J'ai l'impression que tout va très vite autour de moi et je n'ai pas vraiment envie de sauter dans le wagon. J'aime être ici, dans mon restaurant, prendre le temps et profiter. On est en train de construire un laboratoire juste à côté pour expérimenter les nouvelles recettes et c'est déjà suffisant. Je suis heureux comme ça !
Où ? David Toutain, 29 rue Surcouf, 7e arrondissement de Paris. Web
Crédits photos : Thai Toutain