Après avoir fait son temps dans des maisons de prestige comme Lucas Carton ou chez Fauchon, Fabien Rouillard s'est lancé un nouveau défi : reprendre la pâtisserie emblématique de Gérard Mulot. "J'ai fait mon petit bilan de la quarantaine et je me suis demandé ce qui me procurait le plus d'adrénaline et c'était sans hésiter l'entrepreneuriat", nous confie le nouveau propriétaire à l'allure élégante.
Mais pas question pour Fabien Rouillard de créer quelque chose de complètement nouveau. "Je ne me sentais pas en mesure de repartir de zéro. Je voulais un endroit qui existait déjà, qui avait des salariés et un savoir-faire présent", se souvient le cuisinier-pâtissier. "Après avoir visité une quarantaine d'entreprises à Paris je suis tombé sur Gérard Mulot qui souhaitait vendre depuis six ans. On a discuté et il y a eu un véritable coup de coeur. C'est quelqu'un de très humble et de très professionnel."
Un an après cette rencontre, Fabien Rouillard a finalement trouvé les partenaires financiers pour l'accompagner dans cette aventure dès novembre 2016 et a même vendu son appartement parisien pour pouvoir investir dans ce projet. "Je suis redevenu locataire d'un petit deux pièces mais je ne regrette absolument pas mon choix", assure le Parisien, très sûr de lui. "Au quotidien, je vis quelque chose de génial."
Voyons ensemble comment s'est déroulée cette passation.
Depuis la reprise de l'entreprise Gérard Mulot, qu'avez-vous conservé et innové ? J'ai pratiquement tout gardé : les recettes, les méthodologies, le personnel. En revanche, j'ai apporté quelques nouveautés et surtout la saisonnalité. Il y avait des produits qui étaient présents toute l'année comme le fraisier et j'ai décidé de ne le mettre en vitrine que durant la saison des fraises. Idem pour les asperges dans les plats de traiteur. J'ai aussi supprimé les plats à base de thon pour les remplacer par du haddock, qui n'est pas une espèce menacée. Mais j'y vais doucement car les clients ont leurs habitudes et je me prends parfois des remarques. Je me donne encore deux ans pour être en plein dans la saison et "éduquer" la clientèle.
Côté nouveautés, j'ai apporté de nouveaux produits comme des pains au maïs, au sarrasin, des nouvelles viennoiseries et des nouveaux desserts. En salé, je propose désormais un plat du jour. Ce sont des trucs simples comme des blanquettes, des choucroutes, des soupes, mais ça marche super bien !
Quelles sont les pâtisseries signatures de l'enseigne ? La plus emblématique est l'Amaryllis. C'est une fleur que Gérard Mulot adorait et dont il a donné le nom à une pâtisserie constituée de deux coques de macaron, des brisures de nougat de Montélimar sur le dessus, quelques amandes fraîches, des pistaches d'Iran et à l'intérieur une crème vanille assez riche et des framboises fraîches. Il y a aussi quelques pétales de roses mais c'est uniquement pour la déco. C'est très gourmand et on en vend des quantités astronomiques !
En viennoiserie je dirais que le Kouglof est celle qui marche le mieux. Monsieur Mulot en a toujours fait et c'est un très beau produit qui se consomme aussi bien pour le petit-déjeuner que pour le goûter ou en dessert.
Quel ingrédient préférez-vous travailler en pâtisserie ? Pour les fruits je dirais le citron. J'adore cet agrume car on peut le travailler de multiples façons. Pour la Saint-Valentin on avait fait un coeur avec une marmelade de citron d'Amalfi adoucie avec un peu de mangue, c'était top !
Pour le chocolat je dirais la couverture Madong qui vient de Saint-Domingue. C'est un produit coup de coeur que j'ai découvert à l'époque où je travaillais dans un restaurant triplement étoilé et je m'en sers toujours aujourd'hui. Actuellement, on travaille sur un nouveau gâteau au chocolat uniquement avec ce produit.
Quels souvenirs gardez-vous de vos expériences chez Fauchon ou Lucas Carton ? Au Lucas Carton j'ai appris à créer. Alain Senderens et Frédéric Robert m'ont enseigné une certaine méthodologie : on part d'une idée, d'un ingrédient, d'un vin et on se demande ce qu'on peut faire. Durant ces quatre années passées là-bas j'ai aussi appris la rigueur et la précision.
Chez Fauchon c'était très différent. C'est une grosse machine implantée dans le monde et il faut apprendre à créer selon les régions de France mais aussi les pays. J'ai appris la notion de marketing, repérer ce qui plaît pour créer des nouveautés conformes aux goûts des clients. Aujourd'hui on peut dire que je suis un peu entre les deux.
Avez-vous un pêché mignon ? Le croissant aux amandes. J'adore ça depuis toujours ! C'est très sucré, un peu gras... Ca me cale pour la journée !
Avec quel chef rêveriez-vous de faire un 4 mains ? Avec Tatiana Levha qui est la chef du Servan rue Saint-Maur à Paris. On ne se connaît absoluement pas mais j'y déjeune très souvent seul au comptoir ou j'y vais le soir avec des amis ou ma famille. J'adore sa cuisine et je pense qu'elle pourrait apporter une touche très exotique tant sur le salé que le sucré. Je lui lance un appel si jamais elle lit cette interview (rires).
Avez-vous des projets en cours ou à venir ? On travaille actuellement sur une gamme de 5 à 6 produits pour le printemps, tant en sucré qu'en salé.
D'ici 2020 j'aimerais aussi refaire le magasin principal en doublant l'espace pour faire une terrasse et un comptoir à l'italienne, un peu comme à Milan, avec des grignotages qui changent selon l'heure de la journée : viennoiserie le matin, sandwich le midi, apéro en fin de journée. C'est mon rêve !
Où ? Gérard Mulot, 76 rue de Seine, 75006 Paris. 12 rue des 4 Vents, 75006 Paris. 93 rue de la Glacière, 75013 Paris.