Des hauts plafonds, une salle divisée en trois allées, un mobilier somptueux et une terrasse à couper le souffle... C'est dans ce nouveau cadre du Café de l'Homme, fermé depuis cinq ans pour travaux, que Frédéric Vardon nous reçoit. Le chef étoilé du restaurant 39V est venu prêter main forte à Coco Couperie-Eiffel et Christophe Bonnat pour repenser la carte du restaurant du Musée de l'Homme et lui apporter une touche de modernité.
Aujourd'hui, Frédéric Vardon nous en dit plus sur les nouveautés du restaurant situé Place du Trocadéro, sa cuisine très personnelle et sa vision de la gastronomie française.
Vous avez repensé la carte du Café de l'Homme, fermé depuis 5 ans pour travaux. Avez-vous radicalement changé le style de cuisine ou souhaitiez-vous conserver l'esprit de l'ancien restaurant ? On a repensé la carte avec Coco Couperie-Eiffel, que je connais depuis vingt ans, et son collaborateur Christophe Bonnat. L'idée de cette nouvelle carte était de créer des plats en adéquation avec cette nouvelle ambiance, ce décor orienté brasserie parisienne chic comme on le faisait autrefois, mais revisité au goût du jour. Cette carte garde donc les grands fondamentaux de la brasserie française avec des accents d'ici et d'ailleurs - comme le coquelet à l'américaine – sans faire de la cuisine fusion, je n'aime pas ce terme. Ici, on fait de la vraie cuisine, de la bonne cuisine.
Sur votre site internet il est écrit que vous « assurez la direction de tous vos (ses) établissements avec l’énergie et l’enthousiasme d’un homme animé par la passion de son métier ». Pouvez-vous nous expliquer un peu comment fonctionne votre emploi du temps ? Je gère mon emploi du temps de façon très simple. Je travaille beaucoup mais je sais aussi m'entourer de collaborateurs exceptionnels. Par exemple, ce n'est pas moi qui suis aux fourneaux du Café de l'Homme mais le chef exécutif Mickaël Foubert, qui se charge au jour le jour de reproduire l'extrême exigence que l'on s'est imposée. C'est pareil dans mon restaurant le 39V, mes différentes brasseries dont celle de Courchevel qui est ouverte pour la saison... Tout cela fonctionne parce que je travaille avec des gens en qui j'ai confiance et qui n'ont pas peur de s'exprimer. J'aime les faire participer à mes réflexions pour imaginer de nouveaux plats. Je ne suis pas toujours d'accord, mais je trouve important qu'ils développent une notion d'appartenance à une entreprise. Je ne veux pas qu'ils cuisinent pour moi mais pour les clients et aussi un peu pour eux !
Si vous deviez attribuer un adjectif à votre cuisine en général, et à celle du Café de l’Homme en particulier, quel serait-il ? Il y en a plusieurs. Ma cuisine est simple, sincère et naturelle. Je n'utilise que des légumes du Sud-Est, du Sud-Ouest, du marché de Rungis, des poissons sauvages, des viandes élevées dans des conditions exceptionnelles. Pour vous donner un exemple concret, au 39V nous voulions servir du chapon de race Houdan, une prestigieuse volaille un peu disparue et compliquée à élever. Avec un ami éleveur, nous avons commencé à réfléchir à ce projet il y a deux ans, puis on a réservé les poussins pour être sûrs de pouvoir en servir le 31 décembre 2015, ce qu'on a fait ! Cela fait partie de ma philosophie de remettre au goût du jour un élevage de longue durée, de qualité, d'être patient pour obtenir une viande incroyable. On a essayé de suivre cette même lignée au Café de l'Homme car ce n'est pas parce qu'on est dans une brasserie et qu'on mange plus simplement, qu'on n'a pas le droit d'avoir des produits d'exception.
Vous êtes membre de l’Académie Culinaire de France depuis 2012. Quel regard portez-vous sur la gastronomie française aujourd’hui ? La gastronomie fait partie de notre culture. On en a fait un mode de vie. D'ailleurs, on se demande tous constamment ce qu'on va manger au repas suivant. De plus, en France, nous avons la chance d'avoir une grande richesse de produits, différents climat, beaucoup de terres et d'artisans. Nous avons une ruralité incroyable que d'autres pays n'ont pas. Cependant, la cuisine n'est pas la meilleure mais une des meilleures du monde. Et on devrait toujours se souvenir de ça. J'ai récemment passé deux jours à Marrakech où j'ai mangé un tajine divin et c'est aussi ça la grande cuisine : une relation de partage, de produits, un endroit où on se sent bien, où on a été bien reçu et où tout ce qui est cuisiné est préparé avec le cœur. Alain Chapel m'avait d'ailleurs dit à l'époque où je travaillais avec lui, que le « jour où les gens viendraient chez moi pour manger un poulet avec des pommes de terre, c'est que je commencerais peut-être à connaître mon métier ». C'est une phrase qui m'a marqué car elle voulait tout dire. C'est tellement facile d'ouvrir une boîte de caviar mais servir une cuisine simple, avec des produits peu transformés, est ce qu'il y a de plus compliqué. On peut habiller un mauvais poulet avec du curry et rendre ça pas trop mauvais, mais une poularde de Bresse servie simplement avec quelques pommes de terre sera immangeable si elle est mal cuite.
Vous êtes originaire de Normandie, issu d’une famille d’agriculteurs et né d’un père charcutier. Quels sont les produits du terroir auxquels votre cuisine ne peut pas échapper ? C'est marrant que vous parliez de ça car en réalité, mon rêve aurait été d'être agriculteur, d'avoir des vaches laitières et de faire de la viande mais mon père m'en a dissuadé. Et au final je ne regrette pas du tout ce changement de parcours car la cuisine me permet de garder le contact avec la nature et le terroir. Ma passion, c'est le produit. Je ne pourrais pas me passer d'un œuf, d'une volaille, de légumes et de pain. C'est impossible pour moi. En revanche, je peux tout à fait me passer de sucre.
Quelles seront selon vous les tendances culinaires de 2016 ? La tendance que je remarque le plus n'est pas propre à 2016 mais plutôt à notre époque. Je remarque que les gens veulent manger plus sain, plus simplement et demandent une grande transparence. Je souhaite que nous continuions à manger du bœuf, de la volaille ou du poisson mais de façon plus raisonnée. En consommer moins mais mieux et découvrir, par exemple, des poissons moins nobles comme le maquereau, qui est un produit délicieux, pour laisser le bar et la sole se repeupler doucement. Soyons simples et mangeons également des repas plus courts, où un seul plat suffit. Enfin, j'aimerais que les gens prennent conscience que pour bien manger, il faut accepter de payer le prix au producteur. Ne tuons pas cette belle profession. Personnellement, je ne négocie jamais – ou très rarement – le prix d'un produit frais.
Quels sont vos projets pour 2016 ? J'ai toujours plein de projets, à l'étranger ou pour me diversifier, mais on en reparlera quand ils ne seront plus à l'état de projets !
Où ? Café de l'Homme, Place du Trocadéro et du 11 Novembre, 16e arrondissement de Paris. Web
Crédits photo : Pierre Monetta