Fumio Kudaka, du restaurant La Table Breizh Café à Cancale, est un amoureux de la Bretagne. Le chef japonais, venu dans l'Hexagone pour apprendre les rudiments de la cuisine française, a d'abord fait ses armes chez Tsuji, école hôtelière au coeur du Beaujolais spécialement imaginée pour les jeunes chefs japonais, avant de vadrouiller un peu partout en France.
D'abord embauché chez Les Prés d'Eugénie auprès de Michel Guérard, le jeune chef a ensuite passé quelques temps chez Marc Veyrat, à Annecy. Son but ultime à l'époque ? Atterrir chez Les Maisons de Bricourt, à Cancale. "Quand je travaillais chez Michel Guérard, une collègue bretonne m'a parlé de sa région et ça avait l'air magnifique. Après cette conversation, j'ai tout de suite voulu travailler chez Olivier Roellinger et j'ai écrit des dizaines de fois, sans réponse. Après quelques temps passés chez Marc Veyrat, il m'a demandé ce que je voulais faire ensuite et il se trouvait qu'il était très ami avec le chef breton. Il l'a appelé et 4 mois plus tard, je faisais enfin mes débuts chez Les Maisons de Bricourt", se rappelle Fumio Kudaka, surnommé Raphaël par ses collègues français.
Après plus d'un an passé aux côtés d'Olivier Roellinger, le chef japonais travaille ensuite à Bénodet (Finistère), avant de repartir au Japon pour travailler dans un grand palace à Tokyo. "C'était une belle opportunité mais la Bretagne me manquait. J'ai rencontré Bertrand Larcher, qui possédait déjà plusieurs crêperies en Bretagne et voulait diversifier son offre en ouvrant un restaurant japonais. J'ai dit "ok" à condition de ne pas faire de sushis et yakitoris car ça ne ressemblait pas à ma cuisine et on s'est lancé."
Depuis huit ans, Fumio Kudaka propose donc à ses clients une cuisine entre la Bretagne et le Japon. Un mélange de techniques au service des meilleurs produits locaux comme les fruits de mer, le cochon et la volaille. "Mon produit préféré, c'est le homard des îles Chausey", nous explique "Raphaël". "On peut faire tellement de choses avec que je ne m'en lasse pas."
Parmi ses produits fétiches figure également l'huître, qu'elle soit de la baie de Cancale ou vienne du Finistère, voire d'Irlande. "En fait, tout dépend de la saison. Et récemment j'ai découvert cette huître millésimée de Clew Bay bien iodée et charnue. J'ai tout de suite voulu la mettre à la carte pour la faire découvrir à mes clients", s'enthousiasme le chef.
Côté japon, Fumio Kudaka mise beaucoup sur les algues de chez lui. "Il y en a en Bretagne mais c'est encore assez nouveau. Ici, il n'y a pas les mêmes techniques qu'au Japon pour les nettoyer, les sécher et les préparer alors pour le wakamé, je préfère rester sur une valeur sûre. En revanche, j'utilise du kombu de Bretagne pour faire des bouillons dashi par exemple." Mais ce qu'il aime par-dessus tout, ce sont les soba, ces nouilles japonaises au sarrasin généralement servie dans un bouillon. "C'est mon pêché mignon, j'adore ça ! Dès que j'en ai, j'en mets à la carte."
Tous les deux mois, le chef japonais change complètement son menu et ne refait jamais la même chose. "Parfois, des clients qui sont venus deux années plus tôt me demandent un plat spécifique et je ne m'en souviens même pas", s'amuse-t-il. Cette inventivité dans l'assiette et cette envie de toujours se renouveler se ressentent même dans les projets de Fumio Kudaka, qui malgré son étoile au Guide Michelin et son prix de Jeune Talent Gault&Millau décroché en 2012, ne se repose pas sur ses lauriers.
"Il y a un peu plus d'un an nous avons ouvert Otonali à Saint-Malo, un izakaya - sorte de bar à tapas japonais - où mon cuisinier de La Table Breizh Café a imaginé la carte avec du porc pané, des makis, sushis, etc. On veut peut-être ouvrir quelque chose de similaire à Paris, avec différents sakés. Et récemment, on a acheté une ferme entre Saint-Malo et Cancale. Pour le moment il n'y a rien mais après les travaux, on aimerait ouvrir des chambres d'hôte et un petit restaurant. On réfléchit à tout ça..."
Crédit photo : Mathilde Bourge