Depuis le début de l’émergence Covid, suite à la fermeture des restaurants pour limiter les risques de propagation du virus, de plus en plus de chefs et restaurateurs en se sont tournés vers la livraison à domicile et la vente click & collect.
Mais pendant les premières semaines du confinement, quand la grande majorité des restaurateurs étaient en train de réfléchir à comment réadapter leur offre en ce moment de crise sanitaire, quelqu’un a vu doubler son activité.
On parle de Kitchen Club, start-up créée par le Panorama Group en 2018, qui réalise 98 % de son business via les plates-formes de livraison, en misant sur le modèle des « dark kitchen » : des « cuisines fantômes », c’est à dire des restaurants qui ne possèdent pas de salle où accueillir les clients, mais seulement une marque et un laboratoire culinaire, où on prépare des plats commandés en ligne et livrés à domicile.
Jean Valfort, cofondateur du projet, explique le modèle économique de Kitchen Club et comment il a évolué depuis le début de cette émergence sanitaire sans précédent.
Pourriez-vous nous présenter le projet de Kitchen Club et expliquer comment il a évolué ?
Notre groupe possède actuellement cinq restaurants traditionnels - quatre à Paris et un à Bordeaux - et cinq « marques ». Au moment de la création de Dark Kitchen (désormais Kitchen Club, ndr), la majorité des commandes étaient faites par une population assez jeune qui consomme beaucoup de cuisine fast-food. Donc, au moment du lancement du projet en 2018, nous avons commencé par ce type d’offre. Le lancement de la « poutine » par exemple, a été un vrai succès. Avec Sababa, qui propose une offre de cuisine d’inspiration méditerranéenne, nous avons évolué vers une clientèle un peu différente. Nous travaillons actuellement au lancement de deux nouvelles marques, l’une thaï et l’autre 100% veggie. Je pense que l’émergence sanitaire actuelle a permis à beaucoup de personnes de découvrir la livraison de repas à domicile et nous avons envie de proposer une offre qui puisse satisfaire tout le monde. On est sûr que dans le futur le profil de nos clients va évoluer.
Au début du confinement, l’activité de Kitchen Club a explosé : dans quelle mesure ?
La force de Kitchen Club a été le fait d’être un projet conçu pour la livraison à domicile. Au début du confinement, on était quasiment les seuls à être ouverts, donc nous avons pris une grande partie du marché de la livraison. Le premier weekend de confinement, nous avons fait 1500 commandes et nous avons dû faire environ 2500 couverts, alors que d’habitudes nous en faisions 1200-1300. Certes, depuis que beaucoup de restaurants ont rouvert en faisant du click&collect ou de la livraison, la demande s’est calmée un peu. Mais cela a montré la justesse de notre modèle, et aussi que nous avons réussi à rester ouverts alors que tout le monde fermait. Cela a aussi permis à notre groupe, qui possède aussi des restaurants traditionnels maintenant fermés, de survivre à ce moment très difficile pour la restauration.
Avec la hausse de la demande, vous avez pu prendre facilement le relais avec les livraisons ? Comment avez-vous réorganisé vos équipes ?
Bien évidemment, nous avons dû réadapter notre offre à la nouvelle demande. Au début, il a fallu sécuriser au mieux notre approvisionnement, puisque beaucoup de nos producteurs ont fermé. Heureusement, nous avons réussi à trouver d’autres moyens pour assurer nos stocks. Comme nos autres restaurants traditionnels ont dû fermer, nous avons pu demander à certains de nos employés qu’y travaillent de bouger de venir nous aider. Cela nous a permis d’agrandir rapidement nos équipes et eux ils ont pu conserver la totalité de leur salaire.
Quelles mesures sanitaires avez-vous mis en place ?
Pour commencer, on s’est occupé d’acheter tout le matériel sanitaire nécessaire pour que les équipes travaillent en sécurité : masques, gants et tabliers spéciaux. On s’est assuré de respecter toutes les mesurer sanitaires anti-Covid (nettoyage des surfaces fréquent, changement régulier des gants, mise en place d’un système de livraison sans contact). Nous avons décidé de supprimer le service de click & collect : toutes les ventes se font désormais par livraison, plus personne ne peut venir sur place pour récupérer sa commande.
Vos livraisons à domicile sont effectuées par des plateformes spécialisées. Envisagez-vous le développement de votre service de livraison ?
Nos savoir-faire sont la création de marque et la restauration, en revanche tout ce qui est logistique et applications n’est pas notre spécialité. Donc pour l’instant on se sert de plateformes de livraison qui savent comment gérer au mieux commandes et livraisons. Dans le futur, on pourra éventuellement lancer notre propre service de livraison, mais ce n’est pas pour tout de suite.
Comment imaginez-vous la reprise d’activité et le futur des restaurants ?
Nous on reste très prudents sur l’affaire. Personnellement, je milite pour un déconfinement en fonction des types de restaurants et des régions. Nous sommes en train d’ouvrir un restaurant à Nice avec une terrasse de 600m2, que je pourrais imaginer d’ouvrir, parce qu’il y aurait assez d’espace pour éloigner les tables. Mais cela ne serait pas la même chose à Paris, où nos établissements sont petits et n’ont pas de terrasse.
Aujourd’hui on est relativement protégés par l’état, puisque nous avons nos restaurants qui sont en sommeil, les salariés en chômage partiel, les banques qui ont beaucoup joué le jeu en nous aidant. Le problème se posera quand on devra rouvrir, sans aides de l’état la situation se fera problématique. Une chose est certaine : je suis persuadé que notre offre de livraison à domicile va continuer, indépendamment de la réouverture des restaurants, et qu’elle nous permettra de tenir le coup en ce moment de crise.