Yannick Alléno est un chef surprenant. Connu et reconnu dans le monde entier pour sa cuisine gastronomique, son travail acharné sur les sauces et son goût pour le terroir français, le cuisinier parisien nous a étonné en ouvrant début juin son tout premier restaurant japonais, plus précisément un comptoir à sushi installé au rez-de-chaussée du Pavillon Ledoyen : L'Abysse.
En contre-bas des Champs Elysées, Yannick Alléno exprime depuis un mois tout son amour pour le Japon, pays qu'il a découvert à l'âge de 20 ans et qu'il a visité depuis une trentaine de fois. C'est lors d'un énième voyage en novembre 2016 que le chef rencontre Yasunari Okazaki, maître sushi dans un restaurant spécialisé de Ginza. Très vite, une complicité s'installe entre les deux hommes et Yannick Alléno propose à son confrère japonais de venir s'installer en France pour devenir le chef de son futur projet. A 40 ans, Yasunari Okazaki accepte de changer complètement de vie pour se lancer dans ce projet fou.
C'est dans un décor contemporain, à l'entrée du Pavilon Ledoyen, que le chef japonais élit domicile. A l'entrée : une oeuvre monumentale de 80.000 baguettes signée Tadashi Kawamata. A l'intérieur : un mur corallien colossal en céramique de William Cogin, un bar en bois de frêne-olivier de Kostia, un lustre en fer forgé et porcelaine signé Célia Bertrand et des jeux de matière sur les tables imaginés par Carine Delalande, le tout supervisé par Laurence Bonnel-Alléno, femme du chef mais surtout sculpteur et galleriste de talent.
Côté cuisine, Yannick Alléno et Yasunari Okazaki proposent chez L'Abysse trois menus différents : un menu déjeuner à 98 euros, un menu "Rencontre" à 170 euros et un menu "Omakasé" à 280 euros.
Les choses sérieuses commencent avec une mise en bouche à l'amande délicate, comme pour préparer le palais tout en douceur à ce qui va suivre. Viennent ensuite les entrées indéniablement marquées par la patte de Yannick Alléno : Tofu de petits pois à l’Extraction® algue kombu, avec des petits pois caviar, une julienne de céleri blanc, de l’huile de persil et de menthe chocolat et quelques œufs de truite ou encore Extraction® betterave réduite et assaisonnée d’un condiment de haricot noir et sésame sauvage et d’une confiture d’algues permettent de débuter le voyage, en créant un pont entre les gastronomies française et japonaise.
Ensuite, Yannick Alléno s'efface subtilement derrière le talent de Yasunari Okazaki pour laisser place à une série de sushis et sashimis préparés en fonction de l'arrivage mais aussi de l'envie du chef, selon la tradition de l'"omakasé" ("je me fie à vous"). Retenons par exemple le sashimi de bar texturé, le divin sushi de seiche ou encore de maquereau addictif... On est loin des sushis habituellement dégustés et ce pour plusieurs raisons : le choix du poissons - dont certains tués de façon ikejime - mais aussi leur degré de maturation selon leur espèce et leur taille, ainsi que le riz sasanishiki de France, cuit très al dente dans une eau chargée en algue Kombu et assaisonné de trois vinaigres différents pour un résultat parfait, entre le côté compact du riz entre les doigts et fondant en bouche.
Mais au risque de vous décevoir, chaque sushi est servi en portion unique, le principe étant de ne jamais proposer deux fois la même chose au client. Au Japon, les maîtres sushi appellent cela le "Shun", soit l'art de cultiver l'éphémère et de susciter une "exquise frustration".
Yannick Alléno refait surface vers la fin de la dégustation avec la création de pièces estampillées Pavillon Ledoyen comme ce surprenant Sushi de langoustine à l’Extraction® céleri, sur riz mariné mélangé avec du sésame torréfié et une fermentation de takuan (navet japonais) servi avec une royale de navet avec une Extraction® navet... Notre coup de coeur de ce repas !
Le voyage s'achève par une succession de mini-desserts, une entorse à la règle des bars à sushi japonais où le concept de dessert n'existe tout simplement pas. Pour ces notes sucrées, Yannick Alléno a bien sûr fait appel à son chef pâtissier Aurélien Rivoire qui propose par exemple une météorite de chocolat acidulée au yuzu, biscuit aux algues tout simplement délicieux, une pêche confite au sucre accompagnée de poudre de thé matcha toute en légèreté, ou encore un caviar de pommes au saké accompagné d'une glace au soja pleine d'umami.
Dépaysement garanti !
Où ? L'Abysse, Pavillon Ledoyen, 8 avenue Dutuit, 75008 Paris. Prix : Menus de 98 à 280 euros. Accords sakés, vins et thé : +90 euros. Avec l'exception au verre : +190 euros.
Crédit photo : Nicolas Lobbestael (plats) / Sébastien Veronese (comptoir)
Bon à savoir : le 25 août, Yannick Alléno ouvrira L'Allénothèque au sein du Beaupassage à Paris.