Au coeur de Grignan, petite commune de la Drôme, se cache une pépite : Le Clair de la Plume. Au-delà de ses quatre bâtiments répartis dans la ville, accueillant seize chambres et suites au charme provençal, deux piscines, un bistrot et un salon de thé, les lieux abritent surtout un restaurant gastronomique étoilé mené par Julien Allano.
Ce fils de cuisinier, arrivé en 2013 au Clair de la Plume pour seulement six semaines, n'est finalement jamais reparti. "Au départ, j'étais là pour installer la structure de ce que pouvait être le restaurant. Mais je m'y suis tellement bien intégré et entendu avec Jean-Luc Valadeau (le propriétaire) que ça a été une évidence. Aujourd'hui, je suis même associé !"
Depuis son ouverture en 1999, Le Clair de la Plume a bien changé. D'un simple hôtel, ce sublime endroit situé au pied du Château de Grignan a évolué pour proposer également une offre de salon de thé à partir de 2001, avant de devenir un vrai restaurant en 2011. "A l'époque, la maison proposait une cuisine traditionnelle et beaucoup de couverts. Mais en 2012, il y a eu des travaux au niveau de la cuisine et la création d'une verrière, et le restaurant s'est naturellement orienté vers une cuisine plus gastronomique", nous raconte Julien Allano.
En février 2015, la récompense tombe enfin. Deux ans après son arrivée, le chef décroche une première étoile amplement méritée. "En ce temps-là, on était ouverts 7j/7. C'était une grosse lessiveuse ! On a tenu un peu plus de quatre ans jusqu'à ce qu'en 2017, on ouvre La Ferme Chapouton, un bistrot situé à quelques centaines de mètres du bâtiment principal. On a enfin pu réduire le nombre de couverts au Clair de la Plume et souffler un peu. Aujourd'hui, le restaurant compte une dizaine de tables."

A gauche : Julien Allano. A droite : Cédric Perret.
Julien Allano/Cédric Perret : un duo complémentaire
Quelques temps après son arrivée au Clair de la Plume, Julien Allano accueille Cédric Perret, un talentueux chef pâtissier également formé en cuisine. Et depuis qu'ils se sont trouvés, ces deux-là ne se quittent plus. "On s'entend super bien avec Cédric", se réjouit Julien Allano. "Il intervient sur mes plats, je lui demande tout le temps de goûter... On est complémentaires !" "C'est surtout qu'on s'écoute", ajoute le pâtissier. "J'ai les solutions pour lui, il les a pour moi", assure-t-il. "C'est vrai", confirme le chef, tout sourire. "Il n'y a pas d'égo dans cette cuisine. Personne n'est là pour se faire mousser. On est là pour tirer la maison vers le haut et je considère qu'un chef n'est rien sans un pâtissier et vice versa. D'ailleurs, ça va au-delà de ça. De la prise de la réservation au service du café en passant par l'accueil, tout compte. Un simple faux pas et l'expérience du client est saccagée. Du coup, il est très important que tout le monde avance ensemble."
Julien Allano et Cédric Perret partagent également les mêmes valeurs concernant la cuisine. Leur but ? Privilégier les produits locaux et les travailler avec le plus de simplicité possible. "Même si on s'amuse toujours, on cherche à garder l'intégrité du produit", explique le chef, qui ajoute que chaque produit est une source d'inspiration. "On discute avec les primeurs, les éleveurs, et ça stimule notre imagination. Quand on se met en 'mode recherche', on devient perméables et la carte est en perpétuelle évolution." Et quand le chef sélectionne un produit, il va jusqu'au bout des choses. L'idée, c'est de valoriser toutes les parties d'un légume ou même d'une viande, comme sur ce sublime plat autour du lapin pané, puis présenté en parmentier avant de constituer la farce d'un croissant salé ultra-gourmand, que le chef vient lui même découper en salle pour créer du lien avec ses clients. A travers cette démarche, le chef cherche à valoriser le travail de ses producteurs mais également proposer une cuisine plus éthique. "Je propose par exemple une déclinaison autour du thon, un poisson victime de surpêche. Il me paraît donc important de privilégier un poisson arrivé à taille adulte, qui a eu le temps d'évoluer et de contribuer à la reproduction de son espèce, et de le travailler dans son ensemble pour ne rien gâcher."

Si ce discours peut paraître évident de nos jours, il ne l'était pas forcément pour Julien Allano il y a encore quelques mois. "J'ai eu une prise de conscience il y a un an", avoue le chef. "Je ne me reconnaissais plus dans le modèle suivi auparavant et Cédric a également été un élément déclencheur." "Quand je suis arrivé au Clair de la Plume, j'étais un peu déboussolé", confie le pâtissier. "Avant, je travaillais dans un restaurant en Haute-Savoie où l'on cuisinait des produits très locaux. J'avais même mon propre jardin où je récoltais mes fruits pour les desserts et j'avais perdu l'habitude de commander mes produits. Cela me paraissait essentiel de me rapprocher de ce modèle en venant ici."
Julien Allano confesse qu'il y a encore quelques années, il succombait volontiers à l'appât du gain en nouant des partenariats avec de grandes marques industrielles. Mais aujourd'hui, ce genre de démarche lui semble inconcevable. "Ca apporte une bonne visibilité mais l'image n'est pas bonne", soutient Cédric Perret. "On ne peut pas faire d'économie sur la qualité." "J'aime raconter l'histoire d'un produit. Mais si je l'achète en sachet, je raconte quoi ?", se questionne Julien Allano, qui connaît désormais tous les producteurs avec qui il travaille et leurs histoires. Ainsi, le chef souriant se plaît à nous raconter que c'est Mathieu Duvernois, un ami de Cédric Perret installé à Soyans, qui le fournit en canard et que l'huile d'olive servie au restaurant vient de Nyons, situé à quelques kilomètres de là. Cette huile, Julien Allano l'a d'ailleurs transformée en macérat; devenu un produit phare du Clair de la Plume. "Il y a quelques temps, on m'a proposé de créer une huile d'olive avec la coopérative de Nyons. Au départ, je n'étais pas très emballé mais ils m'ont donné une huile qu'ils fabriquaient et j'y ai laissé macérer des olives. J'ai un peu oublié tout ça et au bout de trois semaines, un commis est venu me voir en me disant qu'il n'y avait plus d'olives dans l'huile. J'ai goûté et ce hasard a donné quelque chose de vraiment extraordinaire !", s'amuse Julien Allano. Le macérat est aujourd'hui vendu en épicerie fine mais peut aussi se déguster lors de la présentation des amuse-bouches du Clair de la Plume ou encore dans l'un des desserts signatures de Cédric Perret, le citron dans l'olive, un trompe-l'oeil démentiel constitué d'un coeur d'affinade d'olives noires enveloppé d'une mousse de citron, le tout présenté sur un socle sablé... Une vraie claque dont on se souviendra (très) longtemps.

Autre création notoire du pâtissier ? Le Saint-Marcellin glacé, une interlude surprenante et addictive à dévorer juste avant les desserts. "On s'amuse en créant tout cela. On veut faire plaisir aux clients mais on se fait plaisir en même temps", se réjouit Cédric Perret, talonné par Julien Allano : "On n'est pas maître des étoiles qu'on nous attribue, mais on est maître de ce qu'on met dans l'assiette."
On vous parie que leur travail sera bientôt récompensé d'une constellation !
Où ? Le Clair de la Plume, 2 place du Mail, Grignan.
Vous avez l'eau à la bouche ? Découvrez les recettes de Julien Allano :
Saint-Jacques, pomme curry, velours de boudin noir
Le citron dans l'olive
Chocolat Laguna, caramel fumé au cacao
Crème de noisette brûlée au muscovado, mâche vinaigrée