Alexandre Gauthier est l’un des chefs français les plus en vue de sa génération. Après avoir repris le restaurant de son père en 2003, le jeune chef a repensé les lieux pour faire de La Grenouillère (Madelaine-sous-Montreuil) “beaucoup plus qu’un grand restaurant”, mais une “maison de liberté et d’expression pour ceux qui l’habitent et la vivent” avec lui.
Détenteur de deux étoiles au Guide Michelin et “cuisinier de l’année 2016” selon le Gault&Millau, le jeune chef “pratique une cuisine d’auteur, singulière et sincère [...] proposant [sa] vision d’un goût et d’un territoire”, celui de la Côte d’Opale. En clair, une “cuisine contemporaine de souche et de racine françaises, libérée de ses certitudes et de ses a priori.”
Comme en a témoigné sa participation au repas de la COP21 en 2015, Alexandre Gauthier est également un chef concerné par les problématiques environnementales. Un engagement qu’il a de nouveau confirmé les 5 et 6 juin dernier lors de la Steinbeisser’s Experimental Gastronomy, un événement culinaire basé à Amsterdam qui “explore de nouvelles façons de manger” plus consciencieuses.
“Quand Martin Kullik, l’organisateur de l’événement, m’a demandé d’y participer, j’ai tout de suite accepté. J’avais déjà eu connaissance des précédents dîners et il choisit toujours des chefs que j’admire ou dont je suis très proche, donc c’était plutôt chouette d’être choisi à mon tour”, nous confie le chef. “De plus, il y avait un beau challenge à relever : celui de préparer un menu vegan, qui n’est pas mon sujet au quotidien à La Grenouillère. Ca m’a permis de bouger mes lignes habituelles et mes certitudes. J’ai commencé à réfléchir à des plats six à huit mois avant le jour-J et j’ai noté mes idées dans mon petit carnet. Trois semaines avant l’événement, on a finalement testé la mise en place pour vérifier si tout cela était réalisable. C’était un super exercice pour moi et mes équipes !”
En plus de la contrainte du menu vegan, le chef originaire du Nord de la France devait également réfléchir à la présentation de ses plats. “Je ne pouvais pas utiliser ma propre vaisselle mais celle créée pour l’occasion par dix artistes qui ont imaginé des assiettes, des plats et des couverts en matériaux spéciaux tels que l’argile, le verre et le bois”, afin de rendre l’expérience encore plus unique.
Chaque artiste avait imaginé une pièce de “manière aléatoire”, nous explique Alexandre Gauthier. “Ca change complètement les codes car chaque vaisselle est unique alors on peut se retrouver avec une assiette pour quatre, parfois on mange avec les doigts… Il y avait des créations au style très industriel et d’autres beaucoup plus tournées vers le végétal, c’était assez fort ! Dommage que les artistes n’aient pas été présents.”
Pour élaborer son menu, Alexandre Gauthier a uniquement sélectionné des plantes et légumes issus de l’agriculture biologique et biodynamique.“Comme on ne pouvait pas tout cuisiner de A à Z sur place, on avait fait quelques préparations à La Grenouillère avec les produits de nos fournisseurs habituels”, nous explique le chef. “Mais une fois arrivés on s’est rendu dans une ferme incroyable située à 10km d’Amsterdam et on a trouvé pas mal d’herbes très intéressantes.”
Le chef débordant d’imagination a donc proposé aux convives une Tige d’oxalys roulée dans de la poudre de câpres, “un plat très intéressant avec beaucoup d’acidité”, nous assure Alexandre Gauthier, mais aussi une “Pelotte de pommes de terre, fleur de cerfeuil et ciboulette, lichen et noix de cajou très moelleuse, avec une huile de noisette et une purée de noix de cajou à la fleur de sel”, délicatement posée dans une assiette de papier de Myung Urso.
Côté plat, le chef de La Grenouillère a misé sur une “Asperge verte grillée sur une purée de brocolis grillés à l’estragon” présentée sur une assiette en forme de feuille d’Aino Nebel, ou encore un “Coeur de laitue qu’on a grillé puis cuit au four pour garder le croquant, servi avec une crème d’amande et feuilles d’oseille pour adoucir le tout. Visuellement, ça faisait comme des pétales posés sur un coussin”, créé par Tomasz Niedziolka.
Pour le dessert, Alexandre Gauthier a entre autres proposé une “Framboise capturée dans un gel de sauge”, servie dans une cuillère en brindilles d’une grande beauté signée Sharon Adams. Un menu qui a séduit les invités du jour, qui ont pu acheter aux enchères la vaisselle créée pour l’occasion.
Prochaine étape pour Alexandre Gauthier ? “Un repas au Palais de Tokyo à Paris le 17 octobre prochain sur lequel on planche déjà !”
Crédit photo :©Marion Luttenberger