Le sel, l’or blanc de la cuisine, qui rend les aliments fades plus savoureux, est un condiment phare dans les recettes. On le trouve parfois même dans les desserts et les plats sucrés.
Des livres entiers ont été consacrés à son histoire qui remonte à la nuit des temps; sa principale vocation était de conserver la viande et le poisson. Nos ancêtres qui chassaient plus de viande qu'ils n'en avaient besoin au quotidien, avaient donc nécessité de trouver des techniques pour la préserver. Ils utilisaient alors des méthodes de fumaison et de salaison (comme pour le jambon ou la morue). Les qualités de conservation du sel étaient alors telles que sous l’Empire romain, il était utilisé par l'armée comme moyen de paiement. D’où le mot « salaire », qui dérive de salarium, qui veut dire « sel ». Dans l’Ancien Testament, le Livre d’Esdras associe aussi le sel à un moyen de paiement. Et cette pratique ne s’est pas arrêtée à l’Antiquité, puisque encore pendant la guerre anglo-américaine de 1812, le sel était parfois utilisé comme supplément de rétribution quand l’argent venait à manquer. C'est bien plus tard que le goût pour la nourriture salée est arrivé.
Le sel peut provenir de deux sources : de l’eau de mer ou de la roche. Son extraction dans les mines est un travail laborieux et difficile puisqu’il s’agit de piler la roche sédimentaire provenant de l'évaporation de l'eau de mer, où les sels préhistoriques se sont accumulés. L’extraction de sel de mer s’obtient quant à elle de l’évaporation de l’eau, traditionnellement des lacs salés et donc en extérieur, même si le travail se fait de plus en plus dans des usines.
La plus vieille implantation de production de sel en Europe se trouve à Solnitsata, en Bulgarie; mais c’est à Piran, en Slovénie que l’on peut retrouver des plaques de sel telles qu’elles étaient utilisées il y a 1200 ans et qui sont citées pour la première fois en l’an 804, même s’il est presque certain qu’elles étaient utilisées quand le territoire faisait partie de l’Empire romain. De nombreux lieux célèbres sont ou ont été de grandes sources de sel. Salzbourg en Autriche, qui veut dire « château de sel »; Tombouctou, au Mali qui fut un grand centre de commerce avec des caravanes de chameaux qui portaient le sel au travers du Sahara; le port de Liverpool, au Royaume-Uni, qui n’avait que très peu d’importance avant que les mines de Cheshire ne deviennent au 19ème siècle le premier producteur de sel au monde; Munich qui obtenu le statut de ville en 1158, lorsque l’argent des ventes de sel n’était plus versée à l’évêque de Freising, mais à la ville de Munich. Et saviez-vous aussi que toutes les villes anglaises se terminant par « -wich » (Sandwich, Middlewich, Ipswich) sont liées à la récolte du sel venant des sources de saumure ? De nos jours, le sel est incroyablement bon marché. Au siècle dernier, il était encore cher et rare.
S'il y a encore des doutes sur l’intérêt du sel en matière d'assaisonnement, il suffit de goûter le pain de l’Italie du centre. Hormis la focaccia et la ciabatta, la plupart des pains italiens se font sans sel, une tradition du Moyen Age selon laquelle le pain étaint ainsi préparé depuis qu’un impôt outrageusement élevé qui lui soit associé, ait incité les habitants à y renoncer. En revanche, les Italiens mangent rarement le pain sans garniture. D'où la bruschetta, ou la tradition de far la scarpetta – "faire la chaussure", autrement dit, saucer.
Nos envies d’aliments salés ou sucrés, proviendraient d'il y a des milliers d’années, quand sel et sucre étaient rares et durs à trouver. Toutefois, nous avons un vrai besoin biologique de sel. En transpirant, nous perdons en effet du sodium, ce qui provoque ces envies. Au cours du 20ème siècle, les produits alimentaires transformés qui en contiennent souvent en grande quantité et de façon potentiellement nuisible pour la santé, en ont encouragé la consommation.
Utilisé au quotidien et autrefois si précieux, le sel a fait du chemin de l’Empire romain à nos assiettes. Un ingrédient modeste et noble, dont l’histoire est riche en anecdotes et légendes.