Chou noir, graines de chia, quinoa…tous les ans, les classements des tendances alimentaires annoncent ce que nous mangerons dans un futur proche, ainsi que les ingrédients dégotés par les grands chefs qui, petit à petit, seront proposés dans les restaurants ou chez les traiteurs, puis sur les étals des supermarchés pour finir dans la cuisine de la maison. Le dernier aliment à la mode qui fera son apparition cet hiver au menu des cuisines étoilées, arrive de la Norvège et appartient à la série A du poisson blanc. Il s’agit du Skrei (prononcer Skray), un cabillaud nordique particulièrement prisé, pêché dans les fjords norvégiens et qui s’envole dans les cuisines du monde entier frais, mais surtout sous forme de morue salée et de filets séchés. Une matière première du temps des Vikings qui se mange aujourd’hui sur Park Avenue ou au cœur de Londres.
DES FILETS SECHES ETOILES
Toujours à la recherche de produits aux propriétés organoleptiques supérieures, d’aliments durables et d’histoire de la haute gastronomie, les chefs italiens et portugais ont été les premiers à ouvrir la route de la morue séchée pour une diffusion internationale en reprenant des recettes traditionnelles revisitées avec de nouvelles techniques de cuisson et de nouveaux assaisonnements. Enrico Crippa du restaurant Piazza Duomo di Alba (3 étoiles Michelin dans le Piémont) et le norvégien Ørian Johannessen (vainqueur du Bocuse d’Or 2015) se sont aventurés dans la combinaison improbable - mais très réussie - avec le Barbera d’Asti, un vin rouge à la structure robuste en inventant des plats originaux tels que le Cabillaud aux feuilles de tomate, la Morue séchée et pois chiches ou encore les Beignets de morue et pommes de terre avec miettes de pancetta ou le Cabillaud croquant aux petits pois verts et câpres de Johannessen. Au Portugal, pays de la morue, un festival au marché de Ribeira de Lisbonne a même été organisé en février dernier : le SkreiFest, où le chef Antònio Loureiro (Portugal Chef of the Year 2015) y a présenté des plats tels que le Taco au skrei confit dans l’huile d’olive. Le poisson remporte un grand succès également en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis où déjà des chefs étoilés ont inséré le skrei dans leur menu d’hiver et en vantent les vertus. En France, Mickaël Féval, le chef étoilé du restaurant parisien Antoine fait régulièrement le déplacement en Norvège pour s’approvisionner.
QUESTION PHILOLOGIQUE
Ne l’appelez pas cabillaud, ce serait comme comparer un poulet de bresse à un nuggets ! Le skrei est un cabillaud sauvage adulte qui appartient à l’espèce Gadus Morhua qui provient de la mer des Barents, pêché dans les îles Lofoten de la Norvège de janvier à avril, quand il nage vers les cotes pour déposer ses œufs. Voilà pourquoi on le surnomme « poisson malaimé ». Migrant sur de longues distances, la chaire de ce poisson devient particulièrement dure, ses écailles compactes, blanches et souples. Le skrei est un poisson maigre et savoureux qui peut être étiqueté tel quel, bien que devant être soumis à de très sévères contrôles sur l’ensemble de la filière : seulement 10% du cabillaud migrant devient skrei, ce qui lui confère une place au sommet de la chaîne alimentaire, un produit de premier choix comme le caviar, le foie gras et d’autres classiques de luxe. Comme pour de nombreux produits, autrefois de qualité indéfinie, le poisson blanc a également désormais ses lettres de noblesse.