Le Chili doit plus sa renommée à ses paysages et à son vin qu’à sa cuisine (un mélange d’arômes espagnols, italiens, britanniques et allemands), c'est aussi un territoire avec plein d’aliments à découvrir. Niché dans la région située le plus au sud du continent américain, le Chili est un pays caractérisé par son climat extrême et par son littoral qui s’étend sur quatre mille kilomètres de sa pointe nord jusqu’à sa pointe sud. Si ce pays très étroit a acquis une solide réputation dans les secteurs du vin et de l’agriculture, sa tradition culinaire mestizo reste toujours peu connue. Le Chili offre beaucoup plus que du vin ; un véritable trésor de saveurs différentes attend d’être découvert à l’autre bout du monde.
RACINES ET TRADITIONS D’habitude, les gens ne vont pas au Chili pour y rechercher des délices gastronomiques, car on connaît très peu sa cuisine, un mélange d’influences apportées des immigrés espagnols, italiens, britanniques et allemands qui se sont installés dans ce large territoire. Cela a donné naissance à toute une série d’ingrédients et de techniques d’origine européenne ou locale. Le groupe indigène des Mapuches se vante de posséder un héritage gastronomique qui a été bien conservé au Chili. On retrouve les saveurs traditionnelles dans les noix récoltées du pin du Chili (araucaria araucana), un arbre considéré comme sacré et dont on tire les graines que plusieurs personnes utilisent à présent pour préparer des sauces crémeuses. Le Merquén fumé et piquant – un condiment en poudre à base de piments chiliens séchés au soleil dits ají cacho de cabra – est un autre assaisonnement typique de ce pays, largement utilisé dans la cuisine des Andes. La cuisine du Chili est essentiellement un produit de la nature, des ressources et ses saisons marquées par des phénomènes extrêmes. Onze vallées cultivées en vignes qui s’étendent tout au long du territoire, des forêts denses, des lacs et une longue bande côtière sont les traits distinctifs du Chili. Les Chiliens mangent volontiers tout ce que leur offre l’océan : les oursins verts et l’araignée de mer, une délicatesse préparée uniquement avec quelques gouttes de jus de citron. Les menus incluent aussi des créatures marines un peu particulières, telles que la « piure » (Pyura chilensis), un invertébré au goût acidulé muni d’une paire de siphons débordants. Vous pouvez la consommer fraîchement pêchée, si vous souhaitez savourer le goût intense de la mer, ou trempée dans un bouillon épais de crustacés. Diverses espèces en provenance de chaque coin du pays sont vendues au marché de Santiago. Mais ce n’est rien par rapport aux marchés pittoresques parsemés le long du littoral ensoleillé de Valparaíso, qui s’étend vers le sud jusqu’aux eaux glacées de Puerto Montt, dont les empanadas farcies de fruits de mer sont un must. Il est presque impossible d’oublier l’expérience d’une recette traditionnelle de style maison qui s’appelle chupe de locos al merquén – un sauté crémeux à base de pain trempé dans le lait, de mollusques (« locos »), et d’oignons, surmonté par une couche dorée de fromage râpé qui inclut du vieux fromage à pâte gluante pour atténuer le goût des fruits de mer. Lorsqu’on arrive sur terre ferme, il est possible de découvrir un autre plat très apprécié : c’est le pastel de choclo, une recette préparée avec du maïs tendre, laissé cuire avec du lait et du lard, et assaisonné avec des herbes aromatiques, du cumin et des oignons, et que l’on sert parfois avec du poulet ou de la viande. Les deux plats sont servis traditionnellement dans des assiettes noires d’argile naturelle (greda).
LES NOUVEAUX (VIEUX) ARÔMES DE CHILI Une approche contemporaine et une ancienne connaissance indigène : nous vous présentons la cuisine innovante de Rodolfo Guzmán chez le restaurant Boragó à Santiago.
Le Chili se vante d’avoir de nombreuses traditions gastronomiques. Vu la forme allongée du pays, le climat et la cuisine changent de façon draconienne d’une ville à l’autre.
Les visiteurs s’apercevront que les arômes sont aussi imprévisibles que les caprices de la nature en Patagonie. « De nombreuses régions du pays ne figurent toujours pas sur les cartes géographiques, ce qui pousse à créer des légendes autour de notre cuisine » nous dit Rodolfo Guzmán, propriétaire et chef de cuisine du restaurant Boragó dans la ville de Santiago, où les ingrédients et les techniques sophistiquées viennent de chaque coin du pays. « Qui sait ce que nous pourrions trouver demain ? En tant que chef de cuisine, je le trouve surprenant ». Monsieur Guzmán, qui a ouvert son restaurant en 2007, a fait preuve d’une très grande confiance dans un pays où la haute cuisine a toujours été synonyme de nouvelle cuisine. Depuis son inauguration, la cuisine de ce restaurant-atelier tout à fait spécial a évité les techniques prétentieuses. Par contre, il a fait tout son possible pour n’utiliser que des produits rigoureusement locaux.
Il arrive quelques fois que les ingrédients sélectionnés par le chef de cuisine soient inconnus des Chiliens et qu’ils viennent des endroits les plus inattendus, ce qui révèle la diversité saisonnière et climatique du pays. Les modes de cuisson de Monsieur Guzmán sont les mêmes que ceux utilisés par les groupes indigènes Pehuenche et Mapuche : il travaille sur des pierres volcaniques et emploie divers types de bois endémiques pour fumer les aliments dans un four en argile. Il est peu probable que des techniques de cuisson innovantes finissent par étonner ces groupes, vu qu’elles exploitent l’écorce de la quillaja pour ses propriétés de mousse stabilisatrice depuis 300 ans. Monsieur Guzmán est toujours en quête de nouveaux ingrédients, dans les régions du sud où l’hiver ne s’en va presque jamais, et dans les régions du nord, dont le climat est tout à fait différent, ainsi que dans le Désert d’Atacama. Il puise son inspiration dans les bois et les vallées mais il est surtout en contact avec les communautés indigènes de Chili, dont il apprend le savoir-faire qui améliore la qualité de son travail. J’ai constaté moi-même que c’est un chef de cuisine et aussi un agriculteur. Nous avons voyagé vers le sud, en parcourant plus de 100 kilomètres en voiture, jusqu’à Punta de Tralca, avec son littoral rocheux. Nous avions pour mission de récolter l’ulte, une espèce d’algue avec de longs tentacules, qui est aussi connue sous l’appellation de Cuchayuyo. Monsieur Guzmán l’aurait utilisée dans l’après-midi pour son menu Endémico en guise d’amuse-bouche. C’est une soupe délicate riche en umami qui rappelle la cuisine orientale et qu’on doit manger dans une tasse greda noire, en obéissant à un rituel qui impose de la siroter lentement. Chez Boragó, les saveurs uniques des plats vous emmènent dans un voyage imaginaire tout au long du Chili. Sa cuisine utilise beaucoup d’ingrédients d’endroits différents pour proposer une aventure sauvage, vintage et aussi innovante. Avec son riche héritage culturel et sa large variété d’ingrédients, la cuisine de Chili vous invite à explorer ses innombrables arômes et paysages.