Anne-Sophie Pic, Mathieu Viannay, Guy Savoy, ou encore Christian Têtedoie... Tous ne jurent que par lui. En quelques années, Alexis Muñoz a réussi l'exploit de se faire un nom dans le domaine de l'huile d'olive et à rendre les plus grands chefs français complètement accros à son or liquide. Et pourtant, ce producteur n'était pas vraiment destiné à une telle carrière. « Au risque de vous décevoir, mes parents ne m'ont pas conçu sous un olivier », s'amuse d'ailleurs ce Pyrénéen.
Mais qu'est-ce qui a poussé Alexis Muñoz, ancien chargé d'événementiel, à tout plaquer pour changer de vie ? FineDiningLovers retrace pour vous le parcours atypique et semé d'embuches de ce producteur pas vraiment comme les autres.
Des vacances loin d'être reposantes
L'histoire d'Alexis Muñoz commence dans les Pyrénées, sa région natale. « Je suis Franco-espagnol, ma grand-mère cuisinait beaucoup à l'huile d'olive, donc je pense que l'origine de tout ça c'était ces moments passés en famille, dans la joie, les odeurs de thym et de romarin », suppose le producteur. « Mais si je suis tout à fait honnête, l'huile d'olive n'est pas une passion innée pour moi. Elle s'est construite avec le temps ».
Avant de baigner dans le liquide vert, Alexis Muñoz travaillait dans un tout autre milieu : l'évènementiel. « Je suis resté 16 ans dans la même boîte et ça a été fantastique. Ce travail m'a permis de découvrir les grandes tables et d'aiguiser mon sens du goût », se souvient-il.
Mais l'événementiel était également un univers stressant dont le Pyrénéen avait parfois besoin de s'échapper. « Un jour, pour vraiment déconnecter, j'ai pris un billet d'avion pour Beyrouth puis un bus vers la vallée de la Bekaa. C'est un endroit exceptionnel en terme de diversité et d'agriculture ! J'y ai rencontré une famille productrice d'huile d'olive à qui j'ai fait croire que j'étais étudiant pour pouvoir travailler chez eux gratuitement en échange d'un logement. J'y ai passé deux mois et cette expérience m'a vraiment marqué. Je me souviens des gens, des regards, des odeurs, des moments de table... Je ne comprenais rien à ce qu'ils disaient mais c'était très reposant. »
« Au bout de quelques temps, le père de famille m'a laissé être au moulin et je me suis senti comme un gamin avec son premier camion de pompier », se remémore le passionné. « J'avais l'habitude de voir des choses assez surprenantes de par mon métier, mais c'est cette simplicité qui m'a complètement fasciné. A tel point que j'ai fait la même chose les douze années suivantes en Turquie, au Portugal, en Espagne, en Italie, au Monte Negro... Jusqu'à atterrir en Tunisie. » C'est là que le virage s'est opéré pour de bon.
Une coopérative en Tunisie
Peu avant la révolution du Jasmin, Alexis Muñoz découvre une région qui marquera un tournant dans sa vie : Sfax, un lieu magique au bord de la mer avec des champs d'oliviers et des moulins à perte de vue. Mais à quelques centaines de kilomètres de là, entre cette ville côtière et Gafsa, aucun moulin à l'horizon.
« Les agriculteurs du coin devaient aller jusqu'à Sfax pour presser et vendre leurs olives ce qui suppose trois choses : dépenser de l'argent qu'ils n'avaient pas en essence, abîmer les olives avec le voyage car ce fruit s'oxyde très vite mais aussi payer très cher la transformation du fruit dans les moulins. A cause de cela, ces gens qui travaillaient dur étaient condamnés à être pauvres. J'ai trouvé ça aberrant ! »
Le Français a alors une idée : construire un moulin pour la collectivité locale qui fonctionnerait comme une coopérative. Mais que le parcours fut long avant que ce projet devienne réalité !
« Je suis allé voir la collectivité locale, le gouverneur de Ben Ali, j'ai dû expliquer pendant des mois aux habitants que cette construction pourrait leur faire le plus grand bien et leur permettre de gagner de l'argent, mais le message a été difficile à faire passer. Cette notion de partage n'était pas dans les mentalités. »
Convaincu par son projet, Alexis Muñoz finit par quitter son travail et emprunter une belle somme d'argent à la banque pour s'investir à 100% dans cette aventure. Des mois plus tard, la construction se lance enfin dans le parc national de Bou-Hedma et après des semaines passées auprès des producteurs locaux, la coopérative voit enfin le jour. « Aujourd'hui, je ne possède plus que 3% de la coopérative. Je leur ai légué. Mais tout cela m'a permis de prendre conscience de mes connaissances et m'a donné l'assurance pour passer à l'acte. »
Après cet épisode, le Français intègre une école de dégustation sensorielle à Madrid pour certifier ses compétences en huile d'olive. C'est le début d'une nouvelle vie.
Le grand saut
Il y a cinq ans, Alexis Muñoz s'est finalement décidé à créer sa propre société. Il a commencé par se rendre chez des producteurs amis au Portugal, en Espagne et en France, pour créer ses premières huiles en monocépage. « Toutes les huiles d'olive de supermarché sont des assemblages, je trouve ça nul. Moi je préfère faire ressortir tous les arômes d'une seule variété et travailler sur les différents stades de maturité pour créer des saveurs inédites », explique le producteur. Ainsi, les deux premières années, le producteurs fabrique trois flacons en éditions limitées chacun mené vers une maturité différente : un fruité vert, un fruité mûr et un fruité noir.
Le « nouveau-né » de l'huile d'olive part ensuite sur les routes de France avec sa propre marque, « 18:1 »* à la rencontre des chefs étoilés. « J'ai toujours eu cet attrait pour la gastronomie et je voulais voir si mon huile plaisait ou non. Tous l'ont trouvé exceptionnelle ! », nous raconte-t-il des étoiles plein les yeux.
Depuis, des chefs tels que Simon Horwitz, Yannick Delpech ou Guy Savoy ont adopté son huile, également en vente dans quelques épiceries fines à travers la France.
Aujourd'hui, Alexis Muñoz continue d'acheter ses olives chez des producteurs de confiance en France, en Tunisie ou en Espagne avant de les transformer lui-même en huile. Après des années de galère, il peut enfin commencer à se projeter : « A l'heure actuelle je fais deux variétés d'huiles d'olive mais quand l'entreprise sera encore mieux implantée, je réfléchirai à une troisième. »
*Nom inspiré de la formule simplifiée de l'acide oléique.