Le retour de Giovanni Passerini était très attendu des Parisiens. En mai dernier, le chef italien passé par les cuisines du Châteaubriand et de L'Arpège d'Alain Passard a finalement ouvert le Restaurant Passerini, dans le 12e arrondissement de la capitale.
Très vite, les excellentes critiques pleuvent sur cette adresse où la vraie cuisine italienne est mise à l'honneur. Début novembre, c'est la consécration : Giovanni Passerini est désigné Meilleur Chef par Le Fooding.
FineDiningLovers a eu l'honneur de rencontrer cet Italien passionné par la France et son ouverture d'esprit culinaire.
Vous venez d'être nommé meilleur chef de l'année par Le Fooding. Quelle importance accordez-vous à ce genre de distinction ?
C'est clair que Le Fooding a pris de l'ampleur ces dix dernières années. Le guide a gagné en influence et est devenu une référence pour un certain type de clientèle qui est en fait la nôtre. Donc évidemment, un prix comme celui-là fait énormément plaisir, ça récompense tout notre travail et depuis cette nomination le restaurant a un échos incroyable, que ce soit dans la presse ou au niveau des réservations. Comme je l'ai dit à Alexandre Cammas, pour les gens comme moi, qui passent tout leur temps en cuisine, on se rend compte de tout cela seulement quand on sort de notre restaurant, qu'on s'intéresse un peu à ce qui s'écrit, se poste sur les réseaux sociaux - que je consulte très rarement.
Cependant, l'intitulé de "meilleur chef" est un peu fort. Je ne me considère pas du tout comme le meilleur chef de France. Nous sommes dans un pays où il y a de nombreux monstres sacrés de la cuisine donc il faut garder les pieds sur terre.
Il y a énormément de restaurants italiens à Paris. Qu'est-ce qui, selon vous, distingue le Restaurant Passerini des autres ?
La cuisine italienne est par définition très généreuse. Ce sont des plats très faciles à manger mais extrêmement longs à réaliser. Imaginez la simplicité d'un tortelli dans un bouillon... Quand vous le mangez, vous goûtez cette pâte farcie sans trop vous poser de questions. Pourtant, derrière tout ça, il y a énormément de travail ! Il y a tout d'abord un consommé qui prend deux jours à faire, il faut bien travailler la pâte, la faire reposer, la tirer. Et enfin faire la farce et monter les tortelli un par un.
En Italie, la cuisine est une affaire de femme. Si un jour vous allez à Bologne, vous ne verrez que des mamies faire des pâtes. Elles ont une technique absolument impressionnante et très lente... C'est ce que j'essaye de reproduire ici.
Justement, avec qui avez-vous appris à cuisiner ?
Contrairement à beaucoup de chefs, je n'ai pas un background familial. Je n'aurais jamais pu participer à Chef's Table (rires) ! J'ai une maman qui n'aime pas tellement cuisiner ou manger. Elle achète beaucoup de produits frais mais elle ne mange quasiment rien. De plus, elle était tellement maniaque qu'elle invitait rarement du monde à dîner. En revanche, j'avais comme chaque Italien une grand-mère qui cuisinait très bien et mes premiers souvenirs gustatifs se sont des petits bols de légumes en escabèche qu'elle posait sur son réfrigérateur. C'est une façon de préparer les légumes à la napolitaine qui m'a vraiment marqué. Mais au quotidien, la cuisine n'était pas autour de moi. Du coup, je ne sais pas trop comment m'est venu cette passion !
Quel plat conseilleriez-vous à un client qui vient pour la première fois dans votre restaurant ?
La tripes à la romana ! C'est un jeu voire une mission de démocratiser les tripes. Pour moi, les tripes à la mode de Caen ont vraiment détruit l'image des tripes en France. A Rome et en Toscane, on a une façon beaucoup plus légère de les préparer donc ça m'amuse beaucoup de convaincre des personnes un peu réticentes. Au final, j'ai l'impression que les gens qui goûtent ce plat répètent tous la même chose : "Ah moi je n'aime pas les tripes mais ça, c'est super!" C'est plus excitant de faire découvrir ce plat car les pâtes sont très populaires et on en trouve dans tous les restaurants italiens.
Pourquoi avoir décidé de vous installer en France plutôt qu'en Italie ?
Pour elle (dit-il en regardant sa femme assise à sa droite) ! Et aussi le fait que Paris pour un cuisinier soit la destination ultime pour compléter une formation. Je suis arrivé en France pour faire mes études et je suis resté car ici, les clients sont très ouverts et font confiance. C'est très agréable ! En plus, il y a une circulation de cuisiniers impressionnants donc je sais que je peux compter sur de la très bonne main d'oeuvre.
Y'a-t-il un chef avec lequel vous rêveriez de travailler un jour ?
J'ai un lien très fort qui m'unit à Armand Arnal, chef de La Chassagnette à Arles. Nous sommes allés manger là-bas avec ma femme et il a fait quelque chose qui m'a vraiment touché : un plat à partager, un poisson entier avec quelques garnitures. Et je me suis dit : "Le mec a une étoile au Guide Michelin et m'amène un poisson rôti entier et basta ! C'est vraiment la classe !"
Avec Justine on a mangé un peu partout dans le monde et on avait envie de simplicité. Mais une simplicité contrôlée ! Ce plat était fait avec beaucoup de coeur et beaucoup de technique. On est sortis de ce repas enchantés ! On a eu l'occasion de parler un peu avec Armand Arnal après coup, il a été adorable. Et des années après, on s'est retrouvés et il m'a dit : "Toi et moi, on a une philosophie commune". J'ai fini par lui parler de mon projet de restaurant et il nous a invités Justine et moi dans son hôtel et dans son restaurant. Il m'a dit qu'un jour un grand chef avait fait ça pour lui et qu'il voulait transmettre cette tradition. Du coup, il va falloir que je trouve un jeune chef à qui transmettre aussi.
Armand Arnal a une humanité incroyable et beaucoup de lâcher prise. J'aimerais beaucoup arriver à son niveau. Alors si un jour je devais réaliser un quatre mains avec un chef, ça serait lui !
Avez-vous des bonnes adresses à nous conseiller ?
A Paris il y a quatre restaurants où je vais avec beaucoup de plaisir. Tout d'abord chez mes anciens collaborateurs Simone Tondo et au restaurant Dilia. Mon gros coup de coeur c'est Mokonuts ! Enfin, un autre restaurant que j'adore car il y a beaucoup d'imagination et de maîtrise dans la carte, c'est Le Servan. Je ne suis pas très original mais s'ils sont connus ça n'est pas pour rien.
Avez-vous un projet en cours ou à venir dont vous aimeriez nous parler ?
Mon projet principal reste mon restaurant qui est encore tout nouveau. Je travaille aussi beaucoup avec les gens de L'Experimental Club qui a plusieurs bars et hôtels dans Paris. J'ai déjà travaillé sur la carte du Grand Pigalle et ils sont en train de faire une ouverture sur les Grands Boulevards et tout me fait penser que je m'occuperai de la carte aussi.
Où ? Restaurant Passerini, 65 rue Traversière, 12e arrondissement de Paris.