Valérie Guérin fait partie de ces gens qui ne s'arrêtent jamais. Alors qu'elle travaillait en tant que cadre dans le transport international, elle a décidé d'investir dans le talent de son père pour qu'après des années d'enseignement autour du vin, il puisse enfin créer son propre domaine.
Mille vignes plus tard, le domaine du même nom était né dans le Languedoc et ses premiers crus avec. Astuko, Dennis Royal, Le Pied des Nymphettes... Au fil des années ces vins très confidentiels ont séduit les plus grands chefs du monde comme Pierre Gagnaire ou Mauro Colagreco. En 2000, Valérie Guérin a fini par lâcher son travail pour se consacrer à 100% au Domaine Les Mille Vignes, qui s'est agrandi avec le temps et fait aujourd'hui 11 hectares.
Depuis dix-sept ans, la vigneronne y crée des vins rosés, blancs et rouges et gère tout, du travail de la vigne jusqu'à la cave à l'aide de ses quatre employés.
Rencontre avec une vraie passionnée.
On qualifie souvent le vin des Mille Vignes de vins "hors la norme". Pourquoi ?
Souvent, les vins du Sud sont des vins chauds, puissants, peu digestes et riches en alcool. Au Domaine Les Mille Vignes, je cherche à prouver qu'avec ce très beau climat on peut aussi obtenir des vins plus fins, moins rustiques mais avec beaucoup de matière, de profondeur, de fraîcheur et d'élégance. En cela, on peut dire que nos vins ont une typicité bourguignonne tout en gardant le caractère du Languedoc.
Quelles variétés de raisins travaillez-vous ?
Je travaille des cépages adaptés à mon environnement. Je refuse les cépages d'ailleurs car je suis pour une protection de nos terroirs. Je travaille donc surtout le grenache, le carignan et le mourvèdre.
Pouvez-vous nous en dire plus sur vos méthodes de fabrication ?
Tout d'abord il faut savoir que mon père a fait partie de ces personnes qui ont fait Mai 68. Il est de l'époque où le bio n'était une tendance mais un vrai mode de vie. Il a toujours été très attentionné sur les méthodes de traitement et fuyait les produits type Monsanto. Pour lui les choses étaient simples : s'il pulvérisait de la merde sur ses vignes, c'est lui qu'il intoxiquait en premier. Donc dès le départ, il était dans une démarche de soin de la vigne. Grâce à cela, j'ai aujourd'hui des sols très vivants et très sains, sans potasse ni azote. J'ai entre les mains un bel héritage !
Les gens qui s'installent aujourd'hui et qui se lancent dans le bio ont tout à fait raison de le faire. Mais il leur faudra plusieurs années avant d'assainir leurs sols.
Et en cas de maladie des vignes, comment procédez-vous ?
Depuis quelques mois nous faisons face à ce qu'on appelle le vers de la grappe. Ce sont des papillons qui pondent dans les grappes ce qui donne des petits vers et rend le raisin impropre à la fabrication de vin. Comme tous les vignerons je traite mes vignes, mais je le fais uniquement avec des produits bio. Pour autant, je n'ajoute pas une étiquette "bio" sur mes bouteilles car je veux rester autonome et indépendante.
Mais mon but ultime serait de prévenir plutôt que guérir. C'est pour cela que depuis huit mois, j'ai ajouté des petites cabanes sur mon domaine pour que les chauve-souris, qui ont déserté vers les villages à cause des vignes polluées et des vignerons qui n'habitent plus sur place, reviennent. En effet, je me suis rendu compte que ces petites bêtes sortaient le soir à la même heure que les papillons et les mangeaient. On commence déjà à voir les premiers résultats de cette méthode.
Envisagez-vous d'agrandir votre domaine ?
Absolument pas ! Mon domaine est petit à l'échelle du Languedoc mais on en prend grand soin. Vous savez, c'est facile de faire de la quantité mais faire beaucoup et bon, c'est très compliqué.
Cependant, ce n'est pas parce que je ne m'agrandis pas que je ne crée pas. J'ai aujourd'hui treize parcelles, exactement comme mon père à l'époque, mais sur une même parcelle je m'autorise à faire trois vinifications différentes. Je fais une première cueillette au mois d'août avec mes trois cépages de mourvèdre, grenache noir et carignan pour créer mon vin rosé. Quelques semaines plus tard je cueille à nouveau mon grenache pour faire mon rouge Atsuko ou encore le mourvèdre pour Les Vendangeurs de la Violette. Enfin, fin novembre, je fais une troisième cueillette pour mes vins mutés.
En clair, je peux sortir trois vins différents d'une même parcelle. C'est un exercice de style très complet et je doute que beaucoup de vignerons le fassent.
Je prends des risques mais c'est aussi ce que j'aime. Faire du vin est un métier créatif !
A quel moment vos vins se dégustent-ils ? Aujourd'hui ou faut-il attendre quelques années ?
Les deux. Aujourd'hui, on n'a pas forcément envie de mettre sa bouteille dans une cave et d'attendre dix ans pour la goûter. On est plus dans l'instantané. Selon moi un bon vin est beau dans le présent mais aussi dans le futur. J'ai des cuvées qui se gardent jusqu'à vingt ans mais qui peuvent très bien se déguster aujourd'hui. Vous savez, le temps ne bonifie pas toujours tout.
Avec quoi aimez-vous déguster vos vins ?
Je goûte beaucoup les vins à la cuve, donc la plupart du temps je n'associe pas. Pour moi, le vin est plaisant à boire en soit.
Mais bien sûr, j'ai un grand bonheur à aller déguster les accords mets-vins des grands chefs avec qui je collabore comme Mauro Colagreco ou Pierre Gagnaire.
Enfin, quand je suis chez moi, j'aime associer mes vins avec des produits simples du terroir. J'adore déguster mon Pied des Nymphettes avec un beau fromage de chèvre ou mon Atsuko avec de l'agneau par exemple.
Selon vous, être vigneron est un métier d'avenir ? Que pensez-vous du réchauffement climatique ?
Très honnêtement, je ne ressens pas les conséquences du réchauffement climatique sur mes parcelles. Alors oui, je conseillerais aux jeunes de se lancer dans ce si beau métier surtout que dans le Languedoc, il y a des tas de vignobles très accessibles. Je veux bien prendre quelques jeunes sous mon aile pour leur transmettre mon savoir avant qu'ils volent de leurs propres ailes (rires).
Où ? Domaine Les Mille Vignes, 24 avenue San Brancat, La Palme.