Installé derrière le comptoir de Bagnard, Yoni Saada s'active. Le chef, connu du grand public pour son passage dans l'émission Top Chef en 2013, possède en effet depuis près d'un an et demi son enseigne street food parisienne, où il revisite le pan bagnat niçois à la perfection. Et comme le jeune cuisinier n'aime pas se tourner les pouces, il est présent tous les jours dans sa petite échoppe pour prendre les commandes ou passer derrière les fourneaux.
Et si vous venez déjeuner un jour et que Yoni Saada n'est pas là, c'est qu'il est sans doute chez Miniatures, adresse qu'il possède depuis plus de dix ans dans le 16e arrondissement de Paris. Car oui, le jeune chef n'a pas attendu de passer à la télé pour prouver à ses clients qu'il en avait sous la toque.
Après s'être régalé d'un excellent pan bagnat dévoré au comptoir, nous avons pris le temps de converser avec Yoni Saada pour parler cuisine, gastronomie française et transmission.
Au mois de mai dernier, vous avez assisté à un dîner au Ministère de l'Economie pour discuter des difficultés des jeunes chefs à ouvrir leur restaurant. Qu'est-il ressorti de cette rencontre ? Avez-vous rencontré ce genre de problèmes à vos débuts ?
Je pense que malheureusement c'est un problème qui concerne tous les restaurateurs. Je suis allé à ce dîner car je voulais vraiment mettre en avant mes idées de restauration, ma vision de l'avenir pour l'économie française. Rencontrer quelqu'un comme Emmanuel Macron est toujours intéressant même si on ne sait jamais trop à quoi s'attendre de la part des hommes politiques. Après, il était déjà au courant de ce que j'ai pu lui dire.
Je pense que l'entreprenariat doit être aidé en France et pas uniquement d'un point de vue financier. Tout le côté administratif devrait aussi être allégé pour permettre aux gens de passer plus de temps à pratiquer leur métier qu'à être dans la paperasse. Et bien sûr, ce souhait s'applique à l'un des patrimoines les plus importants de la France qu'est la gastronomie, car plus on s'élève dans la gastronomie plus on a besoin de personnel. C'est une niche qu'il faut soutenir. Je ne parle pas là des bistros qui achètent des plats déjà préparés chez les grands distributeurs, mais des vrais restaurateurs qui s'intéressent à la qualité des produits et qui font que la France brille à travers le monde.
Intérieur du restaurant Miniatures
Justement, comment choisissez-vous vos produits pour vos restaurants Bagnard et Miniatures ?
Dans mes deux restaurants je sélectionne mes produits par rapport à des émotions et des attentes que j'ai. Par exemple, si une fraise est trop acidulée c'est qu'on n'est pas encore dans la bonne période, alors je préfère attendre. Pour moi le respect des saisons et des producteurs qui travaillent en amont est primordial. C'est important de faire vivre nos agriculteurs, éleveurs, etc. Ce que j'aime le plus c'est découvrir des produits que je ne connais pas !
Cette année, vous êtes le chef ambassadeur des olives de table venues d'Espagne. En quoi ce produit est-il intéressant en cuisine ?
Je suis un amoureux de l'olive ! Je suis Méditerranéen donc j'ai toujours un pot d'olives chez moi pour l'apéro... C'est un fruit magique !
Quand on m'a proposé d'être l'ambassadeur de l'olive d'Espagne j'ai trouvé ça intéressant car elles sont très atypiques. C'est un produit qui peut aussi bien s'utiliser dans une assiette gastronomique qu'en simple marinade l'été. On peut aussi l'utiliser pour un dessert. J'ai par exemple travaillé l'olive verte avec de la pistache et du chocolat. Pour moi l'olive c'est un peu comme l'avocat, on peut imaginer un tas d'associations inédites.
Lors de votre participation à Top Chef, vous aviez déclaré que votre leimotiv était de "créer tous les jours un nouveau plat". Est-ce toujours le cas ? Avez-vous toujours le temps ?
Il faut toujours prendre le temps pour créer. Je continue de créer tous les jours, c'est le principe de mon métier et c'est une manière aussi de respecter au maximum le produit. Si on fait toujours la même recette avec un produit donné, ce n'est pas très intéressant pour le développement personnel. La création c'est ce qui me fait le plus vibrer !
Vous avez été formé auprès de Frédéric Anton, Yannick Alléno et William Ledeuil. Que retenez-vous de ces différentes expériences ?
Chaque chef m'a apporté quelque chose de différent. Ils avaient tous une personnalité et une cuisine bien à eux. William Ledeuil est par exemple très porté sur le voyage, la fusion food. Mais dans les trois cas, ce ne sont pas des chefs qui cherchent à tout prix à suivre la tendance et je trouve ça très respectable. Ce que j'ai appris de plus important chez eux c'est qu'il fallait toujours préserver sa personnalité, ne pas chercher à copier les autres et innover à chaque fois pour apporter son émotion personnelle.
Transmettre à votre tour votre savoir est quelque chose d'important pour vous ?
Transmettre, c'est la continuité de notre métier. Pour moi, un chef qui ne transmet pas a soit un problème d'égo, de confiance en soi ou n'a pas envie de voir le métier évoluer. Donc oui, la transmission est quelque chose de vraiment important.
Vos parents et grands-parents étaient bouchers. Pourquoi avoir choisi la voie de la "transformation" plutôt que celle de l'artisan ?
Je devais suivre la même voie mais c'est vrai qu'étant jeune, quand je travaillais avec mon père, je trouvais que le métier manquait d'aboutissement. Je voulais aller plus loin et j'ai toujours été fasciné par les grands restaurants. Quand je suis allé aux portes ouvertes de l'Ecole Ferrandi je me suis senti tout de suite très à l'aise et j'ai ensuite eu la chance de connaître les bonnes personnes au bon moment.
Vous êtes assez actif sur les réseaux sociaux. Selon vous cette présence sur internet est-elle importante pour les chefs de nos jours ?
Oui je pense que c'est important. Mais ce n'est pas non plus une fin en soit. Moi je le fais sur Instagram car la photographie est ma deuxième passion. Je pense que la présence des chefs sur Facebook ou Instagram doit garder une certaine mesure, il ne faut pas que cela prenne le pas sur le reste au risque de devenir un phénomène de mode éphémère.