Zachary Gaviller est ce qu'on appelle un chef né sur le tard. Ce n'est qu'à l'âge de 26 ans que ce Canadien décide de se lancer dans le métier, après une "expérience culinaire incroyable" au restaurant Lawrence à Montréal. "J'en aurais presque pleuré tellement ça m'a touché", assure le jeune homme. C'est dans ce même établissement que le cuisinier débutera sa carrière, d'abord en salle puis en cuisine, sans jamais avoir pris un seul cours.
Après huit ans à Montréal, Zachary Gaviller commence à s'ennuyer et décide de s'envoler pour la France afin de vivre de nouvelles expériences. En trois ans, le jeune chef est passé par des cuisines très diverses, de Frenchie to Go à Yard en passant par Le Saturne.
Depuis quelques mois, il est le chef du tout nouveau Cléo, restaurant niché au sein de l'hôtel Narcisse Blanc, près des Invalides.
FineDiningLovers a eu l'honneur de le rencontrer pour dresser un premier état des lieux.
C'est la première fois qu'un restaurant vous laisse autant de liberté pour concevoir sa carte. Quel est le bilan après quelques mois d'ouverture ?
C'est vrai qu'avant de travailler ici, je n'avais pas vraiment de place pour exprimer à fond ma créativité. Et je suis content car globalement, les clients se disent surpris mais également très contents de découvrir ma cuisine, qui est clairement influencée par mes origines canadiennes. Au début, je le faisais sans même m'en rendre compte mais c'est vrai que je fume et brûle beaucoup d'aliments comme on le fait dans mon pays. J'utilise beaucoup le bois pour cuisiner, ça apporte des saveurs particulières à un plat.
J'ai aussi à la carte un dessert très personnel, le Pudding chômeur, avec du fenouil, du kumquat et du sirop d'érable. C'est un classique québecois revisité à ma sauce ! Mais je pense que c'est ce que les gens cherchent en venant ici : de nouvelles saveurs et des combinaisons inédites.

Quel plat recommanderiez-vous à un client qui vient au Cléo pour la première fois ?
Je lui conseillerais les Strigoli maison à l'encre de seiche, poulpe braisé et os à moelle. C'est une entrée que je propose à la carte depuis l'ouverture du restaurant et qui a beaucoup de succès, même auprès du personnel de l'hôtel qui en redemande souvent ! J'ai fait évoluer ce plat au fil des mois mais la base reste toujours la même. C'est un peu épicé j'adore ! J'ai appris à faire ces pâtes lors d'une expérience en cuisine dans un restaurant sicilien à Paris. C'était vraiment super.
Vous avez également travaillé dans un établissement bien connu des Parisiens, Frenchie To Go, spécialiste de la street food de qualité. Que retenez-vous de cette expérience ?
Pour être honnête, je n'aime pas vraiment cuisiner la street food. C'était une expérience sympa où je réalisais mon propre pastrami, ce que je faisais déjà avec le bacon avant d'arriver en France, mais c'était un peu à la chaîne car Frenchie To Go est très populaire et donc très prisé. Je n'y suis resté que 3 ou 4 mois. C'était une bonne expérience mais en règle générale, je préfère faire de la haute cuisine, c'est plus mon truc.

Les clients français sont-ils différents des Canadiens ?
Oh oui ! Disons qu'au Canada, si vous ne vivez pas dans une grande ville, vous n'avez pas la culture du "fine dining". Si vous donnez du foie gras à quelqu'un qui vit dans une petite commune, il y a de fortes chances qu'il trouve ça bizarre.
Je pense qu'en France, les gens s'intéressent davatange à la gastronomie. C'est dans leur ADN ! Et peu importe de quelle classe sociale vous venez, tout le monde aime manger, ce qui rend les clients français plus exigeants, plus critiques, mais également plus ouverts.
Y'a-t-il un ingrédient que vous aimez particulièrement cuisiner ?
Ces derniers temps, j'adore cuisiner le barbue. J'aime également beaucoup le nduja, une saucisse piquante de Calabre. Si je pouvais, j'en mettrais partout ! J'adore aussi la bergamote. C'est un fruit que je n'avais jamais goûté avant d'arriver ici.
Et avez-vous un pêché mignon ?
Les pâtes ! Je pourrais en manger tous les jours. J'adore aussi la viande braisée. En fait, je cuisine ce que j'aimerais manger. Souvent, cela s'apparente à de la "comfort food" qui me rappelle les saveurs de mon enfance. Ma mère était une piètre cuisinière. Tous les dimanches, elle nous faisait un rôti qu'elle laissait trop cuire. Evidemment, je ne sers pas de la viande trop cuite à mes clients mais j'aime ce côté un peu grillé.

Quels sont vos restaurants préférés à Paris ?
Mon préféré est sans conteste l'Arpège d'Alain Passard. Il est d'ailleurs venu dîner ici un jour. Il n'y avait que lui et sa femme dans la salle, c'était incroyable pour moi de le recevoir !
J'aime aussi beaucoup Mokonuts. J'ai travaillé il y a quelques temps avec le chef Omar et je trouve que tout ce qu'il cuisine est proche de la perfection. J'essaye d'ailleurs de m'inspirer de lui pour aller toujours plus loin dans ma recherche.
Je vais aussi souvent chez Ten Belles, qui n'est pas vraiment un restaurant mais plus un café et leur pain est excellent !
Y'a-t-il un projet culinaire passé ou à venir dont vous aimeriez nous parler ?
Il y a quelques semaines, j'ai participé à un projet organisé par Terroirs d'Avenir. Dix chefs et dix producteurs étaient conviés au Chateaubriand, et chaque chef devait imaginer un plat avec un produit imposé par l'un de ces producteurs. J'ai dû cuisiner un canard venu du Pays Basque. C'était assez insolite et amusant de préparer 10 pièces rôties dans une cuisine avec 9 autres chefs à côté ! Au final, le plat a bien fonctionné et c'était sympa de découvrir l'univers d'Inaki Aizpitarte (chef du restaurant).
Où ? Cléo, Hôtel Narcisse Blanc, 19 boulevard de la Tour-Maubourg, 7e arrondissement de Paris.
Crédits photos : Thomas Dhellemmes