La vie d’André Terrail est inévitablement liée à celle de la Tour d’Argent. Il est impossible de raconter l’histoire de sa carrière sans faire référence à cette prestigieuse institution parisienne et lieu emblématique de la haute gastronomie française. Fondée en 1582, la Tour d’Argent est l’un des restaurants les plus anciens de France et d’Europe. André Terrail est à la tête de l’établissement depuis 2006 quand, à seulement 26 ans, il a succédé à son père Claude Terrail. Sa mission : respecter l’héritage de la Tour et le faire perdurer, tout en ancrant le présent de la maison dans la modernité avec une ouverture vers le futur.
Située au 15 quai de la Tournelle à Paris, avec sa vue privilégiée sur les quais de Seine et sur l’ile Saint Louis, la Tour d’Argent ne cesse d’attirer les passionnés de haute gastronomie et de beauté. Cette maison familiale est l’emblème du « grand service à la française » : les clients arrivent ici du monde entier pour la qualité du service en salle, toujours irréprochable. Depuis mai 2022, le restaurant est fermé pour une énorme rénovation, mais cela n’a pas empêché André Terrail d’être nommé parmi les Stars de l’hospitalité de Fine Dining Lovers. Le quarantenaire a par ailleurs créé le Trophée Frédéric Delair pour récompenser les métiers de salle, une initiative naturelle pour un homme qui a l’hospitalité dans le sang. Voici ce que l’art de recevoir est pour lui.
Pourriez-vous nous raconter comment s’est développée votre carrière ?
Je suis propriétaire et président de la Tour d’Argent, un groupe familial composé aujourd’hui d’un restaurant, une boulangerie, une épicerie et un établissement à Tokyo. Quand j’ai pris la suite de mon père en 2006, je n’avais que 26 ans. Je venais de terminer des études de management au Babson College de Boston, suivis de plusieurs stages aux US et en France, un parcours qui m’a permis d’avoir un aperçu global des métiers de la restauration. J’ai eu la chance de passer beaucoup de temps avec mon père, qui était une grande figure de l’hospitalité, avant de prendre sa suite à sa disparition. Cela ne m’a pas empêché de continuer à me former : en 2011 j’ai fait un prestigieux MBA à l’INSEAD qui m’a permis de continuer à parfaire mon expérience à l’étranger.
Qu’est-ce que « l’art de recevoir » pour vous ?
Dans la langue française, « l’hôte » est à la fois la personne qui accueille et celle qui est accueillie. A chaque service, nous passons entre trois et cinq heures avec des clients qui nous accordent leur confiance : il va falloir être à la hauteur de leurs attentes ! Je suis plutôt celui qui va converser, accueillir et partager un moment d’intimité avec mes « hôtes », puisque je les reçois dans mon établissement familial. Mais je me considère comme un coordinateur, je ne suis pas au cœur du service, pour cela je fais confiance à mes équipes, qui font de l’expérience client quelque chose d’exceptionnel. La plus belle des récompenses quand les clients repartent en disant « je reviendrai ».
D'après vous, quel est le futur des métiers de l’accueil ?
Les métiers de la salle sont en train d’avancer à grands pas, grâce à des personnes qui leur apportent énormément et forment de jeunes passionnés. L’expérience en salle a énormément évolué, la découpe, le flambage et la préparation des assiettes ont été réinventés. Les frontières entre la cuisine et la salle sont en train de tomber. Comme pour tout métier, il est important d’avoir quelques bases qui nous permettent de savoir d’où on vient. A la Tour, avons un héritage classique qu’il faut mettre au goût du jour et réinventer sans la dénaturer. Comme dans une pièce de théâtre, quand l’équipe travaille avec cohésion, le client peut profiter d’un spectacle exceptionnel !
Comment a évolué l’expérience de la Tour d’Argent ?
Nous avons des valeurs fortes qui vont perdurer. Mais il y a une modernité dans l’approche de nos clients, qui demande également un côté d’analyse psychologique. Si dans le passé on gardait une certaine distance, aujourd’hui on est plutôt à l’écoute de ce qu’ils attendent de nous : ont-ils envie de proximité, qu’on les bouscule et qu’on s’amuse ? Certes, chacun reste à sa place, mais nous sommes là pour détendre parfois l’atmosphère, toujours en respectant les attentes des clients.
A la veille de la réouverture du restaurant, comment sera la « nouvelle » Tour d’Argent ?
Les métiers de la cuisine, de la sommellerie et de la salle vont fournir une expérience encore plus extraordinaire. La Tour d’Argent est beaucoup plus qu’un simple restaurant, il s’agit d’un véritable « immeuble d’expériences ». Nous avons une stratégie de « village », avec la boulangerie, la rôtisserie, l’épicerie, et demain nous ouvrirons peut-être une cave à vin ou autre chose. Il pourrait s’agir d’une boucherie ou d’une fromagerie, l’idée c’est de montrer toute la qualité de notre savoir-faire et de le mettre à disposition de nos clients, que ce soit des étrangers de passage ou des personnes du quartier.
Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent se lancer dans les métiers de l’hospitalité ?
C’est du travail, il ne faut pas sous-estimer l’importance de l’engagement. Comme pour tout métier, il faut diversifier et varier ses expériences, dans des maisons plus institutionnelles ou dans des restaurants plus accessibles. C’est le même travail, la même psychologie et la même exigence, même si les styles et les prix sont différents. Nous préparons la sixième édition du Trophée Frédéric Delair qui aura lieu en 2024 : c’est passionnant de voir combien de jeunes âgés de 16 à 20 ans, qui sont parfois en apprentissage, en BAC pro ou en BTS, se lancent dans le concours. Ils sont touchants pour leur investissement et pour le talent qu’ils mettent dans leur métier.
Lire aussi : Yannick Benjamin, une force de changement positif dans l'industrie