Vous vivez et vous respirez pour la haute cuisine? Vous réussiriez à manger au-dehors deux fois par jour en ne le disant à personne ? Vous seriez disposés à voyager en parcourant de grandes distances uniquement pour un dîner en restant concentrés sur le moindre détail ? Si la réponse est affirmative, vous possédez les qualités pour devenir inspecteur du Guide Michelin.
De la Suisse à Singapour, le Guide Michelin est devenu le standard international pour la qualité d’un restaurant et de ses plats. Des millions de personnes se fient au petit livre rouge pour être guidées dans les meilleurs endroits au monde. Quand un restaurant a une étoile Michelin – ou deux, ou trois – ou qu’il est signalé dans le guide comme Bib Gourmand, cela signifie qu’un inspecteur Michelin a visité cet établissement plus d’une fois, en incognito, et qu’il a tout contrôlé attentivement.
Même la cuisine de rue et les camions restaurants sont désormais dans les radars du guide.
C’est un dur travail, mais quelqu’un doit le faire. Mais qui ? L'identité des inspecteurs du Guide Michelin est strictement confidentielle mais selon ce que nous a dit Rebecca Burr – rédactrice en chef du Guide Michelin de Grande-Bretagne et d’Irlande – toute personne répondant aux critères pour faire ce travail peut devenir un d’entre eux.
« Traditionnellement nous cherchons des personnes ayant une formation dans ce secteur – école hôtelière ou équivalent – et ayant cinq ou sept années au moins dans le business de la restauration, idéalement avec une certaine expérience de la cuisine » déclare Rebecca Burr. « À part cela, nous recherchons aussi des personnes compréhensives, ayant un grand sens de l’observation et passionnées. Et elles doivent donner le maximum ».
Pour faire le saut de qualité, les inspecteurs doivent se consacrer au travail à 100% en mangeant dans les restaurants. Cela semble facile mais, comme le souligne la rédactrice en chef, cela peut être un beau défi. « C’est tous les jours. Il vous est permis, certes, d’avoir une autre vie et une famille mais c’est épuisant. Vous devez être au-dehors au déjeuner et au dîner, tous les jours, et bien sûr beaucoup voyager ».
Selon Rebecca Burr, les inspecteurs n’ont pas de région spécifique à couvrir ; il leur est cependant demandé de voyager en long et en large dans leur pays et, de temps en temps, même à l’étranger. « Nous voulons des régions variées pour nos inspecteurs car, si vous mangez tous les jours en Cornouaille, même si c’est une belle région, ce n’est pas correct. Ils se déplacent donc à chaque fois. C’est pourquoi les personnes restent si longtemps : il faut au moins 5 ans pour devenir un bon inspecteur ».
Outre ces qualités pour devenir un inspecteur Michelin, Rebecca Burr évoque aussi d’autres caractéristiques nécessaires comme l'attention aux détails, une nature curieuse, l’amour pour toute la nourriture, et une espèce de sixième sens lorsqu’il s’agit de percevoir si un plat mérite une Étoile Michelin. « Ils doivent sentir tout cela pour comprendre s’il y a du talent, et découvrir s’il y a de l’ambition ou du potentiel (chez le chef). Nous ne voulons pas qu’ils risquent de perdre une étoile probable ».
Mais ne vous attendez pas que la sélection pour ce travail soit facile. Les candidats doivent passer des tests rigoureux concernant leur jugement et leur palais. « Lorsque nous recrutons un inspecteur, une partie du processus n’est pas de contrôler le curriculum et de rencontrer la personne » a affirmé Burr. « Nous leur demandons d’aller déjeuner au dehors et de faire un rapport sur la base de leurs observations. Après cela, nous demandons aux candidats d’accompagner quelqu’un de l’équipe ».
Mais que cherchent les inspecteurs Michelin lorsqu’ils jugent un restaurant ? « Pour une étoile tout concerne la nourriture » affirme Burr. « La cuisine est-elle assez réfléchie ? Le chef comprend-il les saveurs, les ingrédients et les associations ? Quel est le niveau technique ? A-t-il vraiment fait des tests en cuisine avant de proposer son menu dans la salle ? »
Entre-temps Burr insiste que les étoiles Michelin sont octroyées ou ôtées uniquement pour ce qui se trouve dans l’assiette, mais les inspecteurs doivent être attentifs à toute l’expérience. « Bien entendu nous ne sommes pas indifférents à ce qui se passe autour de nous. Nous regardons le service, les autres convives et l’environnement où nous sommes ».
La discrétion est la clé de tout. De nombreux chefs pensent savoir reconnaître un inspecteur à mille kilomètres de distance, comment donc éviter d’être reconnus tout de suite ? « L’image du vieux type assis seul dans un costume gris, avec l’air de s’ennuyer un peu, est bien loin de la réalité » déclare Burr. « Nous ne dînons pas toujours seuls, même si désormais ce n’est plus étrange comme autrefois car de nombreuses personnes vont au restaurant pour leur propre compte, même non accompagnées ».
Les caractéristiques pour devenir des inspecteurs Michelin sont complexes et très variées, mais il y a une qualité qui n’est plus nécessaire comme autrefois : avoir une mémoire photographique. « Nous avons toujours pensé que se souvenir de tout est très difficile. Maintenant c’est facile, il suffit de prendre une photo ».