L’engagement des chefs qui participent au Bocuse d’Or est généralement de taille. Pour beaucoup, participer au concours signifie devoir s’absenter de leur travail pour mieux se concentrer sur l’entrainement et le perfectionnement de leur plat. Un total de deux ans de travail, une implication inconditionnelle, comme le sait le chef danois Rasmus Kofoed ─ le seul chef à avoir obtenu un Bocuse de bronze, d’argent et d’or ─ et qui a dédié neuf ans de sa vie à la compétition.
En 2015, c’est le chef Ørjan Johannessen et l’équipe norvégienne qui ont remporté la première place du Bocuse d’Or mais ce sont les américains qui ont marqué la compétition avec des performances hors du commun, qui leur ont value un Bocuse d’argent cette année.
Pour Grant Achatz, le célèbre chef américain de l’Alinea à New York et président d’honneur du Bocuse d’Or, la compétition influence la gastronomie et ce de manière toujours plus importante : « Par exemple, Rasmus Koefeld du Geranium a gagné trois médailles et son restaurant a deux étoiles Michelin. Quand j’y ai mangé l’automne dernier, il était clair que son style était inspiré du Bocuse d’Or. Il y avait une certaine précision indicative du Bocuse d’Or imprégnée d’esthétisme. Est-ce que c’est bien ? Est-ce que Rasmus s’en est inspiré ? Cette compétition l'a influencé à suivre un chemin différent de ce que l'on voit dand les assiettes homogènes que l’on peut trouver à Chicago, New York, Paris, Copenhague, Dan Francisco ou en Asie ? J’en ai été coupable aussi à l’Alinea, Next et Aviary (à Chicago), et je pense que cela pousse les chefs à explorer de nouvelles directions intéressantes, et motive à travailler le goût et la présentation des plats. »
Achatz croit profondément en l’influence du Bocuse d’Or sur les chefs du monde entier, en particulier après les compétitions de 2015 qui sont passées des plats traditionnels à des plats plus proche de ceux de style restaurant. « Je pense que ce sera intéressant de voir comment l’influence du travail de l’assiette qu’on a pu voir au Bocuse d’Or pourra se retrouver dans les restaurants. Nous avons déjà constaté que ce qui est vieux peut devenir à la mode très facilement, les phénomènes de mode et les nouveautés dans les restaurants connaissent des cycles. Je pense que les chefs adopteront les philosophies, l’esthétisme et l’approche dominante du Bocuse d’Or comme des tremplins pour leurs restaurants. Tout le monde vise l’opposé de ce qui se fait « en ce moment » pour trouver « la prochaine mode ».
« Certaines théâtralités, complexités, services et présentations à multiples facettes reviendront à la mode. Pensez aux meilleurs plats que vous avez mangés cette année. J’en ai vu de superbes «présentés sur table» chez Noma, Geranium, Amass, Narisawa, Takazawa, Per Se, Ekstedt, EMP et le Cove Club qui auraient peut-être pu être élevés à la « mentalité Bocuse » en termes de présentation. »