Jérôme Faure aime les défis. Après avoir obtenu sa première étoile au Guide Michelin en 2008 (à l'Hôtel du Golf de Corrençon - Vercors) et avoir été nommé Jeune Talent 2011 par le Gault & Millau, le chef de 37 ans reprend les rennes de la restauration du Domaine de Fontenille (Lubéron). Il supervisera le restaurant gastronomique Le Champ des Lunes et le bistrot La Cuisine d'Amélie pour y imposer sa cuisine de terroir aux saveurs déroutantes en tirant profit des produits de cette superbe région.
A quelques jours de la réouverture du Champ des Lunes - le 6 février - Jérôme Faure nous a fait une petite place dans son agenda pour parler cuisine, passion et inspiration.
Pourquoi avoir eu envie de rejoindre l'aventure du Domaine de Fontenille ? Pour ne rien vous cacher, pendant ma courte carrière, on m'avait déjà proposé quelques aventures et j'avais toujours refusé sans forcément creuser, parce que je me sentais bien là où je me trouvais. En plus, on me proposait souvent de remplacer tel ou tel chef dans un établissement bien établi, où tout roulait, et ce n'est pas trop dans ma nature de prendre le relai. J'aime les challenges et l'aventure ! Alors, le fait qu'on me propose de participer au début d'une nouvelle histoire m'a tout de suite séduit. C'était sans doute le bon moment pour moi car une certaine lassitude s'installait à l'Hôtel du Golf où j'avais atteint le maximum de ce que je pouvais atteindre en matière de progression et de marge de manœuvre.
Autre point : le Domaine est situé au cœur du Lubéron, une région magnifique et très bien placée pour le tourisme.
Enfin, cerise sur le gâteau, je suis tombé sur Frédéric Biousse et Guillaume Foucher, à l'initiative de ce projet hôtelier, avec qui le contact est très bien passé dès le début. Ce sont des garçons talentueux et ambitieux avec qui j'ai eu envie de travailler tout de suite.
Visez-vous les étoiles (Michelin) avec le restaurant Le Champ des Lunes ? Oui, c'est une volonté clairement affichée. J'ai décroché une étoile en 2008 dans mon ancien restaurant et le minimum syndical serait de retrouver ce niveau au Champ des Lunes, voire plus. Ca ne change pas grand chose dans le sens où l'étoile Michelin est remise en cause chaque année, même lorsque vous ne changez pas de restaurant, mais ça sera forcément plus difficile ici où tout reste à faire. J'ai besoin de cette reconnaissance et les chefs qui vous diront le contraire sont des menteurs, car nous sommes tous un peu narcissiques (rires).
Allez-vous poursuivre sur la même dynamique qu'à l'Hôtel du Golf avec des plats terre/mer/montagne ? Oui. Je ne change pas de cuisine, juste de terroir. Et même si le Vercors et le Lubéron sont différents, je retrouve beaucoup de similitudes au niveau des paysages très verts, avec beaucoup de forêts, de sapins et des champignons... Certains produits vont changer, c'est sûr. J'utiliserai davantage d'huile d'olive ici par exemple. Mais je vais conserver ma cuisine à la fois très pensée mais plutôt irréfléchie.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir chef ? A vrai dire je ne me suis jamais vraiment posé la question. C'est une évidence pour moi depuis que je suis tout petit. D'ailleurs, les gens de ma famille vous le diront si vous leur posez la question. C'est une chance car j'ai toujours su ce que je voulais faire dans la vie.
Ensuite, en entrant à l'école hôtellière, mon rêve était de faire ce que je fais actuellement : une cuisine qui m'est propre et sans complexe. Et ça, ça n'a pas de prix !
Quel message souhaiteriez-vous passer à la nouvelle génération de cuisiniers ? Qu'il ne faut pas forcément toujours écouter ce qu'on dit à la télévision et croire ce que l'on voit sur internet. La cuisine est un métier d'exigence, un univers difficile, qui nécessite beaucoup d'application, d'amour et d'envie pour ce métier. On ne se lance pas par hasard ou juste pour avoir un moment de gloire. Il faut avoir l'amour du partage, du don de soi et toujours avoir conscience que cela demande du temps, de la patience, de l'énergie et de la rigueur. On ne s'improvise pas professionnel du jour au lendemain.
A ce propos, y'a-t-il un chef que vous admiriez particulièrement durant votre jeunesse et avec lequel vous auriez rêvé de travailler ? Michel Bras (élu meilleur chef du monde selon ses pairs). Je trouve ça fascinant qu'un autodidacte ait réussi une telle carrière tout en restant humble. C'est quelqu'un de très respectueux de son terroir, de ses origines, de son village et de son environnement et pour moi, c'est très important ! Je l'admire aussi car il a su léguer la tâche à son fils avec brio et leur cuisine me parle beaucoup. Enfin, Michel Bras est l'un des rares chefs à faire de la pure création et ça, c'est rarissime de nos jours.
J'admire aussi beaucoup Pierre Gagnaire pour les mêmes raisons et pour son côté très artistique. Pour moi, ce sont deux hommes qui se distinguent.
Quel plat/dessert vous fait retomber en enfance dès la première bouchée ? L'île flottante à la praline rose ! Ca me rappelle ma grand-mère qui était une piètre cuisinière mais qui faisait une île flottante à vous faire pleurer. Je la revois encore avec son four et son grand tablier et mon seul regret est de n'avoir jamais réussi à reproduire ce dessert à sa manière.
Selon vous, quelles sont les tendances culinaires du moment à surveiller avec attention ? Pour moi, ce qu'il y a de plus intéressant en ce moment, c'est la disparition du clivage Paris/province. Avant, une tendance qui émergeait à Paris mettait plus de six mois à arriver dans nos régions et je pense que c'est de moins en moins vrai, car de plus en plus de chefs sortent du bois et font parler de leur terroir grâce à une cuisine à la fois simple et moderne. Ca, c'est un vrai phénomène !
Où ? Domaine de Fontenille, Route de Roquefraiche, Lauris. Web
Crédit photo : Serge Chapuis