Chorizo de poulpe, jambon de silure, fromage de tête de turbot ou encore andouille aux barbes de St-Jacques... La charcuterie de poisson gagne du terrain dans les restaurants. Bien plus qu'une tendance, cette nouveauté devrait s'inscrire dans le temps et ce pour plusieurs raisons : diminution de la consommation de viande, valorisation des parties moins nobles des poissons... La charcuterie de poisson apparaît comme une solution durable de nourrir les convives tout en gardant une belle part de gourmandise et d'innovation. Nous avons discuté de ce phénomène avec deux chefs adeptes, Romain Meder du restaurant étoilé Les Chemins au Domaine de Primard à Guainville, mais aussi Mathieu Pérou du Manoir de la Régate à Nantes.
La charcuterie : une façon de valoriser le poisson de A à Z
Pour Mathieu Pérou, chef du restaurant étoilé Le Manoir de la Régate à Nantes, la charcuterie de poisson est une bonne façon de valoriser l'animal dans son entièreté. "Je cuisine des poissons d'eau douce, principalement pêchés dans l'Erdre. Mon pêcheur me ramène souvent du silure. Ce sont de beaux bébés (je prends généralement ceux de moins de 40 kilos) que les gens hésitent souvent à manger. J'en passe beaucoup dans mon restaurant et je valorise notamment le ventre en faisant du jambon de silure. C'est très persillé, comme une ventrèche de thon ! Je le fais maturer pendant 4 à 6 mois et on obtient un super résultat !", assure Mathieu Pérou. Le jeune chef a également fait le test avec d'autres poissons d'eau douce, comme le sandre ou le brochet, mais c'est avec le silure qu'il obtient le meilleur jambon. "C'est un véritable travail de boucher", ajoute-t-il.
Crédit : Paul Stefanaggi
Même constat du côté de Romain Meder, qui a débuté ce travail autour de la charcuterie de poisson lorsqu'il était le chef du restaurant triplement étoilé Alain Ducasse au Plaza Athénée. "Plus jeune, j'ai passé un CAP-BEP en boucherie-charcuterie et ça me sert encore tous les jours", constate le chef du restaurant Les Chemins en Eure-et-Loir. "Je ne travaille presque plus de viande mais pas mal de poissons, et la charcuterie me permet de valoriser les parties moins nobles." Arêtes, écailles, queues et têtes de poisson, Romain Meder ne jette rien mais refuse de faire du fumet de poisson comme tout le monde. "Je n'aime pas ça", s'amuse-t-il.
Crédit : Philippe Vaurès Santamaria
Donnez-lui du poulpe, il en fera un chorizo. Du turbot ? Il utilisera les parties souvent délaissées pour en faire un fromage de tête. Dans les mains de Romain Meder, les barbes de Saint-Jacques deviennent une andouille de la mer, le foie de bar se transforme en pâté et les parures de homard en soubressade. C'est anti-gaspi, durable et bien sûr délicieux... Alors laissez-vous tenter la prochaine fois qu'un chef vous proposera d'y goûter !