Sept ans après avoir créé Le Jardin des Plumes, Eric Guérin cède son affaire à David Gallienne, chef exécutif des lieux depuis fin 2017. "J'ai grandi à Giverny et il y a quelques années, j'ai eu un coup de coeur pour cette grande maison qui allait disparaître. J'ai eu envie de la sauver pour en faire un lieu d'échange et de transmission, mais il est temps pour moi de passer à autre chose", nous explique Eric Guérin, pour qui la décision de se détacher de cet endroit a été difficile à prendre mais mûrement réfléchie.
Aujourd'hui, Eric Guérin nous a accordé un peu de son temps pour nous en dire plus sur toutes ces nouveautés et ses projets à venir.
Pourquoi avoir décidé de vendre Le Jardin des Plumes au chef David Gallienne ?
Cette année est une année assez forte pour moi en terme de chiffre : je vais avoir 50 ans, je fête les 25 ans de La Mare aux Oiseaux, mes 20 ans d'étoile Michelin mais aussi mes 7 ans au Jardin des Plumes. J'avais toujours dit qu'à 50 ans je prendrais le temps de me poser pour décider de ma vie, comme je l'ai fait à 25 ans quand j'ai lancé La Mare aux Oiseaux.
En réalité, cela fait près de trois ans que je réfléchis et que je souhaite me recentrer sur mon premier restaurant pour relancer quelque chose de nouveau. C'est l'endroit où je me sens le mieux et j'avais envie de me libérer de mes activités périphériques pour mieux repenser le lieu.
Mes envies ont coïncidé avec celles de David, qui souhaitait voler de ses propres ailes. C'est un garçon brillant avec qui je partage de nombreuses valeurs, comme le côté humain de la cuisine, l'amour du terroir, l'art... David est normand et s'est tout de suite senti chez lui au Jardin des Plumes. Il a rencontré les bonnes personnes, a fait bougé la maison... Il a pris la direction que j'aurais aimé prend si j'avais été ici à 100%, c'est la personne idéale pour poursuivre cette affaire. Je lui ai donc vendu le fonds de commerce mais reste propriétaire des murs.
Crédit : Julie Limont
L'envie d'évoluer à La Mare aux Oiseaux est donc toujours bien présente ?
C'est une maison qui existe depuis 25 ans mais que je repense en permanence. Ce qui m'intéresse, c'est que ce soit un endroit contemporain, inscrit dans le mouvement. Je vais avoir 50 ans mais je ne veux pas devenir un vieux chef avec une cuisine obsolète, je veux rester à l'écoute de ce qui m'intéresse pour évoluer. Du coup, ces derniers mois, je me suis demandé si mon histoire ici était terminée - j'avais même un projet pour repartir de zéro à l'étranger dans un tout autre domaine - et finalement, je me suis rendu compte que je me sentais encore très bien ici. J'ai une équipe extraordinaire qui me permet chaque jour d'avancer, d'améliorer mon travail, d'être dans l'humain... Pour moi c'est ce qu'il y a de plus important. Je suis arrivé en Brière sans amis et sans famille mais je m'en suis construit une avec le temps, avec qui je passe mes journées. Mon souhait est de faire que tout le monde se sente bien en venant travailler ici pour que l'ambiance soit toujours bonne et que chacun arrive le matin avec le sourire.
Je crois beaucoup aux énergies et depuis deux ans, on travaille sur le ressenti à l'intérieur de la maison. Je suis vraiment persuadé que l'intention que l'on met dans une cuisine compte énormément. La preuve : quand une maman cuisine, on trouve toujours que c'est le meilleur plat du monde parce qu'elle y met beaucoup d'amour. Ici c'est pareil. On a beau avoir la meilleure technique, si les cuisiniers sont stressés ça se ressent dans l'assiette, alors je fais tout pou
Quel avenir envisagez-vous pour La Mare aux Oiseaux ?
Nous sommes fermés depuis deux mois et encore pour deux mois car on casse tout ! On repense toute la cuisine pour qu'elle s'adapte aux outils d'aujourd'hui mais surtout de demain. Je prends le temps de la réflexion pour voir où je veux emmener ma cuisine, on a refait un gros travail de sourcing auprès des producteurs, on organise mieux nos ressources... Depuis trois ans, j'ai même quelqu'un dont le travail est de faire le tour des producteurs une fois par semaine pour aller récolter chez eux, car les petits producteurs ne livrent pas. Ca permet de travailler au jour le jour et de faire évoluer mon menu carte blanche toutes les semaines et surtout d'être en relation directe avec les gens qui font mon terroir.
Le Café du Musée à Nantes a lui aussi évolué...
Tout à fait. Avant, on proposait une cuisine bistronomique très marquée de mon empreinte. Mais je me suis aperçu qu'on était un peu à côté de la plaque en faisant ça. Depuis janvier, on est sur une cuisine de bistrot, faite maison, avec des bons produits, simple mais efficace, et ça plaît. La vraie créativité, je la réserve désormais à La Mare aux Oiseaux.