Service, parité en cuisine, menus sur mesure, visites pensées comme des voyages... La crise du Covid-19 a fait réfléchir Yannick Alléno qui envisage de "tout changer" dans sa démarche à la réouverture des restaurants. "Il est important pour moi de ne pas rouvrir le restaurant comme avant. J'ai envie aujourd'hui de faire changer la maison et en faire un exemple social le plus absolu", assure le chef multi-étoilé à l'AFP.
Le cuisinier, aujourd'hui âgé de 52 ans, a eu une véritable prise de conscience lors de cette pause forcée. Lui qui était "sur l'autoroute de la vie et courait comme un fou" depuis qu'il a débuté la cuisine à 15 ans en pensant que travailler dans la gastronomie c'était arriver à 8h pour repartir à 1h du matin, entend réviser sa copie en proposant un "planning participatif" qui permet à ses 150 cadres du Pavillon Ledoyen de choisir leurs horaires.
Plus de parité en cuisine
Autre point sur lequel Yannick Alléno compte travailler : la parité en cuisine. En 2019, lors d'un débat organisé par les 50 Best, le chef a été vivement critiqué après avoir évoqué les "freins structurels" qui empêchaient les femmes d'accéder au rang de chef car le soir, leur rôle était de s'occuper des enfants. "L'ADN des femmes, c'est d'enfanter", avait même lâché le chef étoilé. Aujourd'hui, Yannick Alléno reconnaît son erreur : "J'ai fait une connerie, c'était vraiment maladroit, inapproprié et inacceptable. Je me suis excusé tant que j'ai pu et j'ai décidé d'avancer." L'objectif du chef est d'avoir six femmes sur ses douze sommeliers, "dans les plus brefs délais", afin d'apporter plus de parité dans son établissement. "J'en ai marre d'entendre dire que la restauration est un métier difficile et excluant." Le chef a également embauché trois personnes en situation de handicap pendant la brève réouverture de son restaurant en automne dernier.
Penser le restaurant comme un voyage
Aussi, selon le Guide Michelin, les restaurants triplement étoilés comme le Pavillon Ledoyen valent "le voyage". Pourtant, "c'est le seul endroit où le voyage n'est pas préparé, constate le chef. Yannick Alléno a donc commencé à tester la "conciergerie de table" en proposant un rendez-vous téléphonique à ses clients avant leur venue, pour sonder leurs goûts, allergies et le budget à ne pas dépasser. Le chef n'envisage plus de servir des menus imposés mais personnalisés en fonction des attentes des convives. En fonction du vin choisi, le chef déterminera s'il faut le sortir quelques jours avant la venue du client et adaptera la sauce du plat pour un accord parfait. Cette organisation évitera "un gâchis monumental" selon Yannick Alléno : "Dans le passé, on se devait d'avoir 15 volailles au frigo au cas où quelqu'un en voulait". En sachant quel plat préparer à l'avance, le chef pourra se fournir en conséquence.
Pour un "voyage" 100% personnalisé, le chef entend même connaître certains détails de la vie de ses clients. "Si le jour de votre mariage il y avait des lys blancs partout, on essayera de mettre un bouquet de lys sur la table pour un repas d'anniversaire du mariage et les initiales des époux sur la serviette", raconte le chef, qui compte plus que jamais rendre votre expérience dans son restaurant inoubliable.