La gastronomie italienne prend désormais beaucoup de place dans la restauration française. Une tendance qui occupe un espace de haut niveau, puisque notre scène gastronomique nationale est célèbre dans le monde entier pour sa qualité et sa richesse. Aucun autre pays européen n’a autant de représentants en France que l’Italie, que ce soit à Paris ou dans les autres grandes villes du pays. Des spécialités transalpines ont réussi à conquérir le marché français au point d’être à la carte de la plupart des bistrots, troquets et restaurants parisiens… la première d’entre elles : la burrata !
Alors, pourquoi cette cuisine occupe autant de place dans le cœur et dans les estomacs des français ? Si notre curiosité pour les cuisines du monde est un fait, d’où vient la déferlante de la cuisine transalpine ? Peut-on parler d’une « révolution » de la gastronomie italienne en France ?
Lors d’une conférence organisée dans le cadre de la journée I love Italian Food à Paris en avril dernier, trois célèbres représentants de la cuisine italienne en France ont essayé de comprendre quels sont les facteurs qui ont permis à cette culture gastronomique de pénétrer aussi bien dans le marché français.
Massimo Mori : "La cuisine italienne est traçable, colorée, réconfortante"
"Quand elle est bien faite, la cuisine italienne est traçable et compréhensible" souligne le chef Massimo Mori, figure historique de la gastronomie italienne à Paris, à la tête de l’Armani Caffé/Ristorante et du Mori Venice Bar. Elle met en avant un produit, un ingrédient, une spécialité, est réconfortante et rassurante, se prête au partage et à la convivialité. Pour lui, la cuisine italienne qui s’impose à l’étranger n’est pas une cuisine technique ou inventive, comme peut l’être la haute cuisine française. C’est une cuisine de cœur, saine, authentique transmise de génération en génération, dont la philosophie reste compréhensible.
Pour Massimo Mori, la véritable révolution de la cuisine italienne est de maintenir sa ligne de pureté et sa traçabilité, sans pour autant être simple. Elle est appréciée puisque colorée, facile, confortable, « comme un plat cuisiné par une mamie ». Pour lui la révolution de la cuisine italienne est dans « l’absence de révolution », dans le respect de la tradition, du produit, des filaires, de l’artisanat.
Bien évidemment, il y a des chefs italiens installés depuis des années à l’étranger qui proposent leur interprétation personnelle de la cuisine italienne, inspirée par leurs expériences, qui puise dans la richesse des produits et des ingrédients locaux. Mais cette cuisine séduit plutôt un public de connaisseurs et de foodies, prêts à passer à l’étape successive, celle de la créativité.
Alberto Suardi : "L’importance du travail de démocratisation"
"Des groupes comme Big Mamma ont démocratisé la cuisine italienne pour la rendre accessible à tout le monde : faire connaître la culture culinaire italienne passe par la mise en valeur des produits", tel le point de vue d’Alberto Suardi, chef exécutif du Groupe Big Mamma, la célèbre enseigne de restauration italienne qui multiplie ses établissements en France et en Europe depuis 2025 et a énormément contribué à l'explosion de cette cuisine à Paris. "La force du groupe est de mettre à l’honneur l’origine et l’histoire d’un produit, en la présentant aux clients pour les faire passionner".
Pourquoi autant d’italiens s’installent en France ? "Il faut être passionné pour travailler dans la restauration, c’est un métier qui remplit la vie et vous accompagne du matin au soir. En Italie, on peut passer des années à faire le même métier sans voir aucune évolution. La France te donne une chance, si tu as du talent, des idées et le courage de te lancer. Après toutes les ouvertures qu’on a eues, nous continuons à mettre la vie des travailleurs en avant". Méritocratie, flexibilité des plannings, contrats bien encadrés et possibilité d’avoir une vie à côté sont les facteurs qui poussent beaucoup de jeunes italiens à quitter leur pays pour construire leur projet professionnel à l’étranger. Leur mission : partager avec passion un savoir-faire gastronomique qu’ils ont appris dès leur naissance, qu’ils ont dans le sang.
Peppe Cutraro : "Simplicité, authenticité, cœur"
"Seulement un pays comme la France et une ville comme Paris peuvent donner une opportunité professionnelle pareille. C’est un kiff total pour nous d’être ici !" Le pizzaiolo napolitain est parti d’une petite pizzeria à gestion familiale située dans le 20e arrondissement de Paris. Trois ans après, Peppe Cutraro a ouvert plusieurs établissements à Paris et dans sa petite ceinture.
"La chose qui m’a choqué quand je suis arrivé en France, c’est la mise en valeur de la personne. Nous avons des valeurs de transmission familiale et ce qu’on nous demande ici est juste de reproduire les plats traditionnels et familiaux, notre cuisine de cœur et de réconfort". Pour Peppe Cutraro, il s’agissait de le faire avec la pizza, qui doit rester un plat populaire et traditionnel : "Ça m’arrive encore aujourd’hui d’expliquer que sur la pizza on met de la mozzarella fior di latte arrivée d’Italie et pas de la mozzarella industrielle râpée". Sa mission est de transmettre aux français le véritable art de la pizza et la renouveler grâce aux nouvelles techniques et connaissances sur le processus de production.
Pour conclure, la cuisine italienne qui séduit les foodies du monde entier est une cuisine familiale et simple. Cette simplicité domestique a toujours été à la fois sa "bénédiction" et sa "malédiction" : c’est elle qui a fait que pendant des années les français ne reconnaissent pas sa qualité d’un point de vue "gastronomique". Mais cette même simplicité a été - et est encore aujourd’hui – son atout majeur, qui lui a permis de conquérir les marchés gastronomiques du monde entier. Plus que d'une révolution, nous pouvons donc plutôt parler d'une « non-révolution » de la cuisine italienne en France : elle se fait aimer par les français dans toute son authenticité.
Lire aussi : Les meilleurs restaurants italiens de Paris