Né en 1972 et couronné de trois étoilés Michelin amplement méritées, Pascal Barbot a été l'un des pionniers de la nouvelle génération de chefs français soucieux de se distinguer de la vieille école de cuisine. Malgré son titre de Meilleur cuisinier de France décerné en 2005 par le Gault & Millau et la nomination régulière de son restaurant parisien, l'Astrance, parmi les World's 50 Best Restaurants, le chef continue de se définir modestement comme un « petit cuisinier français ».
Sa cuisine se concentre sur l'essence des saveurs : il privilégie l'huile d'olive extra-vierge, utilise très peu de beurre et de sel et bannit la crème. Le plat qui le rendra immortel est le Millefeuille champignons de Paris et foie gras frais.
Nous l'avons rencontré à l'occasion de son dîner réalisé aux côtés du chef Domenico Ruberto pour le S.Pellegrino Sapori Ticino 2016, à l'Hôtel Splendide Royal de Lugano. Voici ce qu'il nous a raconté, à commencer par le plat qu'il a préparé pour cette soirée en Suisse.
Quel est le plat le plus représentatif que vous ayez préparé lors du dîner S.Pellegrino Sapori Ticino ? J'ai concocté un menu composé de 6/7 plats, tous proposés actuellement dans mon restaurant de Paris. Tous les plats étaient vraiment de saison, dont notre plat signature fait d'un écrasé de pommes de terre et de crème glacée à la vanille : cela donne un bon équilibre entre le sucré et le salé avant l'arrivée du dessert.
Quelles sont les trois choses importantes pour vous dans un plat ? L'assaisonnement, la découpe et la cuisson des ingrédients. Ma cuisine est de saison car selon moi c'est la meilleure façon d'être sûre de la qualité d'un produit. Je suis un grand fan des ingrédients donc la chose la plus importante est la façon dont on traite la matière brute. Un même ingrédient peut produire un résultat différent selon la manière dont vous le travaillez. Les détails font toute la différence. La découpe d'un ingrédient est souvent sous-estimée mais cette technique donne un tout autre relief au produit. La méthode de cuisson est également importante, c'est le travail principal d'un chef. Vous devez trouver le juste équilibre entre les méthodes de base et les nouvelles techniques afin de répondre au mieux aux exigences des clients.
Que pensez-vous du nouveau rôle des chefs ? Être chef aujourd'hui représente l'opportunité d'aider les gens à réaliser que la façon dont ils se nourrissent est vraiment importante ! C'est très important de ne pas trop manger. Manger de la bonne nourriture... mais pas trop ! Pour aider tous les fermiers, les pêcheurs, ceux qui élèvent la volaille... Toutes ces personnes très importantes qui se lèvent très tôt le matin pour nous offrir les meilleurs produits possibles ! Nous devons respecter et aider ces personnes ! Nous avons de la chance de pouvoir voyager et rencontrer des gens bien. Les chefs sont surexposés aujourd'hui. Nous sommes chefs, nous pouvons avoir une influence sur les personnes qui nous suivent, mais nous n'allons pas sauver le monde.
Que pensez-vous de la tendance « 0 viande » ? Il est certain que nous mangeons trop de viande, mais ce n'est pas pour autant qu'il faut la bannir. Nous devrions en manger moins, mais de meilleure qualité, respecter l'animal et les fermiers qui les élèvent. Nous devons encourager les producteurs locaux à utiliser leurs connaissances pour élever correctement les animaux. C'est pourquoi j'utilise principalement des produits locaux.
Vous avez participé à l'écriture du livre Dashi and Umami. Pourquoi vous intéressez-vous à la cuisine japonaise? J'ai toujours été fasciné par la culture japonaise. Ils ont de super produits et surtout, ils ont une très forte philosophie des fruits de mer : dans le passé, élever certains animaux était illégal, donc les Japonais se sont tournés vers la mer. Il y a une grande tradition du pêcheur, et cela me fascine car vous pouvez trouver de nombreuses traditions qui ont survécu à travers les années. Il y a également beaucoup de parallélisme entre la cuisine japonaise et la cuisine française. En réalité, les Français sont aussi pointilleux sur la viande que les Japonais le sont avec le poisson. Par exemple, la langue française compte de nombreux mots en rapport avec la production de viande et au Japon, c'est la même chose avec le poisson. De plus, en France, nous avons l'habitude de classer les viandes par catégorie, ce que font les Japonais avec le poisson. C'est vraiment très intéressant de constater que deux cultures si différentes peuvent se rejoindre dans la cuisine.
Des projets futurs ? Mon projet est surtout de voir mon restaurant complet midi et soir tous les jours de la semaine. Bien sûr, il est important de faire du business, mais l'un de mes buts principaux avec mon restaurant est d'aider les fermiers et agriculteurs locaux à continuer leur travail et maintenir la qualité de ce qu'ils produisent, car ils représentent la véritable excellence de nos terres.